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Sécurité routière : quand le partage de la route ressemble à un sport extrême

Dans Pratique / Sécurité

Jérémy Fdida

Le partage de la route serait-il utopique ? Car dans la réalité, ce partage ressemble à la cohabitation d’un chat, un chien, et un hamster dans un espace confiné : les tensions montent vite, et chacun peut y laisser quelques poils. La dernière enquête Ipsos pour la Fondation VINCI Autoroutes nous rappelle à quel point les routes sont un terrain de jeu dangereux, surtout pour les usagers vulnérables comme les piétons, les cyclistes, et les utilisateurs de trottinettes électriques. Entre l’indiscipline généralisée et les coups de poker que prennent certains usagers, la route est un vaste théâtre où les règles semblent optionnelles.

Sécurité routière : quand le partage de la route ressemble à un sport extrême

Des chiffres qui donnent des sueurs froides

67 % des conducteurs de deux-roues motorisés et 33 % des automobilistes s’arrêtent joyeusement sur les sas vélos, ces zones pourtant réservées aux cyclistes pour qu’ils soient (un peu) moins vulnérables aux feux. Apparemment, ces espaces sont vus comme des suggestions plutôt que des obligations. Pour les cyclistes, ce n’est pas forcément mieux : 44 % d’entre eux avouent griller les feux rouges en l’absence de cédez le passage cycliste (ce fameux panneau M12 qui sert de totem d’immunité sur les réseaux sociaux). Comme s’ils avaient un joker caché pour traverser l’interdit. Quant aux piétons, c’est un véritable festival d’imprudences : 80 % traversent hors des passages protégés, même quand le précieux passage est à deux pas, bien souvent les yeux sur leur téléphone, casque dans les oreilles, sans même veiller jeter un coup d’œil à ce qui arrive (57 % d’entre eux ont le nez dans leur écran). Peut-être que marcher quelques mètres de plus paraît insupportable face à l’appel de l’aventure… ou du danger. Car non, le piéton n’est plus prioritaire si le passage piéton est à moins de 50 mètres. Il est même verbalisable (certes de 4 €, mais tout de même).

Cyclistes : champions de l’insécurité

Les cyclistes français ne sont pas vraiment les plus sereins. Avec seulement 59 % qui se sentent en sécurité, ils sont loin derrière les 80 % d’Européens confiants. Et on les comprend. Circuler à vélo en France, c’est jongler entre flux de véhicules massifs, aménagements aux continuités loufoques et zones de cohabitation forcées. Les disparités entre les villes sont d’ailleurs édifiantes : alors qu’à Strasbourg, 90 % des cyclistes se sentent protégés, à Marseille, ce chiffre tombe à un anecdotique 25 %. On pourrait croire que les Marseillais sont devenus philosophiques, voyant chaque trajet comme le dernier possible.

Malgré les promesses politiques et les hashtags en faveur des mobilités douces, les infrastructures cyclables restent souvent désespérément incomplètes. Ce n’est d’ailleurs pas l’annulation du plan vélo et les 400 communes et municipalités laissées en plan qui changera cela.

Une piste cyclable qui disparaît soudainement dans le néant ? Un accès impossible ? Des poteaux au milieu du trajet ? Bienvenue en France. Les cyclistes doivent naviguer entre la prudence et l'instinct de survie, tout en évitant les portières qui s’ouvrent sans préavis.

Sécurité routière : quand le partage de la route ressemble à un sport extrême

Piétons : le parcours du combattant

Pour les piétons, traverser un passage protégé n’est jamais anodin. 93 % d’entre eux craignent que l’automobiliste au loin ne s’arrête pas, et ce n’est pas seulement une peur irrationnelle. De plus, 80 % des piétons disent avoir été frôlés sur le trottoir par un vélo, une trottinette, ou même un hoverboard. Oui, le trottoir, ce sanctuaire supposé des marcheurs, est devenu un terrain de chasse pour les véhicules pressés de gagner quelques secondes. Les cyclistes sont les mauvais élèves. Réfugiés derrière les statistiques du nombre de tués par des vélos sur les trottoirs, ils en oublient que le concept du trottoir est de créer un espace sécurisé et serein pour les piétons, pas un parcours digne de Ninja Warrior. Ils sont ainsi 62 % à rouler fréquemment sur le trottoir, alors que seuls les enfants de moins de 8 ans y sont autorisés. Dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants, ils sont 72 % à slalomer entre les passants. Il faut ajouter à cet empiètement de l’espace les 2 roues qui transforment tout morceau en parking sauvage.

Le grand ballet des infractions

Et ne parlons même pas de la diversité des comportements à risques. 68 % des automobilistes passent allègrement au feu orange – ou rouge, soyons honnêtes, quand l’occasion se présente, souvent en mettant en plus un petit coup de gaz, comme pour se donner bonne conscience en augmentant l’énergie en cas d’impact. Mais ils ne sont pas les seuls à se moquer du code. Ainsi 44 % des cyclistes grillent les feux (mois que les automobilistes mais trop quand même) en absence de panneau M12, soit 6 % de plus qu’il y a 4 ans. Ils sont également 36 % à faire « des trucs » sur leurs smartphones en même temps qu’ils pédalent. C’est moins que les 78 % d’automobilistes et les 52 % de conducteurs de 2 roues motorisés.

Y a-t-il de l’espoir ?

Peut-être. L’étude montre que les « multi-usagers » – ceux qui pratiquent plusieurs modes de transport – sont plus conscients des dangers des autres. Il semblerait que l’expérience de la vulnérabilité rende plus sage. Un automobiliste qui devient cycliste devient, paraît-il, un conducteur plus prudent. 86 % des multi-usagers se disent plus attentifs aux autres. Comme quoi, il suffit de se sentir en danger soi-même pour commencer à faire attention. Un constat logique, dans la mesure où un automobiliste roulant à vélo cumule les reflex des deux mobilités. Il est alors plus conscient des dangers qui l’entourent et des situations à risque. Idem d’ailleurs pour les motards à vélo et vice-versa.

Un appel (désespéré ?) à la responsabilisation

Bernadette Moreau, déléguée générale de la Fondation VINCI Autoroutes, nous rappelle qu’un partage harmonieux de la route est possible. C’est vrai, mais il faudra sans doute un peu plus qu’un miracle pour y parvenir. En attendant, la prudence reste de mise, et chacun devrait, au moins, essayer de ne pas transformer la route en champ de bataille. Après tout, la survie, c’est mieux en collectif. Pour le moment, chaque usager doit assumer sa part de responsabilité, même si cela signifie, pour certains, renoncer à leur envie irrésistible de doubler un bus par la droite (même en étant dans son bon droit) ou de stationner en double file « juste pour deux minutes », créant des configurations sans visibilité.

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