Route de nuit - La cibi, le 1er antiradar légal
Très en vogue des années 70 à 2000, la cibi a permis de sauver bien des permis. Mais son usage servait à bien plus que simplement se communiquer l’emplacement des radars !
« Dans sa R16, y a la cibi tu penses. 73 la station, tête de nœud en fréquence, mon beauf ! Mon beauf ! ». Ah ça, le chanteur Renaud ne dressait pas un portrait très élogieux des cibistes dans sa chanson Mon beauf de 1981.
Néanmoins, le fait qu’il fasse mention de la cibi montre l’importance qu’elle avait prise en France à l’époque. En effet, on voyait beaucoup de véhicules, voitures et surtout camions arborant un bandeau de pare-brise ou une plaque d’immatriculation sur le tableau de bord où était indiqué le pseudo du joyeux cibiste. Dédé94, Loulou83, Momo59…
Ces engins se signalaient aussi par la présence d’une antenne supplémentaire, nécessaire au bon fonctionnement du poste. Cibi, c’est la prononciation à l’anglaise des lettres CB, l’abréviation de Citizen’s Band, bande du citoyen.
L’origine du phénomène remonte à 1947. Aux Etats-Unis, à Atlantic City, lors d’une conférence mondiale, on décide de la répartition des fréquences hertziennes en fonction des utilisateurs, armée, services de secours, etc.
La bande allant de 26,957 mhz à 27,283 mhz ne séduit personne et tout cas plus l’armée qui l’avait beaucoup utilisée, car elle est très perturbée. Aussi la laissera-t-on aux quidams, les citoyens ordinaires en somme. Du matériel militaire réformé se retrouve dans les surplus.
Les routiers américains s’en emparent dans les années 50, le bricolent pour l’adapter à leur camion et s’en servent pour discuter, trompant ainsi l’ennui lors des longs trajets. Le bouche à oreille aidant, ils sont nombreux à s’équiper.
Puis la CB connaît un essor inattendu en 1973. Les USA instaurent des limitations de vitesse, ce qui gêne considérablement les camionneurs. Pour livrer leur chargement dans les temps et préserver leurs revenus, ils utilisent massivement la CB afin de se communiquer l’emplacement des contrôles de vitesse.
La cibi connaît un bel essor chez nous dans les années 70, où les routiers s’en servent comme aux USA, pour tromper l’ennui, nouer des contacts, se sentir moins seuls : un vrai réseau social en somme ! Un réseau social par ailleurs très utile puisqu’il leur permet aussi de signaler les accidents de la route (on tournait à 12 -13 000 morts par an à l’époque !) avec une célérité inégalée.
L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 donne un coup de fouet à la cibi. Pourquoi ? Parce qu’il libéralise les ondes ! Outre la floraison des « radios libres », cela entraine une multiplication des utilisateurs de la Citizen’s band chez les automobilistes, même s’il y a une taxe spécifique à payer à l’achat d’une cibi.
Et là, il est moins question de parler à des potes que de se signaler les radars. Ça marche tellement bien que les forces d’ordre se mettent à espionner les conversations pour savoir si elles ont été repérées. On parle alors de façon imagée, pour éviter de se faire poursuivre en cas de message trop explicite : « Papa 22 au km 45 sur l’autoroute A6 », « boîte à images sous le pont d’Orly ».
En 1992, l’instauration du permis à points pousse encore les gens à s’équiper de la cibi, en plus de provoquer un blocage du pays par les routiers (vous vous souvenez du fameux Tarzan qui a écumé les plateaux télés à l’époque ?).
Certains fabricants proposent même des autoradios intégrant une cibi… Malheureusement, celle-ci est victime de son succès : la bande s’encombre et pas uniquement de gens cherchant à se sentir moins seuls ou à rendre service. Elle devient un joyeux foutoir, ce qui nuit à son efficacité !
Paradoxalement, l’arrivée des téléphones portables et des avertisseurs de radar va lui sauver la mise au début des années 2000. La bande se libère des importuns et revient à sa vocation initiale, la convivialité et la solidarité.
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