Voiture électrique : pourquoi est-ce si compliqué ?
Dans la marche forcée vers la voiture électrique, pouvoirs publics et constructeurs rivalisent de technicité, de normes et de standards. Mais qui se soucie du client confronté à ce capharnaüm technique ? Qui s’inquiète du mauvais buzz généré par les déconvenues qui en découlent ?
L’objectif de 100 000 bornes de recharge en France vient d’être avancé d’un an, de 2021 à 2022. Et l’État comme l’Europe mettront davantage la main à la poche en prenant en charge jusqu’à 60 % du coût des nouvelles bornes, soit 2 000 à 9 000 € contre 1 000 à 2000 € auparavant.
C’est qu’il faudra bien alimenter toutes ces voitures électriques. Leur part de marché a triplé en deux ans, pesant désormais 6 % du marché. Après dix ans de battage, un quasi triplement de son autonomie et toujours 7 000 € de bonus – prolongé jusqu’en juin - la watture décolle enfin
La mise au ban du diesel aura certes plus profité aux hybrides qui pointent à 14 % des ventes (dont 4 % de rechargeables) et surtout au moteur essence, encore proche de la moitié des ventes malgré son appétit jamais démenti. Mais enfin, l’électrique décolle et avec elle, ses besoins de recharge.
Pourtant, j’ai un doute : est-ce vraiment toujours plus de bornes qu’il faut à la voiture électrique pour se diffuser ? Et pas plutôt davantage de simplicité et de lisibilité ?
Personnellement, c’est ce qui me manque pour me convertir.
Je veux bien faire des efforts, rouler à 110 km/h sur autoroute pour étirer 300 km d’autonomie et même m’arrêter une heure pour recharger. Mais je refuse d’avoir une caisse pleine de câbles et d’adaptateurs dans le coffre, trois ou quatre cartes d’abonnements dans le portefeuille plus autant d’applis sur le téléphone, et trois marque-pages à la rubrique recharge du mode d’emploi de l’auto. La voiture électrique, c’est encore trop compliqué.
Des bornes dangereuses ? Ou trop coûteuses ?
Un événement m’a particulièrement refroidi, quand Izivia, filiale d’EDF, a en février dernier fermé sans préavis la quasi totalité de son réseau autoroutier de recharge Corri-Door, toujours pas remis en service depuis.
Pensez, vieilles de cinq ans (!), les bornes accumulaient les dysfonctionnements et devenaient même dangereuses. Et peut-être même trop coûteuses - vu le peu qu’elles rapportaient - mais je fais du mauvais esprit.
Cette fermeture ne serait pas un drame si ces bornes n’étaient pas les seules acceptant le standard Chademo, privant de longs trajets quantité de propriétaires de voitures électriques, japonaises notamment, qui ne peuvent se brancher en Combo CCS sur le réseau Ionity ni en Type 2 chez Tesla.
Un CAP « acheteur de voiture électrique »
C’est du chinois ce que je viens d’écrire ? Oui, et pas seulement parce que c’est la Chine qui domine cette industrie et ses matières premières. Mais surtout parce qu’on n’y comprend plus rien, que le jargon devient de plus en plus impénétrable, et qu’il ne suffit plus de distinguer les Ah, les kWh et les V, les rotors et les stators pour s’y retrouver.
Aujourd’hui, pour rouler en voiture électrique, bien la choisir, choisir les bons équipements (câbles, chargeurs embarqué et mural), les bons abonnements, le bon modèle, le tout adapté à son usage et aux bornes que l’on croise, il faudrait l’équivalent d’un CAP « acheteur de voiture électrique ». J’exagère à peine. Comme l’auto à pétrole à ses débuts, la watture ne s’achète pas pour son design ou le montant de la remise. Il faut décrypter les offres, ne pas croire aux promesses, lire entre les lignes, chercher l’information qui manque. Par exemple, ces batteries sont-elles ventilées ou refroidies par eau ? Bonne question car ça change tout en été. À quel pourcentage et combien de temps et de kilomètres sont-elles garanties ? À combien cette auto charge-t-elle en AC ? Et en DC ?
Gare à ne pas acheter la voiture qui chargera très vite sur borne rapide – que l’on n’utilisera jamais - mais très lentement sur la borne 22 kWh de son centre commercial préféré. Ou inversement. Et se poser mille autres questions dont je n’ai pas encore saisi toute l’importance.
Un nid de serpents dans le coffre
Mais tout cela ne serait que broutilles sans l’incompatibilité des abonnements des réseaux de charge, la diversité des prises de raccordement, le nid de serpents des indispensables câbles optionnels, les bornes en panne et jamais réparées, celles qui délivrent 11 kWh quand on en attendait 50, les recharges qui coûtent un demi plein de gazole et tout ce qui fait la saveur des périples en électrique.
Quand les bornes Corri-Door fonctionnaient encore, j’aimais bien en sirotant mon café, aller y bavarder avec des « électrifiés », entendre le récit de leur félicité, me tenir au courant des dernières évolutions mais aussi parfois, je l’avoue, les écouter raconter leurs galères.
Je me souviens notamment d’un propriétaire de Zoé achetée d’occasion qui, un mois durant, ne parvenait plus à recharger sa batterie et n’osait pas, faute d’autonomie suffisante, aller se faire examiner par le trop lointain (30 km !) concessionnaire Renault. Lequel sans avoir rien vu, déclarait vouloir lui changer à prix d’or le sophistiqué chargeur caméléon. Jusqu’à ce que le bonhomme réalise que c’était la DIAC qui, à distance, bloquait sa recharge car, bien que payant le loyer de sa batterie, il avait omis de renvoyer son contrat signé.
La rédemption de la voiture
Le récit édifiant et parfois drôle de leurs misères n’empêchait pas la plupart de ces apôtres de tenter de m’évangéliser.
En pure perte car évangélisé, je le suis déjà : je crois à la rédemption de la voiture, au pardon de ses péchés et à sa vie éternelle. Je prie pour un avenir électrique radieux, moins pollué, où les batteries auront encore doublé leur autonomie et se rechargeront en dix minutes, où leurs métaux et minéraux ne seront plus extraits du sol par des esclaves de onze ans, où l’Europe produira elle-même et proprement ses accus, où l'Allemagne et la Pologne ne produiront plus leurs gigawatts avec du charbon.
En attendant, je garde mon diesel.
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