Vidéoverbalisation - "Radar de stop" de Yerres : comment contester ?
Quand on reçoit un PV alors qu'on n'a jamais été arrêté (stationnement irrégulier, excès de vitesse ou franchissement de feu rouge excepté), qu'est-ce que cela veut dire ? Se faire verbaliser via des caméras de vidéosurveillance, est-ce bien légal ? Le "radar de stop", premier du genre installé à Yerres (91), aurait été installé sans les autorisations nécessaires… Et alors ? Caradisiac fait le point sur une nouvelle manière de dresser des PV.Vous avez une question concernant vos droits par rapport à un PV, votre assurance ou tout autre sujet lié à votre véhicule, demandez notre avis, Caradisiac vous répond dans sa rubrique "Vos questions – Nos réponses".
Avec la collaboration de Maître Caroline Tichit, avocate spécialisée dans la défense des conducteurs.
La question de l'internaute
"Je pense avoir reçu une contravention qui, bien que très mystérieuse, paraît correspondre au radar de stop de Yerres, dont on a tant entendu parler ces dernières semaines. En tout cas, je n'ai pas été arrêtée, et s'il s'agit bien de ce nouveau système de vidéosurveillance, je souhaiterais contester cette infraction. Qu'en pensez-vous ?"
Vanessa
La réponse de Caradisiac en bref
Vous seule pouvez décider ! Si vous considérez que vous n'avez pas commis cette infraction, il paraît évident que vous êtes tout à fait fondée à la constester. Il se trouve que, selon la date de votre contravention, il est fort probable surtout que ce que l'on appelle le "radar de stop", premier du genre installé sur la commune de Yerres dans l'Essonne (91), ne soit pas conforme à la réglementation en vigueur. Il se peut donc que cette verbalisation soit "entachée de nullité", comme on dit dans le jargon juridique.
Ce système fonctionne en fait via des caméras de vidéosurveillance sophistiquées, couplées à un outil de reconnaissance automatique des plaques d'immatriculation. Ce genre de système est en plein développement dans les villes. Grandes comme plus modestes. Et la décision de les installer revient aux maires.
Or, "quand un élu souhaite poser des caméras sur sa commune, il doit d'abord obtenir une autorisation auprès du Préfet", nous explique Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le code de la Route. Selon nos informations, il s'agit surtout d'une formalité, puisqu'en pratique les systèmes de vidéoprotection, quelle qu'en soit la finalité, sont toujours autorisés, dès lors que les responsables communaux ont respecté le formalisme de la procédure.
Parmi les règles à respecter, il faut ainsi que dans sa demande transmise à la Préfecture, le maire déclare correctement la finalité du système qu'il compte installer. "Quand le but est par exemple de sanctionner les infractions routières, il faut que ce soit précisé, et vraiment clairement stipulé", commente Me Tichit.
Sauf que sur l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2014 relatif à Yerres, et qui autorise son député-maire, Nicolas Dupont-Aignan, "à modifier le système de vidéoprotection installé sur la voie publique", il n'est aucunement indiqué que les caméras serviront notamment à relever les infractions au code de la Route. On y parle de "sécurité des personnes, prévention des atteintes aux biens, protection des bâtiments publics, prévention du trafic de stupéfiants", mais rien ne permettant cette vidéoverbalisation. Autrement dit, "celle-ci est illégale", tranche Me Tichit.
Dans le détail
Qu'est-ce que la vidéoverbalisation ?
Le système mis en place pour surveiller le stop installé à l'intersection de la rue Marc Sangnier et de la rue de l'Abbé Moreau, à Yerres, a été abusivement dénommé "radar". Le grand point commun que ce système de vidéoverbalisation partage avec le contrôle automatisé, c'est qu'il n'y a pas d'interpellation. Il s'agit alors de ce que l'on appelle des PV au vol (ou à la volée) : personne n'est arrêté, seul le numéro d'immatriculation du véhicule repéré en infraction est relevé, et grâce à lui, le titulaire de la carte grise correspondante peut être retrouvé afin que la contravention lui soit adressée par La Poste.
Grâce à ce système, les agents verbalisateurs n'ont plus à se déplacer, ils restent assis derrière un écran transmettant les images des caméras de vidéosurveillance. "Forcément, un tel système est bien plus rentable que de privilégier la présence policière dans la rue", regrette Me Tichit.
