Road-trip : la Royal Enfield Himalayan à la conquête de l’Himalaya
Plus abordable et moins puissante que les stars du segment, la Royal Enfield Himalayan se veut, elle aussi, tailler pour l’aventure. C’est sur ses terres de l’Himalaya que nous l’avons mise à rude épreuve.
Quand on pense aventure à moto, ce sont souvent les mêmes modèles qui viennent à l’esprit : Honda Africa Twin, BMW 1250 GS et autres Yamaha Ténéré. Pourtant c’est avec une machine bien plus modeste mais tout aussi efficace que nous avons tenté un road trip atypique à plus d’un titre : parcourir 1 300 km sur les sommets de l’Himalaya, dont 900 km de off-road. C’est donc au guidon de la Royal Enfield Himalayan qui joue à domicile, que nous sommes partis braver un terrain particulièrement hostile, y compris en plein été. 7 jours d’un périple fait de poussière, de cailloux, de sable et de boue.
Direction Leh, une petite ville du nord de l’Inde perchée à 3 600 m et capitale du Ladakh. C’est de là que nous rejoindrons le Zanskar et ses routes carrossables les plus hautes du monde (plus de 5 000 mètres) d’altitude, qui sont coupées du monde pendant plus de huit mois. Néanmoins, si la Royal Enfield Himalayan est d’ores et déjà prête, il s’agit pour nous de d’abord nous acclimater à l’altitude. Nous profiterons donc de ces deux jours de repos forcé pour découvrir notre monture sous toutes ses coutures.
Au premier coup d’œil, il est clair que la Royal Enfield Himalayan a toutes les caractéristiques d’une baroudeuse avec sa garde au sol de 220 mm, ses jantes à rayons de 21 pouces à l'avant et de 17 pouces à l'arrière, sur lesquelles sont montés des pneus mixtes. Le solide cadre tubulaire en acier est associé à une fourche de 41 mm qui bénéficie d’une course de 200 mm. À l’arrière, la suspension est assurée par un mono-amortisseur réglable avec un débattement de 180 mm. La moto est équipée d’un petit sabot extrêmement résistant qui s’avérera fort utile avec les nombreuses projections de cailloux sur le parcours.
Côté motorisation, on est loin des grosses cylindrées mentionnées plus haut. En effet, comme pour ses autres motos, Royal Enfield a doté son Himalayan d’un moteur plutôt modeste mais qui s’avère parfaitement adapté aux routes et aux pistes de l’Himalaya. Certes, on ne serait pas contre un peu plus de couple à bas régime de la part du mono cylindre quatre temps de 411 cm3. Mais une nouvelle version de 450 cm3 est attendue dans les prochains mois. Ceci étant, même dans les phases les plus techniques, comme par exemple face à un passage étroit avec un dévers important et un mélange de pierre et de sable, la Royal Enfield Himalayan s’est montrée d’une efficacité redoutable. Y compris pour les pilotes les moins expérimentés.
Car c’est aussi l’un des avantages de cette petite moto. Sa hauteur de selle de 800 mm la rend accessible à tous et plutôt rassurante. Certes les motards les plus grands auront les jambes très pliées, mais sur du off-road, la position debout s’impose. Et de off-road, notre périple en a à revendre avec plus de 900 km de cailloux, de sable et de boue, à une altitude qui oscille entre 4 000 et 5 100 mètres.
Des paysages à couper le souffle
Le premier jour du voyage permet de nous familiariser avec la Royal Enfield Himalayan. Distantes de 275 km, les villes de Leh et de Drass sont reliées par une belle route goudronnée qui ne pose aucune difficulté. Malgré des caractéristiques de moto off-road, elle affiche de belles aptitudes routières, même si la protection offerte par la bulle est limitée. Quoi qu’il en soit, les quelques enchaînements de courbes du parcours permettent de s’amuser et témoignent de l’agilité de la moto qui profite à plein de son poids contenu.
