Télématique embarquée : les flottes françaises encore frileuses
Qu’en est-il en 2020 des habitudes prises par les flottes françaises en matière de télématique ? Comment se situent-elles par rapport à la moyenne européenne ? Quels freins demeurent ? Le Règlement sur la protection des données personnelles (RGPD) contribue-t-il à rassurer les utilisateurs ? Éléments de réponses.
La télématique (boîtiers embarqués, applications pour smartphones avec coaching en temps réel, etc.) au service des flottes poursuit des vocations diverses. Elle permet de connaître en temps réel la position des véhicules du parc, et de suivre leurs kilométrages et leurs éventuels signes d’usure mécanique afin d’anticiper si besoin les passages à l’atelier.
Les boîtiers ou applications embarquées servent également à analyser la consommation en carburant et le comportement au volant, à sensibiliser les salariés à l’éco-conduite (notamment sur la base des données remontées du véhicule, qui peuvent signaler les accélérations vives ou les freinages brusques par exemple). La télématique peut d’ailleurs à ce titre être utilisée comme un outil contribuant à prévenir les risques routiers au travail.
Un taux d’équipement plus faible que la moyenne européenne
Si cette technologie est en constante évolution, le taux d’équipement en solutions de bord connectées, bien qu’en hausse, reste néanmoins très minoritaire parmi les flottes françaises. "Le pays reste en retard par rapport à l’Europe dans l’adoption de solutions télématiques", constate l’Arval Mobility Observatory (l’AMO) dans son Baromètre flottes 2020 réalisé en partenariat avec l’institut d’études de marché Kantar. À ce jour, "28 % des entreprises françaises ont adopté des solutions télématiques, contre 33 % en Europe", expose l’observatoire, qui fait partie des analystes de référence sur le marché du véhicule d’entreprise.
"Ce décrochage entre les usages en France et ceux de l’Europe est davantage marqué au sein des entreprises dont la flotte comprend au moins un utilitaire léger (19 % contre 28 % en Europe)", distinguent Kantar et l’AMO, qui ajoutent que l’adhésion des flottes varie en fonction de leurs tailles. "Au sein des entreprises de 10 à 99 salariés, elles sont 21 % recourir à la télématique (contre 31 % en Europe), alors qu’au sein des structures de 1 000 employés et plus, le différentiel entre la France et l’Europe est de 15 points (35 % contre 50 %)".
Le sentiment d’intrusion domine chez les flottes non équipées
Au rang des freins qui empêcheraient une large expansion des outils télématiques au cœur des flottes tricolores, c’est le sentiment d’intrusion qui dominerait largement, pour 62 % des entreprises qui n’en utilisent pas encore, souligne l’Arval Mobility Observatory. 54 % de ces sociétés hésitent même parfois à s’équiper, presque par principe, craignant qu’une offre de télématique ne soit de toute façon pas acceptée par leurs collaborateurs. "Ces deux freins sont nettement plus présents en France qu’en Europe, où les craintes sur le côté intrusif ne concernent que 38 % des entreprises, et celles sur la bonne acceptation de la part des employés 35 % des sondées."
Le sentiment d’intrusion et la crainte d’un manque d’adhésion en interne, c’est ce que soulevait aussi l’AMRAE, l’Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise, dans ses Cahiers Techniques publiés fin 2019.
La protection des données, parallèlement, semble mieux encadrée
Pourtant, bien qu’en deçà de la moyenne européenne, la proportion d’entreprises françaises demeurant réticentes à l’idée de s’équiper tend à diminuer depuis deux ans. Si en effet on s’appuie sur les chiffres publiés par l’AMO et l’institut CSA en 2018, seulement 14 % des flottes étaient alors équipées d’outils télématiques.
Cette progression du taux d’équipement est-elle due en partie au Règlement général européen sur la protection des données personnelles (RGPD) ? Difficile à prouver. Une chose est sûre, ce texte (entré en vigueur le 25 mai 2018, et qui n’est pas propre à l’univers des flottes) vise entre autres à responsabiliser les acteurs du traitement de la donnée, à renforcer l’obligation d’information et de transparence des entreprises vis-à-vis de leurs salariés, sous peine de lourdes amendes. Le RGPD introduit également la possibilité pour le collaborateur de retirer à tout moment son consentement sur le traitement des données. Un cadre juridique censé dès lors rassurer, notamment les conducteurs de véhicules de fonction. Mais pas qu’eux.
Le cadre légal mis en exergue par les télématiciens
Les experts en management des risques, tout comme les leaders de la télématique, à l’instar de Chevin, Webfleet Solutions, Geotab, Ocean ou encore Masternaut, qui préfère quant à lui se définir comme un spécialiste de la gestion de flotte connectée, perçoivent en effet le RGPD comme un élément structurant, rassurant, qui les accompagne dans leur démarche commerciale et qui peut parfois aider à convaincre les flottes les plus réfractaires sur les bienfaits que la télématique embarquée pourrait avoir sur la prévention et la maîtrise de leurs coûts.
Tous néanmoins, à l’image de Masternaut, soulignent que le RGPD ne saurait se substituer au dialogue et à une bonne préparation du projet de télématique en amont, à l’écoute des attentes de l’entreprise cliente et de son effectif. "Les collaborateurs sont en général prêts à jouer le jeu pour peu que l’on soit sincère sur les objectifs du projet et clair dans sa communication", témoigne Assem Deif, responsable des Services Professionnels de Masternaut.
Pédagogie et normes adaptées comme base sereine de développement ?
Pour les télématiciens, l’appétence encore relativement faible des entreprises françaises pour les outils de télématique serait davantage à mettre à l’actif du manque de bénéfices qu’elles y voient, a priori, en termes d’optimisation de gestion de flotte et de réponses à leurs enjeux plutôt que sur le compte d’un sentiment d’intrusion. C’est sur cet aspect pédagogie et exposé des vertus que les professionnels de la filière disent insister pour faire progresser le marché en France, tout en assurant dans le même temps accompagner leurs clients dans leurs démarches de protection des données à caractère personnel.
Depuis la mise en œuvre du RGPD, les fournisseurs de systèmes de bord connectés et les constructeurs automobiles sont plus que jamais conscients de devoir jouer la carte de la transparence. Une posture qu’ils s’apprêtent à tenir encore davantage dans la perspective d’une voiture toujours plus connectée, annoncée même comme autonome au cours de la décennie à venir. "Cette évolution, que l'on appelle le véhicule étendu (un véhicule qui dépasse ses frontières physiques pour se connecter avec son environnement), conduit à un besoin de normalisation pour assurer la cyber sécurité des données mais aussi une interopérabilité entre les systèmes pour que tous les acteurs puissent se comprendre et parler le même langage", avait insisté Tony Jaux, de la PFA, l’une des institutions représentatives du secteur automobile tricolore, lors des Ateliers du MAP* au printemps dernier.
* Le MAP est une filiale de l’Alliance Nationale des Experts en Automobile (ANEA). Il a été créé pour observer, réfléchir et communiquer sur le thème de la mobilité et de la prospective.
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