Tesla fête ses 20 ans (et n’est pas une création de Musk !)
En 2003, deux ingénieurs de la Silicon Valley, Martin Eberhard et Marc Tarpenning fondent la fameuse firme de voitures électriques, alors qu’Elon Musk ne se préoccupe encore pas du tout d’automobiles…
On l’oublie un peu trop souvent : la première voiture à franchir les 100 km/h n’est pas thermique mais bien électrique. C’est la Jamais Contente du Belge Camille Jénatzy qui a passé la barre mythique dès 1899 ! Par la suite, les motorisations thermiques ont lentement pris le dessus, essentiellement pour des raisons de prix et de disponibilité de l’énergie, mais la recherche sur l’électrique a continué.
Sur un rythme lent, certes, et avec des interruptions. Paradoxalement, c’est aux USA, pays largement obsédé par le pétrole, que certaines des avancées les plus intéressantes en matière de voiture électrique ont eu lieu. On pense notamment à la GM EV1, un petit coupé ultramoderne mu uniquement par un moteur à batteries. Comme d’autres, il a été créé pour répondre au California Zero Emission Mandate, un programme destiné à aider financièrement les créateurs de voitures électriques.
Hyper aérodynamique (Cx de 0.19), recourant largement à l’aluminium et pouvant parcourir jusqu’à 225 km en mode zéro émission, il n’a été proposé qu’en LOA entre 1996 et 1999. Si les clients ont adoré, GM a perdu beaucoup d’argent et récupéré presque toutes les voitures pour les détruire dès 2003. Pas de détail ! C’est un échec mais le ver était dans le fruit.
Le créateur et constructeur du système d’exploitation du moteur de l’EV1, Alan Cocconi, avait déjà fondé sa compagnie de motorisations électriques, AC Propulsion, en 1992. Elle existe toujours, collaborant avec de grands constructeurs. En 1997, elle a mis sur le marché une petit roadster biplace, la T0, dérivant de la Piontek Sportech de 1994, à moteur de moto Suzuki GSX-R. Sa grosse différence ?
Vous l’aurez compris, la T0 troque le thermique contre de l’électrique ! Elle place ses batteries plomb/acide, une technologie déjà ancienne, dans ses flancs, mais développant 200 ch pour à peine plus d’une tonne, elle passe de 0 à 100 km/h en moins de 5 s. Si elle peut parcourir près de 150 km sans recharge, la T0 n'est pas produite, peut-être à cause de son prix estimé à plus de 80 000 $.
Néanmoins, elle tape dans l’œil de Mark Tarpenning et surtout Martin Eberhard, deux ingénieurs de la Silicon Valley, spécialisés dans les e-Books. Ils n’ont pas compris pourquoi GM a détruit ses EV1 contre l’avis de ses utilisateurs.
Par aillers, conscients du fait que les transports jouent un rôle important dans le dérèglement climatique, ils ont été surpris en découvrant quelle était la clientèle de la novatrice Toyota Prius. Pas des écolos ! Ni des gens peu argentés désireux de réduire leur facture de carburant (très peu cher aux US) d'ailleurs. Il s’agissait au contraire de riches californiens également propriétaires de supercars. Pourquoi achetaient-ils la japonaise ? Pour montrer qu’ils se souciaient du climat.
Alors, pourquoi ne pas leur proposer une voiture de sport électrique qui se révèlerait aussi performante et utilisable que leurs Porsche et Ferrari ? C’est là qu’ils ont l’idée d’implanter des batteries modernes, des lithium-ion déjà largement utilisées dans le matériel électronique, dans une voiture. Et cette voiture, c'est la T0. Les résultats sont spectaculaires ! Ils proposent à Cocconi de la produire, mais celui-ci refuse. Alors, Eberhard et Tarpenning fondent Tesla en juillet 2003 pour créer leur sportive zéro émission, en se disant qu’ils maitrisaient toute la partie électrique, la plus importante.
Malins, ils se posent la question de la recharge et constatent qu’un garage surmonté de panneaux solaires permettait suffisait à alimenter une telle voiture. Ils établissent donc un business-plan où ils vendraient une biplace électrique dotée de batteries lithium-ion, où ils fourniraient à la clientèle de quoi la recharger et, mieux encore, leur épargnerait la corvée d’aller la faire réviser chez le concessionnaire.
Reste à trouver des employés, des fonds et concevoir le reste de la voiture. Ils lancent une levée en avril 2004 et c’est là qu’Elon Musk intervient. Il est alors en train de lancer SpaceX, un projet bien plus fou que celui de Tarpenning et Eberhard, ce qui les séduit ! La fine équipe pense alors à la Lotus Elise comme base, installent tout l’attirail électrique à bord, et dès la fin 2004, la Tesla Roadster est - presque - née. Elle roule début 2005. Le travail sur la carrosserie et la motorisation continue, puis, en avril 2006, une série de 10 prototypes est fabriquée.
Entre-temps, l’enthousiasme des créateurs est tel qu’ils séduisent sans peine des financiers, ce qui leur permet de bâtir un centre de développement. En juillet 2006, la voiture est officiellement présentée, elle séduit, ce qui aide à lever encore plus d’argent. Avec ces fonds, les tests intensifs, dans toutes les conditions d’utilisation possibles, débutent. Des milliers de modifications sont nécessaires, mais au printemps 2007, le modèle est finalisé. La voiture est testée en fin d’année, elle passe les 100 km/h en 4 s. génial ! Mais, catastrophe, la boîte à deux vitesses alors prévue casse, et il faut recourir en urgence à une transmission à un rapport. Néanmoins, en juin 2008, la première voiture est livrée. C'est un succès.
Pendant toute la durée du processus, Musk a énormément travaillé pour recruter des techniciens et convaincre des investisseurs (en plus d’avoir lui-même injecté des millions de dollars dans l’affaire). Si bien qu’en octobre 2008, il devient patron (CEO) de Tesla. La Model S est annoncée, en juin 2010 plus de 1 500 Roadster ont été commercialisées et 5 000 commandes pour la S enregistrées. Eberhard et Tarpenning quittent Tesla en 2008, goûtant peut-être peu le management disons particulier de Musk. En tout cas, la séparation s’est finalement faite à l’amiable, Musk étant alors officiellement considéré comme l’un des cofondateurs de Tesla dans l'accord conclu.
Ces trois hommes ont vu absolument juste sur l’évolution des mentalités, proposé une voiture à la technologie « disruptive » qui a plu, et Musk a su donner l’ampleur qu’il fallait au projet. Tous ensembles, ils ont révolutionné l'automobile ! Les constructeurs historiques, incapables de se renouveler, sont aujourd’hui bien en peine de suivre Tesla, dont bien des observateurs avaient annoncé la mort de façon répétée…
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