Route de nuit - Gaston Lagaffe et les voitures
Féru d’inventions et de technique, le célèbre antihéros gaffeur a exercé ses « talents » sur des voitures, qui en sont rarement sorties indemnes….
Comme beaucoup de vieux ringards de ma génération, j’ai notamment appris à lire avec Gaston. Son univers coloré et excessif plaisait beaucoup au gamin que j’étais, aussi et surtout parce qu’il démythifiait totalement le monde des adultes. Plus tard, j’en appréciai le côté totalement subversif : voici un employé qui fait exactement tout sauf ce qu’on lui demande et ne se fait pour autant pas virer. Un personnage aussi iconoclaste ne pouvait pas posséder une voiture banale, aussi Franquin, son créateur, lui a-t-il refilé une antique Fiat 509 A, pas inintéressante, puisque dès 1925, ce modèle voulu bon marché disposait déjà d’un moteur à arbre à cames en tête.
Celle de Gaston, cherchant désespérément son souffle perchée sur des roues flageolantes, est un personnage à part entière et une source inépuisable de gags. Petit aparté, je me suis toujours demandé pourquoi Franquin avait choisi cette auto, certes amusante mais très peu connue. En m’apercevant qu’aux Editions Dupuis, qui éditaient Gaston Lagaffe, d’autres héros roulaient en Fiat (Yoko Tsuno a une Fiat 850 Spider puis une X1/9, Gilles Jourdan une Dino), je me suis dit qu’il y avait peut-être eu un astucieux placement produit de la part du Géant Italien. En réalité, Franquin s’est souvenu d’un de ses amis qui s’était fait refourguer une Fiat 509 pissant l’huile de partout et s’en est largement inspiré.
Matérialisation d’une partie de l’esprit de Franquin, Gaston a réfléchi à des problèmes très actuels avec sa vieille Fiat, notamment la sécurité, en la dotant d’un coussin gonflable, ou l’écologie. Alors, soit les gaz émis durant le roulage finissaient dans un ballon qui asphyxiait toute la population avoisinante quand on le dégonflait, soit le catalyseur faisait exploser le moteur, qui se mettait à fumer comme un porte-avion diesel… Sans oublier l’inénarrable gazogène, solution de Gaston aux économies d’énergie.
Mais Gaston n’a pas sévi que sur la propre voiture. Il a notablement nui au modèle-fétiche d’un homme d’affaires colérique et masochiste, qui tente désespérément de signer des contrats apparemment juteux avec les Editions Dupuis. Aimé De Mesmaeker, c’est son nom, adore la Ford Mustang, et en a possédé plusieurs. Gaston lui a défoncé une aile à l’aide d’une tondeuse télécommandée, l’a précipitée dans un compacteur de casse automobile (manque de bol, les contrats étaient dans le vide-poche), et quand ce n’était pas Lagaffe le responsable, sa mouette prenait le relais : elle a enfoncé le pavillon de la pauvre Ford (en déclinaison Shelby !) en y lâchant de très haut une boîte de conserve.
Par ailleurs, les aventures de Gaston s’inscrivent dans l’univers de années 50 à 80, et celui-ci est remarquablement rendu, dans des arrière-plans à la richesse inouïe, par un Franquin d’un perfectionnisme maladif.
Relire Gaston, c’est se payer de bonnes tranches de rigolades mais aussi se replonger dans le parc automobile franco-belge (les aventures sont délibérément peu localisées, de façon à ce que les lecteurs belge et français puissent s’identifier), où les autos sont, elles aussi, caricaturées mais parfaitement reconnaissables. Elles ont parfois été dessinées par Jidéhem, ami de Franquin et dessinateur au talent exceptionnel.
Photos (5)
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération