Stop à l'intox : les radars peuvent flasher dès 1 km/h de trop !
Stéphanie Fontaine , mis à jour
Ce n'est pas systématique, et il est vrai aussi que vous pouvez rouler bien plus vite que la limite sans être inquiété. Mais, à l'inverse, il peut aussi arriver que vous vous fassiez prendre par un radar automatique pour un seul kilomètre/heure de trop. Mieux vaut être prévenu ! Explication.
Pourquoi entretenir un tel mensonge sinon pour soutenir l'activité des automates – qui soit dit en passant peut paraître en avoir besoin depuis quelque temps, en particulier depuis 2017 ? La question mérite d'être posée tant on a bien du mal à comprendre l'intérêt de véhiculer cette idée que les radars ne flasheraient que les véhicules largement en excès de vitesse.
"FAUX !", peut-on affirmer. Certes, ce n'est absolument pas systématique. De fait, ce n'est d'ailleurs aucunement prévisible. Mais les radars automatiques sont paramétrés de telle sorte qu'ils sont bel et bien susceptibles de se déclencher dès que la limitation de vitesse n'est pas respectée, soit dès le kilomètre/heure de trop.
Le message pour asséner le contraire par les pouvoirs publics, laissant entendre une "marge de tolérance" appliquée systématiquement - de 5 km/h jusqu'à 100 km/h et 5 % au-delà de 100 km/h pour les radars fixes, ou de 10 km/h et 10 % pour les radars mobiles - n'est pas nouveau. Le discours a toutefois connu un vrai regain avec la généralisation de l'abaissement de la vitesse réglementaire à 80 km/h sur le réseau secondaire depuis le 1er juillet 2018, et le lancement officiel, au printemps de la même année, des voitures radar dites privatisées.
Les exemples de cette bonne parole officielle se ramassent à la pelle :
- Le portail Internet de la Sécurité routière n'hésite pas à entretenir la confusion, en plusieurs endroits, sur cette "marge technique" des différents appareils et qui correspondraient à une marge de tolérance appliquée aux conducteurs.
C'est le cas pour les voitures radar : "Ainsi, seront flashés les véhicules roulant à partir de 146 km/h [au lieu de 130, NDLR] sur autoroute, 124 km/h sur une voie express [au lieu de 110 km/h] ou 61 km/h en agglomération [au lieu de 50 km/h]", peut-on lire sur la page dédiée à ces types de dispositifs.
Sur ce site officiel de la Sécurité routière, toujours au sujet de ces voitures radar, on peut aussi lire sur une autre page que "sur une voie limitée à 50 km/h, le conducteur d’un véhicule qui dépasse la voiture de contrôle à 58 km/h n'est pas verbalisé car la vitesse retenue est égale à 48 km/h (58 km/h moins 10 km/h), ce qui est en dessous de la limitation."
Ce n'est d'ailleurs pas propre à ces appareils particuliers, on retrouve un message similaire pour les radars fixes, sur la base toujours de cette fameuse "marge technique"/"marge de tolérance" : "Il est (...) impossible d’être sanctionné pour un excès de vitesse 'insignifiant', puisqu’il faut toujours y ajouter cette marge. Exemple : si vous êtes enregistré à une vitesse de 97 km/h, le chiffre retenu est de 92 km/h", lit-on par exemple à leur propos.
- Dans les médias aussi, il arrive aux responsables de la Sécurité routière de diffuser ce genre de mésinformation : "Ceux qui se font flasher, ce sont les grands excès de vitesse", affirmait par exemple l'ancien délégué à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe, au micro de RMC au moment du lancement des voitures radar "privatisées", soit conduites par des chauffeurs de sociétés privées… En clair, les petits contrevenants, ne vous inquiétez pas, vous passerez entre les mailles du filet !
Pourtant, c'est loin d'être toujours vrai. De fait, tout dépend à quelle vitesse le radar vous repère, en sachant que, comme tout instrument de mesure, il a "le droit" de se tromper… un peu.
Marge technique = Marge d'erreurs des radars (et non du conducteur)
La marge technique des radars - les fameux 5 km/h ou 5 % et/ou 10 km/h ou 10 % à plus ou moins 100 km/h - correspond en fait à la marge d'erreurs acceptée par la réglementation sur ces instruments de mesure que sont les radars. Chaque année, lors de leur vérification, ces appareils sont alors jugés aptes au service dès lors qu'ils respectent ces erreurs maximales tolérées (EMT).
Concrètement, cela veut dire quoi ?
Si un conducteur roule à une vitesse réelle de 91 km/h sur une route limitée à 90, il est de fait en infraction d'1km/h. Et s'il croise un radar sur cette route, court-il alors le risque de se faire flasher ? La réponse est… OUI ! C'est très loin d'être systématique, ce n'est d'ailleurs pas le plus probable, et c'est encore moins prévisible, mais le conducteur en infraction court bien le risque de se faire verbaliser.
Pourquoi ?
Car sur la base de la réglementation en vigueur, s'il s'agit d'un radar fixe en bon état de fonctionnement, celui-ci "a le droit" à une marge d'erreurs de plus ou moins 5 km/h, c'est-à-dire qu'il peut mesurer le véhicule (dont on sait qu'il circule à 91 km/h, pour rappel) à une vitesse comprise entre 86 et 96 km/h, puisque :
- 91 - 5 = 86
et
- 91 + 5 = 96
Vous suivez ?
Ça, c'est pour un radar installé à poste fixe, comme les cabines classiques, les discriminants, les "vitesse moyenne" (encore appelés les "tronçons"), les "chantiers" (encore appelés les "autonomes"), les radars embarqués dans des véhicules banalisés, c'est-à-dire les "vieux mobiles" que les forces de l'ordre ne peuvent utiliser qu'à l'arrêt sur le bord de la route. C'est donc ce qu'il y a de plus courant. Et si le véhicule à mesurer roule à plus de 100 km/h alors la marge d'erreurs de tous ces radars passe à plus ou moins 5 %.