On est souvent tenté d’élever le rythme tellement la Royal Enfield Himalayan semble facile, mais les incroyables paysages de cette région qui abrite l'ancien royaume de Zanskar, incitent à ralentir.
Quand ce n’est pas les panneaux de sécurité routière qui se succèdent tous les 100 m avec des messages parfois très bien trouvés pour rappeler aux conducteurs à lever le pied. Car il convient de rester concentré sur cette belle route. Outre la conduite à gauche à laquelle on se fait très vite, il faut se méfier des vaches qui décident de squatter la chaussée, ou des véhicules qui déboîtent parfois en face de nous sans vraiment se soucier des motos.
Mais les choses sérieuses commencent vraiment le deuxième jour avec 170 km pour relier Rangdum. Tout commence par l’ascension d’un premier col perché à 4 200 m. La route disparaît peu à peu, laissant la place à une piste dont les cailloux ne ménagent pas notre Royal Enfield Himalayan. La modeste puissance du moteur nous incite à jouer du sélecteur qui se montre très docile. La descente sur une piste qui mélange pierre et sable incite à la précaution, et le système de freinage s’avère parfaitement dimensionné pour l’exercice, évitant ainsi les mauvaises surprises. Enfin, le gabarit réduit de la moto permet de négocier aisément les nombreux virages en épingle sur une piste étroite.
Malgré l’altitude, le thermomètre frôle les 30 degrés mais il est hors de question de tomber la veste, ou même d’ouvrir la visière du casque intégral avec la poussière soulevée par nos motos. Les premiers passages de gué permettent aussi de tester notre équipement qui montrera des lacunes évidentes. Un conseil, outre les bottes, n’hésitez pas emporter quelques paires de chaussettes étanches pour sillonner l’Himalayenne. La journée s’achèvera au camp de Rangdum où nous camperons pour la nuit. Non sans avoir préalablement tenté de sécher nos chaussures auprès du feu sous un incroyable ciel étoilé.
Après une courte nuit (glacée), direction Padum en passant par l’impressionnant glacier de Drang Drung, l’un des deux plus grands du Ladakh. La route ne s’améliore pas, loin de là, et les passages de gué se font de plus en plus compliqués, avec une profondeur et surtout un courant parfois conséquent. Mais notre Royal Enfield Himalayan n’en a cure grâce à sa garde au sol de 220 mm. L’exercice reste néanmoins impressionnant pour un pilote qui est plus habitué à éviter les plaques d’égout parisiennes que le terrain sauvage de l’Himalaya. 140 km plus loin, nous arrivons épuisés à Padum avant d’attaquer le gros morceau du voyage.
L’aventure avec un grand A
On ne peut pas dire que le voyage aura été une partie de plaisir jusque-là, même s’il n’est pas nécessaire d’être un expert en off-road pour y participer il faut bien le reconnaître. Mais l’étape suivante représentera sûrement la plus compliquée de tout le voyage : 220 km entre Padum et Jispa en passant par le col de Shinku La qui est perché à près de 5 100 m d’altitude. Des sentiers étroits, des pierres qui imposent de garder une distance de sécurité avec les autres motos pour éviter des projections dangereuses, des montées extrêmement raides suivies par des descentes abruptes.
Et comme si cela ne suffisait pas, le sable s’invite parfois à la fête, bloquant parfois la roue avant de la moto qui se couche en douceur. Mais nous ne sommes pas à la plage même s’il fait chaud une fois encore, et que les passages de gué permettent de se rafraîchir. Le niveau de l’eau est tel qu’elle nous arrive au genou, et certains membres de notre groupe testeront une fois encore la résistance de la Royal Enfield Himalayan en l’immergeant totalement suite à une chute. Mais fidèle à sa réputation d’increvable, la moto repartira au quart de tour, avec pour seul trophée de l’eau dans le phare comme on peut le voir sur la photo ci-dessous.
