Triumph Stag (1970-1977) : piège de cristal… ou pas, dès 20 000 €
Décriée pour son V8 cassant comme du verre, la Stag est pourtant collectionnée depuis longtemps, pour son agrément et sa puissance. Et pourquoi pas ?
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Triumph Stag est-elle collectionnable ?
Voici une auto très particulière, presque bizarre donc bourrée de caractère comme seuls les Anglais savent en faire. Déjà par son concept : une grande découvrable à 4 places. Ensuite, par son look, marqué par l’arceau-cage surmontant les passagers. Enfin par son moteur, qu’elle est la seule à utiliser : un beau V8 3,0 l à deux arbres à cames en tête. Performante et confortable, la Stag est une machine à voyager unique en son genre qu’on ferait bien de redécouvrir.
Je sais. Vous vous demandez, mais pourquoi nous parle-t-il de cette voiture improbable et déjà très ancienne ? Surtout que sa réputation n’est franchement pas fameuse, notamment à cause de son moteur aussi fiable que des promesses électorales. Parce qu’elle vaut infiniment mieux que ce qu’on dit, et regorge de caractère. Allez, on s’aventure dans le bizarre.
La Stag a vu sa carrière ruinée par son moteur. Un V8 de conception originale et pourtant rigoureuse, qui n’a rien à voir avec son homologue de chez Rover. D’ailleurs, Triumph et Rover appartenant au même groupe, la British Leyland, quand la Stag sort en 1970, pourquoi développer deux V8 ? Parce que la conception de celui de Triumph a commencé en 1963, alors que la marque était dans le giron de la Leyland Motor Corporation.
Lewis Dawtrey, ingénieur motoriste, envisage un bloc modulaire, qui peut donner lieu soit à un 4-cylindres (en 1,5 l et 2,0 l), soit un 8-cylindres en V. Astucieux ! En sus, ces moteurs profitent d’une technologie élevée pour l’époque, s’équipant d’arbres à cames en tête. D’ailleurs, le premier se retrouvera, de façon assez inattendue, sous le capot de la… Saab 99 !
L’idée de la Stag arrive plus tard. Le carrossier italien Giovanni Michelotti, de son propre chef, réclame à son ami Harry Webster, directeur technique de Triumph, une berline 2000 pour la convertir à ses frais en cabriolet, l’exposer et ainsi, montrer son savoir-faire. Cela donne en juin 1964 un concept très réussi, dont la face avant sera plus tard transposée sur les Triumph de série ! Webster comprend vite le potentiel de ce démonstrateur créé par Michelotti et, avant qu’il n’apparaisse sur un salon, le récupère pour le développer.
Son raisonnement est simple : cet engin, assez simple à mettre au point, serait idéal pour le lucratif marché américain : les bases de la Stag sont posées. Quand les études débutent pour de bon, en 1966, on prévoit de la doter du 2,0 l Dawtrey et d’un 6-cylindres 2,5 l culbuté hérité de la marque Standard, également dans le groupe Leyland. Mais le V8 ? Webster utilise l’argument du marché US pour convaincre les décideurs du groupe anglais de l’installer dans la Stag. Ceux-ci acceptent prudemment, à condition que celle-ci débute sa carrière avec le 2,5 l Standard.
En 1967, Rover est racheté par Leyland puis, en 1968, ce dernier fusionne avec la British Motor Corporation pour former la British Leyland. Un échange a lieu : Webster part chez Austin-Morris, et Rover donne à Triumph son chef du développement, Spen King, qui chapeaute la fin de conception de la Stag. King, qui a modifié le V8 Buick chez Rover, demande aux ingénieurs Triumph s’il entre dans la Stag. Comme par hasard, ceux-ci répondent par la négative et King les croit sans trop chercher le pourquoi du comment… Surtout que l’usine du V8 Rover, tournant déjà à plein régime, n’aurait peut-être pas pu fournir. Conséquence, la Stag conservera le V8 initialement prévu.
Seulement, en parallèle, son élaboration prend du retard. Les premiers prototypes du cabriolet Michelotti manquent terriblement de rigidité. Pour remédier à ce problème, on raccourcit le châssis et surtout, on relie les montants de pare-brise aux piliers centraux par de grosses barres. C’est cette question technique qui explique leur présence et non la législation US concernant la sécurité des cabriolets.
