Tout ça, c'est de la faute aux Chinois. Vraiment ?
C’est le coupable idéal, surtout pour les constructeurs européens. Si, pour eux, l’Empire du milieu n’a qu’une idée en tête : les détrôner pour imposer leurs voitures électriques chez nous, c'est de la faute à Bruxelles. Et si nos propres marques étaient en partie responsables de cette prévisible invasion commerciale ?
C’est en habitué de la controverse que Carlos Tavares s’est exprimé dans le Figaro hier. Et si le patron de Stellantis a expliqué qu’il ne fabriquera pas la Peugeot e-208 en France, il a aussi adressé un petit tacle à Bruxelles, en indiquant que « l’Europe a déroulé un tapis rouge à la Chine ». Un tapis qui fait bien évidemment référence à la directive qui interdit les voitures thermiques en 2035.
La faute à Bruxelles, mais pas que
Et si la réalité était un peu différente ? Et si les Chinois plutôt que de déferler sur un continent (l’Europe) ouvert à tous vents ne profitaient pas également de la faiblesse des constructeurs du vieux continent. ? Et notamment de leur manque d’innovation. Que s’est-il passé au cours des 30 dernières années du côté des marques européennes ? Pas grand-chose. Ou plutôt si : un développement exponentiel des motorisations diesel.
Petit rappel : le processus de Kyoto, et la première alerte sur le réchauffement climatique datent de 1997, la même année ou Toyota commercialise la première hybride, la Prius 1. Cinq ans plus tard, Tesla est fondé. Pendant ce temps, le gazole, et son peu de rejets de C02 semble, en Europe, la seule solution envisagée.
Cette erreur de départ n’est pas la seule. Et si les constructeurs européens se sont lancés, tard, contraints et forcés vers l’électrique, ils ont accumulé quelques autres erreurs supplémentaires qui font, au-delà de la directive européenne le lit des constructeurs chinois.
C’est un retraité de frais qui l’explique. Michel Forissier. Le désormais ex-patron de l'ingénierie de Valeo est aujourd’hui libre de sa parole et ne se prive pas de noter les travers qui ont conduit à cette situation. Ainsi, il voit dans l’augmentation des prix des voitures européennes, qui va, rappelons, bien au-delà de l’inflation, puisqu’elle atteint 30 %, « une manière d’augmenter les marges qui créent une autoroute pour les Chinois ».
Il pointe également un autre phénomène, qui découle du premier : les constructeurs ne vendent plus aux loueurs de courte durée, en raison des prix trop élevés. « Bilan : ceux-ci achètent des voitures chinoises (Byd chez Sixt, Aiways chez Hertz) qu’ils remettent sur le marché de l’occasion. »
"Les garagistes pris à la gorge par les marques se jettent dans les bras des Chinois"
L’ingénieur et grand observateur du secteur pointe aussi un autre problème : celui des réseaux de concessionnaires et agents, malmenés par les constructeurs occidentaux. « Ils retirent leur panneau à des PME familiales qui ont lourdement investi leur propre argent dans les hommes, dans leur formation et dans du matériel ». Pris à la gorge, ils ouvrent naturellement leurs bras aux Chinois. En l’espace de 18 mois, MG a déjà ouvert plus d’une centaine de concessions, et d’autres marques, et d’autres garages, devraient suivre ce mouvement. Et l’ancien de Valeo de rappeler également que, en plus, « les Chinois font de belles bagnoles ».
Bien sûr, les marques de l’Empire du milieu, conscientes du retard accumulé dans le thermique, se sont jetées avant les autres sur le tout électrique, ce qui explique aussi leur prédominance dans ce domaine. Pour autant, faut-il les accuser de tous les maux et expliquer que tout est de leur faute et de celle de Bruxelles ? En guise de conclusion, Michel Forissier suggère "d’arrêter de se plaindre et de leur faciliter la tâche ».
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