Après quelques chutes heureusement sans conséquence, nous arriverons à Jispa la nuit tombée. Heureux d’avoir réussi cet examen de passage que nous a imposé l’Himalaya, il s’agit maintenant de se reposer car nous reprendrons le même chemin en sens inverse le lendemain. Nos bottes ont donc à peine le temps de sécher que nous voici à nouveau sur la route. Heureusement la météo est encore une fois au beau fixe.
La montée sur la route entre Jispa et le col de Shinku La est un régal, avec un tarmac en parfait état. Puis nous retrouvons la piste et les passages de gué qui sont néanmoins plus aisés à négocier en matinée, la fonte des neiges étant ralentie par les températures de la nuit et le niveau de l’eau plus bas. Pour autant, le parcours reste technique, et les portions les plus difficiles, notamment la descente dans le sable, se font cette fois en montée. Une fois encore, les chutes ne sont pas rares, mais tant les pilotes que la moto s’en sortent sans une égratignure.
Nous arriverons à Zangla 250 km plus loin pour une nuit chez l’habitant un peu hors du temps. Pas de réseau, pas de téléphone, simplement l’incroyable hospitalité de nos hôtes et la voie lactée comme spectacle.
La journée suivante sera la plus courte du voyage avec seulement 110 km pour atteindre Photoksar. C’est sous un soleil radieux que nous reprenons la « route » qui longe la rivière Zanskar. Le parcours est toujours aussi technique avec une piste parfois étroite, des virages en épingle ou encore des sections pleines de sable ou de boue qui ne tolèrent aucune erreur. La fatigue n’arrange rien, mais le plaisir reste de mise face à un décor aussi majestueux. Une fois passé le col de Singe La à 5 056 m, nous atteignons notre campement 500 m en contrebas. Il est 14 h 30 seulement et fois n’est pas coutume, nous pourrons récupérer plus longtemps avant d’attaquer la dernière journée. L’ambiance est une fois de plus joviale et tout le monde finira autour du feu, avant une dernière nuit glacée enfoui dans un duvet.
Retour à la civilisation
Au petit matin, tous les regards sont tournés vers le col dans l’attente de voir les rayons du soleil réchauffer notre campement. En attendant, le briefing est clair : s’il ne reste que 160 km à parcourir, la moitié se fera encore sur un terrain très accidenté et hostile. Plus petits, les passages de gué n’en sont pas moins piégeant, et nous aurons d’ailleurs l’opportunité de prendre un bain de boue. Pied coincé sous la Royal Enfield Himalayan, nous sommes une fois de plus reconnaissants pour son poids contenu et nos bottes renforcés qui nous éviteront la fracture.
Après une courte pause à mi-chemin, nous retrouvons enfin le tarmac. Le sentiment de libération est tel que tout le groupe passe en mode Sport, attaquant les virages comme sur circuit et à la limite de la moto. La horde sauvage arrivera finalement saine et sauve. Un bilan s’impose alors. Malgré sa difficulté, un voyage à moto sur la Transhimalayenne représente une expérience vraiment à part dont on se souviendra longtemps. C’est également un moment rare de camaraderie avec notre groupe de motards indiens avec lequel nous aurons partagé des moments exceptionnels autour du feu et à moto. Une moto que l’on regarde désormais sous un autre jour.
Car sous ses airs de petit trail, la Royal Enfield Himalayan est parfaitement taillée pour l’aventure off-road la plus extrême, le tout pour 5 390 euros. Après 1 300 km dont l’essentiel sur le pire terrain qui soit, la moto a fait preuve d’une fiabilité étonnante et d’un confort rare dont nous n’avons jamais eu à nous plaindre notre malgré les longues journées. Modèle de simplicité et véritable passe-partout, cette Himalayan affiche une polyvalence qui force le respect, même si, eu égard à sa cylindrée, ses aptitudes de routière restent très modestes.
Photos (80)
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération