Sauver la planète, ce n’est pas la fin du monde
Jean Savary , mis à jour
Puisque les COP 28, 29, 30 et les suivantes ne sauveront pas la planète, que pouvons-nous faire, chacun à notre petit niveau, pour moins lâcher de CO2 dans l’atmosphère ? Plus qu’on ne croit, et pas forcément en voiture électrique.
Le cirque de Charm El Cheick s’est achevé sur un constat d’impuissance collective : peu de bonne volonté et aucun engagement réellement contraignant.
Un fonds « pertes et dommages » sera bien créé pour aider financièrement les pays du Sud à faire face aux conséquences du dérèglement climatique, mais pour le reste, pendant le réchauffement, les affaires continuent.
La COP n’est plus qu’un bulletin météo futuriste dont les nouvelles sont de plus en plus mauvaises. Depuis plus de trente ans que l’effet de serre est documenté et ses futures conséquences précisément décrites -et déjà perceptibles -, presque rien ne s’est amélioré dans nos modes de vie et de consommation, au contraire, tout a empiré. Tout ce qu’il ne fallait pas faire, nous l’avons fait, et cela en étant parfaitement informés des conséquences.
Concernant l’automobile, un fort émetteur de CO2 – même s’il y en a de « pires » - tous les progrès de sobriété accomplis dans les motorisations l’ont d’abord été par souci d’économie. Et tous ont été annulés par la prise de poids et de volume de nos voitures jusqu’à la vogue du monospace puis du SUV et l’obésité terminale.
Et qu’on ne me parle pas des normes de sécurité et autres excuses bidon, ce qui a enflé et rehaussé nos voitures et leur appétit, c’est avant tout notre exigence de confort et notre vanité.
Résultat, alors que la voiture « à 2 litres aux cent » est à portée de main depuis 15 ans au moins et que son urgence se fait de plus en plus criante, nous avons collectivement préféré la voiture à 6 ou 8 litres aux cent. Et nous adopterons bientôt sous la contrainte, la voiture électrique construite sur le même moule bouffi avec ses 3 ou 400 kg de batteries et ses 15 ou 20 kWh/100 km, le tout vendu à tarif stratosphérique, cas de le dire.
France Stratégie, l’organisme que l’on décrit dépendant du premier ministre mais indépendant dans ses recommandations – le fou du roi version moderne - a prévenu la semaine dernière : cette voiture électrique là, avec ses énormes batteries et ses performances de GTI, est une impasse. Trop de matériaux, trop de lithium et de métaux rares à extraire pour la fabriquer, trop d’énergie pour la faire fonctionner, elle n’apportera aucune solution au défi planétaire.
Quand l’Europe, l’Amérique et le Japon donnaient le la…
On aurait pu s’y prendre autrement.
Si nous, automobilistes occidentaux, nous étions contentés des performances des années 70 et du confort des années 80, on aurait pu, avec la technologie moteur et de sécurité active des années 2010 produire des voitures consommant autour de 2 l/100.
Rien de magique ni de révolutionnaire : une silhouette basse et pas trop large, une aérodynamique de concours, un poids largement sous la tonne, des pneus étroits, une hybridation légère, cela aurait pu être le standard de la voiture écolo qui aurait essaimé partout sur la planète quand l’Europe, l’Amérique et le Japon y donnaient le la. Mais qui aurait acheté cette voiture un peu bruyante et dépouillée, réclamant plus de 12 secondes au 0 à 100, ne dépassant pas le 140 et pas forcément bon marché car la légèreté ça coûte ? Pas vous, pas moi et donc pas non plus les Chinois.
C’était pourtant celle dont nous avions vraiment besoin. Pas envie, mais besoin.
Maintenant il est trop tard, il va falloir faire avec les moyens du bord, ce que nous avons sous la main, et dans un contexte économique contraint.
Une question d’hygiène mentale
Personnellement, je m’y suis collé. Je sais que ça ne sert pas à grand-chose mais le challenge est stimulant et après plus de trente ans de presse automobile, c’est une question d’hygiène mentale. Je ne vais pas vous parler de mon poêle à bois ni de ma façon de prendre ma douche, juste de ma moto et de ma voiture.
La première, un trail 800 cm3 utilisé pour mes déplacements en ville, je l’ai remplacée non pas par une moto électrique quatre fois plus chère, mais par un moderne et modeste pétochon de 350 cm3 et 20 chevaux à peine, payé, quasi neuf, la moitié du montant de la revente du trail. Résultat, pour 3 000 €, une consommation d’essence réduite de 40 % dans le grand embouteillage parisien, précisément de 6 à 3,6 l/100 km.
Niveau du sacrifice ? J’ai redécouvert le plaisir de la moto en ville avec une bécane étroite, légère et maniable que rien n’arrête, sauf le feu rouge. Et aussi à la campagne où il est finalement plus rigolo de fouetter un petit monocylindre que de tenir serré la bride d’un gros twin.
Le 110 sur autoroute, ça n’endort pas
Pour la seconde, un diesel utilisé à 80 % sur autoroute, il n’y avait pas trente-six solutions : je l’ai convertie au 110 km/h afin de consommer 25 % de moins comme montré ici.
Pour ma part, je n’ai obtenu qu’un peu plus de 20 % d’économie sur mes trajets mais aussi un résultat inattendu : contrairement à tout ce qui se dit et se lit sur le sujet, loin de m’endormir cette vitesse augmente ma vigilance. Car pour rouler à 110 de croisière sans embêter personne, il faut s’appliquer : ne pas s’oublier sur la voie du milieu, déboîter les camions en visant bien dans le rétro sans oublier le contrôle direct, accélérer brièvement pour ne pas gêner, se rabattre, reprendre son allure et déjà anticiper le coup d’après…
Une conduite bien plus active et stimulante que de se laisser porter à 130 dans le flux du troupeau et donc moins émolliente. D’autant que moins de bruit à bord, c’est aussi moins de fatigue. Temps perdu ? Quelques minutes car ma moyenne n’a jamais perdu 20 km/h.
La décroissance, ce n’est pas une punition
Pardon pour ce laïus personnel, je ne veux évangéliser personne, juste témoigner du fait que ma minuscule transition écologique ou plutôt ma petite décroissance n’est pas une punition, une régression ou un renoncement. Et qu’elle n’a requis aucun investissement, bien au contraire.
Je n’ai renoncé à rien, ni à me déplacer, ni à me faire plaisir et j’ai pourtant réduit ma consommation de carburant et donc mes émissions de CO2 de conducteur, d’un petit tiers.
C’est encore loin de l’objectif 2035 et plus encore de la neutralité carbone, mais faut-il attendre que les voitures électriques coûtent deux fois moins cher et se rechargent en trois minutes pour 900 km d’autonomie et qu’il soit trop tard ?
Bref, faire sa toute petite part pour sauver la planète, ce n’est pas la fin du monde.
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