Route de nuit - Majorette, géant de la miniature française
Créée en 1961 par Emile Véron, l’un des fondateurs de Norev, la firme Majorette a été numéro 1 de la production mondiale de voitures miniature, offrant ainsi rêve et amusement à des millions d’enfants pendant plus de trente ans. Oui, aujourd’hui, ça paraît fou…
En fait, on n’a pas besoin des écolos pour venir à bout de la voiture. Les jeux vidéo s’en chargent très bien, depuis plus de viiiinngt ans, comme le dirait un chroniqueur télé qui se la joue Donald Trump à l’échelle 1/43.
L’irruption des Game Boy et autre Playstation dans les années 90 a largement contribué à détourner les bambins des jouets traditionnels tels que les autos miniatures. Une véritable mutation technologique qui a sonné le glas d’un univers ludique à base véhicules, dont les acteurs n’ont par ailleurs pas su s’adapter.
Que des enfants s’amusent avec des voitures, c’était la norme, c’est aujourd’hui énorme pour certains, qui préféreraient voir des poireaux ou des éoliennes à l’échelle entre leurs mains… Rien de tout ceci quand j’étais moi-même un épouvantable morveux braillard, au tournant de la décennie 80. J’adorais aller à la librairie du patelin où j’habitais, certes pour feuilleter Strange ou L’Auto-Journal (pas Pif Gadget, c’était sous blister), mais aussi baver sur un magnifique présentoir : celui des Majorette.
Des miniatures métalliques (châssis compris) donc solides, pas si approximatives, quoique dotées de roues rappelant des boutons de culotte, parfois dotées d’ouvrants, colorées et surtout, couvrant une immense partie de la production automobile.
Il était pratiquement impossible ne pas trouver la voiture de papa-maman. Il y avait la Renault 5 avec les rétroviseurs rapportés en plastique, la Fiat 127 dotée d’un chien regardant par la portière, la Mercedes Classe S (W116) aux magnifiques feux arrière orange flashy, eux aussi en plastique, l’ambulance ID, ou encore la 4L fourgonnette de La Poste. Sans oublier les modèles équipés de leur caravane, les camions, les cars…
Elles étaient particulièrement faciles à admirer, puisque leur boîte transparente était leur propre vitrine. De temps en temps, j’arrivais, à l’usure, à m’en faire offrir une par mes parents réticents, qui savaient très bien le sort funeste qui l’attendait. Et le meilleur moment, c’était quand j’ôtais le garage transparent. Je sentais l’odeur de jouet neuf et rapidement testais la suspension, car il y en avait une !
Ça, c’était le petit cadeau occasionnel, donné sans raison spéciale : une sacrée trouvaille du marketing car ces jouets n’obéissaient à aucune saisonnalité. Donc, il s’en vendait constamment. Les Corgi, Dinky Toys, Matchbox, Norev ou encore Solido et Tonka, plus chères, s’offraient plutôt aux anniversaires ou à Noël.
Dans les années 70, l’usine Majorette de Rilleux-la-Pape produisait jusqu’à 400 000 petites autos par jour et la société est même entrée en bourse. C’était un immense succès : le fabricant français s’est retrouvé numéro 1 mondial dans son domaine ! Il a même racheté Solido en 1980.
Toutefois, dans la deuxième moitié des années 80, de mauvaises décisions furent prises. Au lieu de rendre sa production un peu plus technologique, ne serait-ce que pour faire face à l’américain Hot Wheels qui lançait des miniatures à friction incroyablement rapides, Majorette l’a délocalisée en Thaïlande en 1987, au détriment de la qualité, de la technicité, voire du réalisme…
Les ventes ont chuté, Majorette a fait faillite en 1992, puis a été rachetée et a tenté de se repositionner dans le haut de gamme. Las ! La marque est passé de mains en mains, pour carrément disparaître entre 2000 !
Majorette a réapparu en 2003, sans retrouver, loin s’en faut, les chiffres de vente des belles années. Son existence demeure assez chaotique, d’autres liquidations ayant été décidées, mais elle est toujours là, désormais incorporée au groupe allemand Simba Dickie. A qui s’adressent ses miniatures ? Aux enfants de moins de dix ans qui aiment les voitures, ce qui n’est pas le cas de tous, loin de là.
A coup sûr, ceux-ci ont au moins un papa ou une maman passionné(e), une espèce sinon en voie de disparition, du moins assez rare. En effet, la plupart des parents d’enfants en bas âges ont la plupart du temps moins de quarante ans et ont souvent été élevés aux jeux vidéo.
D’ailleurs, les miniatures ont pratiquement déserté les buralistes, les marchands de journaux, et les rayons des supermarchés pour se concentrer soit dans les grandes surfaces du jouet, soit chez des revendeurs spécialisés. Et encore !
Ces derniers proposent surtout des réductions de très grande qualité, bien plus chères que les Majorettes d’antan et s’adressant aux collectionneurs. Dans les années 70 et 80, ceux-ci n’avaient guère que les Bburago et Polistil (vous vous souvenez ?) à exposer s’ils voulaient des grandes tailles, le 1/18 par exemple. Des réductions de bonne qualité qui faisaient baver les grands enfants mais restaient perfectibles.
Depuis une vingtaine d’années, des marques telles que Auto Art, Kyosho, Minichamps ou encore Otto Models et GT-Spirit proposent des miniatures exceptionnelles de précision, inimaginables voici trente ans. Et pour les milliardaires, il y a les fabuleuses Amalgam (parfois plus de 10 000 € pièce !). Même Solido et Norev ont su hausser remarquablement la qualité de leurs réalisations, mais ces objets ne s’adressent pas aux petits enfants. Ceux-ci s’en moquent d’ailleurs, les tablettes, c’est tellement plus rigolo. D’ailleurs, leurs parents les exigent dans leur voiture…
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