S'il s'agit d'un radar mobile, comme on dit, c'est-à-dire d'une voiture radar, capable de flasher dans le flot de la circulation, la fameuse marge technique est de plus ou moins 10 km/h, tant que la vitesse du véhicule à mesurer ne dépasse pas les 100 km/h. Autrement dit, dans le cas de notre exemple, pour un véhicule circulant à 91 km/h, la voiture radar a "le droit" de le voir à une vitesse comprise entre 81 et 101 km/h, puisque :
- 91 - 10 = 81
et
- 91 + 10 = 101.
Suivez-vous toujours ?
À noter que les voitures radar ne peuvent théoriquement contrôler la vitesse des véhicules qui les dépassent ou qu'elles croisent que lorsque le différentiel de vitesse, entre elles et eux, est d'au moins 20 km/h. Dans notre exemple, il faudrait donc que la voiture radar circule à une vitesse de 71 km/h au grand maximum.
Et alors ?
Notre conducteur, rappelons-le, roule dans notre exemple en infraction, à une vitesse réelle de 91 km/h au lieu de 90. Or, si un radar fixe le mesure à 96 km/h (comme on a vu que c'était possible), le radar est bel et bien paramétré pour se déclencher et flasher !
Et sur le PV qui s'ensuivra si le cliché est exploitable, il sera indiqué que le radar l'a bien mesuré à 96 km/h, et qu'en retranchant la marge technique de 5 km/h, la vitesse retenue est de 91 km/h. Soit en l'occurrence, la VRAIE vitesse à laquelle roulait notre conducteur !
Et s'il était contrôlé par une voiture radar ? La même logique s'applique. Si elle le mesure à 101 km/h (comme on a vu que c'était possible), eh bien, l'appareil est bel et bien paramétré pour se déclencher et flasher !
Si la photo est exploitable, sur le PV qui s'ensuivra, il sera alors indiqué que le radar a mesuré le véhicule à 101 km/h, et qu'en retranchant la marge technique de 10 km/h, la vitesse retenue est de 91 km/h… Soit la VRAIE vitesse à laquelle roulait notre conducteur dans notre exemple !
Le risque est minime mais bien réel
Pour 1 km/h de trop, même si la probabilité est faible, il est donc tout à fait possible, selon la réglementation en vigueur, de se faire attraper par le contrôle automatisé. Car tout instrument de mesure a le droit de se tromper de 5 km/h (à moins de 100 km/h), que ce soit en plus de la "vraie" vitesse ou en moins. A fortiori, cela veut aussi dire que l'on peut se faire prendre pour 2 km/h de trop ou 3… 4… 5 km/h, quand le radar majore notre vitesse. À l’inverse, cela peut aussi aller bien au-delà s'il la minore.
Et il est donc vrai aussi que l'on peut rouler jusqu'à 10 km/h de plus que la vitesse sans se faire prendre : je roule à 100 km/h (sur une route limitée à 90), mais le radar m'a vu à "seulement" 95 km/h (comme on a vu que c'était possible). Or, comme cette fameuse marge technique de 5 km/h est retranchée systématiquement sur la vitesse mesurée par le radar (95-5 = 90 km/h), cela signifie que dans ce cas de figure, il ne se déclencherait pas.
De fait, les radars enregistrent des mesures de vitesse quasiment toujours un peu erronées par rapport à la "vitesse vraie" des véhicules contrôlés. La preuve avec le relevé de mesures effectuées lors d'une vérification périodique d'un radar embarqué récupéré par Caradisiac (voir ci-dessous).
Certes, le Mesta concerné (le nom commercial du radar en question) qui a le droit de se tromper jusqu'à 5 km/h ou 5 % (en fonction de la vitesse des véhicules mesurés) n'a pas enregistré de telles erreurs maximales. Mais il lui est bien arrivé de majorer la vitesse que ce soit à plus ou à moins de 100 km/h…
Un discours contre-productif
Il paraît pourtant évident que si le ministère de l'Intérieur mettait l'accent sur cela et qu'il communiquait pour mettre en garde tous les conducteurs sur ce risque, peut-être minime mais bien réel, de se faire prendre par un radar automatique pour 1 seul kilomètre/heure de trop, nombre d'entre eux feraient encore plus attention. Très certainement, il y en aurait prêt à lever immédiatement le pied. Alors comment justifier une telle position ?
Caradisiac a déjà eu l'occasion d'interpeller l'ancien délégué à la Sécurité routière sur le sujet. C'était justement lors de la présentation officielle des nouvelles voitures radar, à Évreux, en février 2017.
Conclusion : Soit la Sécurité routière fait preuve d'une belle mauvaise foi, soit elle ignore tout simplement comment fonctionnent vraiment les cinémomètres de contrôle routier, le nom savant des radars. Qui parie quoi ?
Pour retrouver tous nos articles sur le droit routier, la réglementation, nos conseils, cliquez sur les liens suivants :
Sur les PV issus des radars automatiques en général.
Sur le cas particulier des véhicules de société.
Pour savoir se défendre au tribunal, faire appel, se pourvoir en cassation.
Pour tout savoir sur la perte de point(s), le permis retiré, suspendu, annulé.
Sur l'alcoolémie et/ou l'usage de stupéfiants, l'essentiel à retenir.
Sur l'entretien - la garantie contractuelle et légale - l'assurance - l'achat/vente.
Sur la carte grise/ le certificat d'immatriculation - les amendes majorées.
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