110 km/h sur autoroute: notre grand test
Limiter la vitesse à 110 km/h sur autoroute, une bonne idée? Pour le savoir, Caradisiac a organisé un test avec deux voitures identiques lancées en même temps sur l'A11. Consommation réelle, temps perdu, sentiment d'insécurité : voici nos conclusions à 110, 130...et 120 km/h, allure qui pourrait représenter un compromis plus acceptable.
C’est la grande question du moment : faut-il, comme proposé par la Convention citoyenne sur le climat qui y voit un moyen d’abaisser de 20% les émissions de CO2, réduire la vitesse à 110 km/h sur autoroute ? Pour le savoir, Caradisiac a organisé un test avec deux Renault Mégane dCi 110, ce jeudi 25 juin sur l’A11 entre la barrière de péage de Saint-Arnoult et la zone industrielle du Mans, à environ 150 km de là.
Au même moment et sur un parcours présentant l’avantage de ne pas être ponctué de barrières de péage affectant la vitesse moyenne, la première a roulé aux 130 km/h réglementaires et la seconde à 110 km/h. Toutes deux avaient le régulateur d'allure enclenché, la climatisation automatique réglée à 21° et les vitres fermées.
Sans surprise, la première disposera d’une avance de plus de 9 minutes à l’arrivée, qui aurait même pu être légèrement supérieure sans un ralentissement causé par des travaux à l’approche du Mans.
Or, 9 minutes pour 150 kilomètres (ou 6 minutes pour 100 kilomètres), cela donne un écart de plus d’une demi-heure sur un trajet de 500 kilomètres, ce qui peut commencer à faire beaucoup.
En revanche, le bilan énergétique est sans appel : la consommation moyenne de la première se sera établi à 5,5 l/100 km, quand la seconde se sera contenté de 4,1 l, soit une différence de 1,4 l ou, si vous préférez, de 25%!
Pour être tout à fait franc, cet écart est même supérieur à ce à quoi votre serviteur s’attendait pour ces deux petites berlines diesel. On n’ose à peine imaginer ce qu’il représenterait sur deux SUV à l’efficience aérodynamique moindre, à plus forte raison si ceux-ci étaient dotés de motorisations à essence.
Nous vous épargnerons le couplet éculé sur les risques d’endormissement à 110 km/h, qui revient régulièrement dans les discussions. Par contre, nous rappellerons que l’on roule alors à peine plus vite que les camions, dont les dépassements deviennent parfois laborieux, et que cette allure peut aussi favoriser l’usage de ce que l’on appelle les « distracteurs de conduite », au premier rang desquels nos chers téléphones qu’une personne sur trois admet utiliser en conduisant.
Or, l’Association française des sociétés d’autoroute rappelle qu’« en 2018, l’inattention a été relevée dans près de 14% des accidents mortels sur autoroute. »
D’autre part, si la limitation à 110 km/h a du sens d’un point de vue écologique et budgétaire, elle est radioactive en termes politiques. En effet, selon les résultats d’une étude Odoxa pour Le Figaro et France Info, 74% des Français rejettent la limitation de vitesse à 110 km/h sur autoroute ! Et du côté de l’Association 40 Millions d’automobilistes, on met en avant les 700 000 signatures recueillies en quelques jours contre cette mesure.
Et pourquoi pas 120 km/h?
Pour toutes ces raisons, l’exécutif pourrait être tenté de choisir une voie médiane, selon le principe du « en même temps » macronien coupant la poire en deux. C’est pourquoi nous avons effectué notre trajet retour, entre la Sarthe et la région parisienne, avec la première Mégane toujours calée à 130 km/h et la seconde à 120 km/h.
A cette allure, on se sent nettement plus à l’aise, tant vis-à-vis des autres voitures lancées à 130 km/h, que des camions que l’on peut dépasser plus sereinement. La consommation s'élèvera alors à 4,7 l/100 km, soit 0,6 l de plus qu’à 110 km/h.
De son côté, la Mégane lancée à 130 km/h, arrivera 6 minutes avant nous à la barrière de péage de Saint Arnoult (soit environ 4 minutes perdues pour 100 km), confirmant aux passage ses 5,5 l/100 km. L’écart de consommation entre les deux allures (120 vs. 130 km/h) s’élève donc à 0,8 l/100 km (-14%), soit l’équivalent d'un peu plus de deux canettes de soda.
Ces tests de terrain apparaissent riches d’enseignements…qui ne font pas tous plaisir, certes ! Le premier est qu’entre 110 et 130 km/h, il existe un gouffre en termes de consommation de carburant, lequel n’a pas été observé sur de grosses voitures mais sur de frêles Mégane diesel sur lesquelles 10 km/h en moins permettent d'économier 70 à 80 cl de gazole par tranche de 100 km.
Sachant que près de 9 millions de voitures empruntent l’autoroute chaque année en France, cela peut commencer à représenter d’importantes économies de pétrole.
En revanche, et sans surprise, la perte de temps est substantielle, de l’ordre de 6 minutes aux 100 km quand on roule à 110 km/h. A cette allure, l’ennui guette et les distracteurs de conduite que sont les smartphones et autres systèmes multimédias embarqués deviennent bien tentants. Méfiance, donc.
Par ailleurs, on citera cette instructive étude publiée en mars 2018 par le Commissariat général au développement durable (et menée à la demande du ministère de la Transition écologique et solidaire), qui souligne que "l’abaissement des vitesses maximales autorisées de 20 km/h sur le réseau autoroutier a un bilan socio-économique très négatif de l’ordre de -550 millions d’euros (M€), dû à la perte de temps occasionnée (-1150M€) qui n’est pas compensée par les gains en accidentalité (150M€) et les économies de carburant (360M€)".
En outre, "l’impact en matière d’accidentalité est inférieur à celui correspondant à l’économie de carburant, du fait d’un taux d’accident déjà très faible sur les autoroutes, et de gains de consommations de carburant plus que proportionnels à la baisse de vitesse. Par ailleurs, le report de trafic vers les réseaux routiers national et départemental surlesquels l’accidentalité est plus élevée vient grever les gains escomptés." Dans ces conditions les 110 km/h deviennent bien difficiles à défendre.
A 120 km/h, le bilan carbone s'avère déjà meilleur qu'à 130 km/h et, surtout, la différence de vitesse avec les camions est nettement plus rassurante. Cela pourrait donc représenter - le plus tard possible on l’espère - une solution intermédiaire acceptable. Cette limitation est d’ailleurs déjà en vigueur dans d’autres pays d’Europe, comme en Belgique, en Espagne ou au Portugal.
La balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics soucieux de « verdir » leur discours et leurs actes, mais à l’image passablement écornée par la mise en place des 80 km/h sur le réseau secondaire. A deux ans de la présidentielle, cela peut être hautement hasardeux. Et en attendant que l’exécutif prenne - ou non - une décision, les plus écolos d’entre nous sont bien sûr parfaitement libres de rouler à 110 km/h sur autoroute s'ils le souhaitent.
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