Ce système de vidéoverbalisation est décidé, non pas au niveau national, mais localement, par la commune. Enfin, contrairement aux radars, le système n'est pas complètement automatisé. Ce sont des policiers - le plus souvent municipaux - qui continuent de décider de verbaliser - ou non -, même s'ils sont le plus souvent assistés par ordinateur. Les PV ainsi dressés, c'est ce qu'on appelle aujourd'hui des procès-verbaux électroniques (PVe).
Comment contester ?
Comme pour les radars automatiques (radars de vitesse comme de feux rouges), dès lors que le véritable fautif n'est pas interpellé, il suffit aux propriétaires destinataires des PV (qu'il s'agisse de vidéoverbalisation ou de simple verbalisation au vol d'ailleurs) de nier avoir été au volant au moment des faits, sans même avoir besoin d'en apporter la preuve, pour être au moins relaxés sur le plan pénal. En ne reconnaissant pas être l'auteur de l'infraction, on n'échappe ainsi au retrait de point(s). En l'occurrence, 4 sont en jeu pour un stop.
En revanche, sans preuve de son innocence, il peut être plus difficile d'échapper à l'amende du "propriétaire-payeur", dès lors qu'il s'agit d'une infraction couverte par l'article L121-3 du code de la Route… Exactement comme pour les radars automatiques ! Quelles sont ces infractions ? Il y en a cinq : excès de vitesse, non-respect des distances de sécurité, des stops, des feux tricolores, et des voies réservées aux bus.
"Il me semble primordial de prévenir tous les conducteurs que si l'infraction qu'on leur reproche, alors qu'ils n'ont jamais été arrêtés, ne fait pas partie des manquements couverts par le L121-3 du code de la Route [voir ci-dessus les cinq infractions citées, NDLR], ils n'ont qu'à assurer qu'ils ne conduisaient pas leur véhicule, sans être contraints de désigner qui que ce soit, pour être entièrement épargnés", insiste Me Tichit. Pour prendre des exemples concrets, pour un défaut de clignotant, une ceinture non attachée ou encore un portable au volant, les propriétaires contestataires sont normalement totalement relaxés (ils n'ont ni retrait de point, ni amende à régler).
Et pour les "radars de stop", comme à Yerres ?
Comme déjà dit, sans preuve de son innocence, un propriétaire à qui il est reproché une des infractions développées à l'article L121-3 du code de la Route, peut avoir bien du mal à échapper au paiement d'une amende… Une amende, qui plus est, relativement salée au tribunal. Pour un stop, par exemple, le montant forfaitaire réclamé initialement est de 135 euros, réduit à 90 euros en cas de paiement dans les 15 jours. Au tribunal, en revanche, il peut grimper jusqu'à 750 euros !
Maintenant si le système de vidéoverbalisation, lui-même, ne respecte pas la législation en vigueur, que peut-on en conclure ? "Ce n'est pas forcément aussi évident qu'il n'y paraît de remporter l'affaire. Mais il est clair que les PV issus du radar de stop de Yerres sont fortement contestables, tant que la municipalité n'aura pas obtenu une autorisation en bonne et due forme de la préfecture de l'Essonne !", prévient Me Tichit.
Pourquoi serait-ce si délicat de contester ces contraventions ? Tout simplement parce qu'elles n'affichent pas clairement qu'elles ont été dressées avec l'aide de caméras de vidéoprotection. La suite logique d'une contestation, c'est bien de se retrouver devant le tribunal pour s'en expliquer. Et c'est dans le cadre de cette procédure "qu'il faut correctement mener, que doit finir par émerger la vérité", argumente Caroline Tichit.
Une fois le pot aux roses révélé, il suffit alors de demander à la commune ou à la Préfecture la communication de l'arrêté préfectoral autorisant le système de vidéoprotection, afin de vérifier :
1 - qu'il existe,
2 - qu'il comprend bien cette finalité de constater les infractions aux règles de la circulation.
Dans tous les cas, une défense se prépare ! Devant le juge, la bonne foi n'est d'aucun secours. Ce qu'il faut, ce sont des témoins et/ou des preuves écrites. Retrouver ainsi l'arrêté de la Préfecture portant autorisation et/ou modification du système de vidéosurveillance est très important. Pour le radar de Yerres, la commune ne s'est apparemment pas encore mise en conformité. Et pourtant, à notre connaissance, les PV dressés depuis la mi-février n'ont pas été annulés…
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