Ensuite, après avoir adapté la baie moteur des berlines 2000/2500, sur la base desquelles est élaborée la Stag, au V8 plus large que les moteurs en ligne, on dote ce dernier d’une injection Bosch. Problème, elle pose de gros problèmes de fiabilité, à tel point qu’on la remplace finalement par des carburateurs Stromberg. Enfin, le vieux 6-cylindres initialement prévu manquant cruellement de puissance, King décide de le zapper et de ne commercialiser de la Stag qu’une fois le V8 au point.
Elle est lancée début 1970 et reçoit un excellent accueil. Jugée très agréable à l’œil, elle a comme argument massue son V8 3,0 l, plus puissant que le 3,5 l Rover (145 ch contre 143). De surcroît, la Stag constitue une proposition unique sur le marché : un cabriolet 4-places relativement compact et doté d’un 8-cylindres performant, le tout pour un prix raisonnable. 37 750 F (soit 40 600 € actuels selon l’Insee) contre 49 500 F à une 911 T Targa ou 50 500 F à une Citroën SM. L’équipement est complet : vitres électriques et teintées, volant réglable en hauteur comme en profondeur, avertisseur de ceinture non bouclée… Cela dit, la sellerie est en skaï et non en cuir.
Le succès est initialement là, et rapidement, une liste d’attente se forme. L’objectif ambitieux de 12 000 ventes annuelles semble donc réaliste ! Seulement… La qualité n’est pas au rendez-vous. L’assemblage manquant de rigueur, passe encore : ça n’empêche pas de rouler. Mais les clients s’aperçoivent vite que le moteur manque cruellement de fiabilité. Conséquence, les ventes ne décolleront jamais, culminant à 5 000 unités en 1973. Cette année-là, la Triumph bénéficie d’améliorations, touchant à l’esthétique et à la technique : bande latérale, jantes en alu en option, hard-top de série, capote sans custode, taux de compression relevé entraînant un gain de 3 ch, sorties d’échappement amincies, démultiplication de direction modifiée… Mais rien concernant la fiabilité mécanique !
Pourquoi ? Parce que la British Leyland n’a plus un penny dans ses caisses, l’empêchant d’investir dans un modèle compromis et destiné à des volumes de vente modestes. Aussi, la Stag vivotera jusqu’en 1977, où elle disparaît, après avoir été produite à 25 877 unités tout de même ! Chose exceptionnelle, avant même la fin de sa vie, la Stag était considérée comme un collector par des propriétaires qui avaient compris que la fiabiliser était relativement aisé… Ainsi a-t-elle été fort bien préservée, 9 000 autos existant encore rien qu’en Angleterre.
Combien ça coûte ?
La Stag, malgré sa réputation peu enviable, jouit d’une certaine cote. Ainsi, il faut compter 20 000 € minimum pour une auto en bon état, ce qui ne signifie pas parfaite. Dans ce dernier cas, il vaudra mieux tabler sur 25 000 €, voire 30 000 €.
Quelle version choisir ?
En théorie, les modèles post-1973 sont préférables, eu égard à leurs améliorations. En pratique, optez pour celui qui aura été le mieux entretenu et fonctionnera le mieux.
Les versions collector
Toutes, la Stag ayant pratiquement inventé la notion de collector de son vivant !
Que surveiller ?
La question cruciale ! Le V8 est souvent enclin à la surchauffe. Heureusement, cela se corrige aisément par le montage d’un radiateur plus grand, la surélévation du vase d’expansion, le changement du pignon de pompe à eau et une vidange annuelle du liquide de refroidissement. Si les ennuis subsistent, c’est que les culasses ont été mal usinées (chose assez courante à cause des conflits sociaux ayant largement perturbé la production à l’époque).
De son côté, la chaîne de distribution avoue des faiblesses : l’usage d’une huile de meilleure qualité que préconisé et son changement tous les 50 000 km corrigent l’avarie. Les fluides actuels, de bien meilleure qualité que dans les années 70, font énormément de bien à la Stag !
