Verdissement des flottes, des chiffres en trompe-l’œil ?
Dans une étude publiée le 4 avril, l’ONG Climat Group déclare que les entreprises françaises membres du groupe EV100 * ont représenté près de 60 % des nouvelles immatriculations de véhicules électriques B2B en 2023 sur l’ensemble de l’Hexagone. Un chiffre flatteur. Mais reflète-t-il la réalité ?
La vérité, peut-elle être relative ? En philosophie comme en électrification automobile, la réponse est oui. Tout est question de regard.
Au fil des différentes études publiées, les points de vue sur l’électrification des flottes autos en France varient. Selon que l’on se focalise sur la batterie à moitié pleine, ou celle à moitié vide, les résultats divergent.
En février dernier, le think tank Transport et Environnement rapportait que soixante pour cent des grandes entreprises nationales ne respectent pas l’obligation légale d’électrification de leurs parcs automobiles. À savoir intégrer 20 % de véhicules électriques dans le renouvellement de leur flotte.
Et voilà que deux mois plus tard, cocorico !
Le rapport Charging the EV Transition publié par Climat Group le 4 avril, affirme ô combien les entreprises françaises jouent un rôle important dans la transition vers l’électrification de la mobilité. Selon l’ONG, les sociétés françaises membres d'EV100 représenteraient près de 60 % des nouvelles immatriculations électriques en 2023. Sandra Roling, Directrice des Transports de Climat Group, affiche son optimisme. « Les entreprises continuent de faire la différence sur le front de l’électrification du parc roulant. D’année en année, nous constatons une plus grande ambition qui se traduit par un changement réel, avec plus de VE déployés au cours des 12 derniers mois par les membres du groupe EV100 que sur les années précédentes. Nous le constatons également en France, où les entreprises ont déjà converti 22 % de leurs flottes. » Soit un taux supérieur à ce que la loi leur impose.
Alors qui dit vrai ?
Entre utopie et dystopie, une ligne de discorde s’impose. Celle des panels utilisés.
L’effet loupe grossissante.
Tout ici est question d’échelle. Ou plutôt d’échantillon sur lequel portent lesdites études. Les résultats de Transport et Environnement, prennent en compte l’ensemble des flottes de plus de 100 véhicules, dans l’obligation d’intégrer 20 % de véhicules à faibles émissions dans le renouvellement de leur parc. Le rapport Climat Group lui ne mentionne que les entreprises membres de l’ONG. Soit, pour la France, EDF, Capgemini ou encore Schneider Electric. Avec respectivement 49 %, 27 % et 15 % de leur parc roulant électrifié en 2023, ces trois sociétés comptent parmi les plus vertueuses de France. Celles-ci se sont engagées à exploiter près de 175 000 véhicules entièrement électriques d’ici à 2030.
Un effet loupe, qui permet de mettre en exergue de très bons chiffres en faisant fi des mauvais élèves.
Après la carotte, le bâton
Dans les faits, les entreprises françaises, membres de l’initiative EV100, utilisent plus de 30 000 véhicules électriques. Soit, à peine 3 % de l’ensemble du parc national de véhicules électriques (plus d’un million d’unités).
En 2023, les véhicules 100 % électriques ont représenté 16,8 % des nouvelles immatriculations. Et ce sont bien les particuliers (22 %) qui ont soutenu le mouvement. Les entreprises ne représentant que 11 % du marché de l’électrique neuf, et même 8 % pour les grandes entreprises de plus de 100 véhicules. Alors même qu’elles devraient jouer un rôle prépondérant dans l’électrification du parc global français. Certes, les entreprises sont les premiers acteurs du secteur automobile, avec plus d’un million de véhicules neufs achetés chaque année (57 % du marché) elles devancent largement les particuliers (43 % du marché). De quoi leur conférer un rôle prépondérant dans le verdissement du parc automobile français. Un rôle qu’elles n’ont pas su, ou pas pu, tenir jusqu’alors.
Est-ce la raison pour laquelle, après avoir mené une politique de la carotte (bonus écologique aux VP à professionnels) le gouvernement donne désormais du bâton en supprimant cette prime aux entreprises ?
Est-ce pour cela que le député Damien Adam, dont le projet de loi sera discuté le 30 avril prochain à l’Assemblée nationale, entend durcir les contraintes faites aux entreprises en matière de verdissement de leur parc, et même sanctionner celles qui ne respectent pas la loi ? Et si nombre de patrons pointent le manque de clarté politique concernant le véhicule électrique, les sociétés doivent quant à elle assumer leurs obligations légales.
* EV100 est une initiative mondiale menée par le Climate Group international à but non lucratif, qui rassemble les entreprises mondiales (128 membres début 2024) engagées dans l’électrification complètement leurs flottes d’ici 2030.
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