Certains propriétaires déplacent la bobine d’allumage, bizarrement implantée entre les rangées de cylindres par les ingénieurs : elle y est soumise à une température élevée !
Pour le reste, la Stag vieillit comme une auto de son époque, ni plus ni moins. On surveillera donc la corrosion, l’état de la sellerie et le système électrique, d’une qualité dans la norme. On le voit, il n’a pas manqué grand-chose à la Stag pour être fiable !
Au volant
J’ai pu conduire deux Stag. L’une totalement d’origine, ou presque, et jamais restaurée. Totalisant plus de 130 000 km en ayant conservé son moteur initial, elle a fonctionné impeccablement. L’autre, ayant bénéficié d’une réfection importante et se présentant dans un état quasi-neuf n’a cessé de surchauffer, malgré l’installation d’un radiateur plus grand et deux ventilateurs. Ce, alors qu’elle ne totalisait que 50 000 km… De là à se dire qu’elle pâtissait de culasses mal usinées, il n’y a qu’un pas.
Quoi qu’il en soit, c’est une auto qui a du chien, ses renforts de toit profitant à sa personnalité esthétique. À bord, on profite de quatre vraies places, ce qui est rare sur une découvrable de son époque. La finition paraît plus luxueuse qu’elle ne l’est réellement, mais l’instrumentation apparaît très complète. Surtout, on profite d’une bonne position de conduite. À la mise en route, le V8 ravit les oreilles, puis la boîte, si elle dérive de celle de la TR3, se révèle très agréable à manier malgré un guidage transversal perfectible.
Pour sa part, la direction assistée très légère contribue à faire de cette auto est un régal d’onctuosité, surtout que sa suspension effaçant remarquablement bien aspérités, prodigue un joli confort. Musical, le V8 demeure un peu montre creux sous les 2 500 tr/min, trouvant sa vitalité partir de 3 000 tr/min. Ensuite, il délivre des performances assez étonnantes jusqu’à un peu plus de 5 000 tr/min, l’auto flirtant avec les 200 km/h. Un très bon moteur !
Pour sa part, le volant, trop léger, ne communique presque pas, mais sa précision reste heureusement convenable, alors que le châssis bien équilibré autorise une tenue de route rassurante. Néanmoins, le freinage, d’époque, est faiblard. Ainsi, la Stag est idéale pour cruiser tranquillement à 90 km/h, l’overdrive (actif sur les 3è et 4è rapports), faisant alors chuter le régime moteur à 2 000 tr/min. On profite alors de la vie au grand air en famille dans une ambiance vintage, tout en consommant environ 11 l/100 km.
L’alternative yougtimer
Rover 827 Coupé (1992-1995)
Magnifiquement dessinée et jouissant d’un bon niveau technologique, la Rover 800, lancée fin 1986, a pourtant vu sa carrière handicapée par une fiabilité incertaine. Encore ! Dérivant de la Honda Legend, elle en récupère le V6, d’abord en 2,5 l, puis en 2,7 l. Restylée en 1991, elle se décline dès 1992 en un coupé à l’élégance magnifique.
Dénommé SC (pour Sterling Coupé), il profite du bloc 2,7 l japonais (169 ch) ainsi que d’un somptueux cockpit, tendu de cuir et orné de bois, largement fini à la main qui plus est. Clim, toit ouvrant et airbag sont de série, alors que le client peut opter pour une boîte 4 automatique sans supplément. Malheureusement, ce grand coupé à 4 places se vendra peu en France, où il est retiré dès 1996. À partir de 4 500 €.
Triumph Stag (1973), la fiche technique
- Moteur : 8 cylindres en V, 2 997 cm3
- Alimentation : 2 carburateurs Stromberg
- Suspension : jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV) ; bras obliques, ressorts hélicoïdaux, (AR)
- Transmission : boîte 4 manuelle, overdrive sur la 3e et la 4e, propulsion
- Puissance : 148 ch à 5 700 tr/min
- Couple : 224 Nm à 3 500 tr/min
- Poids : 1 275 kg
- Vitesse maxi : 193 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 9,5 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Triumph, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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