80 km/h : les sénateurs poursuivent leur travail de sape
Apparemment, ils n'y croient pas vraiment. Malgré tout, les sénateurs semblent décidés à peser de tout leur poids pour essayer de faire changer d'avis le gouvernement sur le 80 km/h. Auditionné ce mercredi matin, au Palais du Luxembourg, le délégué à la Sécurité routière a subi la bronca de ces élus. Caradisiac y était. En voici le compte rendu…
Après avoir auditionné le délégué à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe, sur la généralisation du 80 km/h à tout le réseau secondaire, ce mercredi matin, les sénateurs ont annoncé la constitution d'un groupe de travail pour plancher sur le sujet. Il est prévu que ce groupe, composé de trois membres - Michel Raison (Haute-Saône – Les Républicains), Michèle Vullien (Rhône – Union Centriste) et Jean-Luc Fichet (Finistère – Socialiste et républicain) - s'y mette "immédiatement", avec des conclusions attendues "dans un délai de deux mois", soit pour la fin mars et donc avant la mise en place effective de cet abaissement de la vitesse limite sur les 400 000 kilomètres de routes nationales et départementales concernées.
Est-ce que les résultats de ce groupe de travail sont pour autant de nature à remettre en cause la décision annoncée par le Premier ministre, Édouard Philippe, laquelle doit rentrer en vigueur au 1er juillet ? Ils sont nombreux à l'espérer, mais un recul du gouvernement "semble peu probable", ont reconnu les sénateurs les plus chevronnés, une fois la réunion terminée. Quant à Emmanuel Barbe, il a carrément préféré esquiver notre question.
Au cours de son audition, il faut reconnaître qu'il n'a guère été ménagé. Les sénateurs se sont érigés en porte-drapeaux de la ruralité, première concernée par la mesure. "Nos concitoyens la vivent comme une punition", "une règle injuste" et même comme "une double peine, après la hausse de la fiscalité sur le prix à la pompe du gazole", ont-ils fait valoir à tour de rôle.
"Mais que vous faut-il ?", leur a rétorqué Emmanuel Barbe, "quand on baisse la vitesse, on a une baisse mécanique et exponentielle des accidents !". D'ailleurs, "entre 2002 et 2005, la baisse constatée de 7 % de la vitesse moyenne sur le réseau secondaire a entraîné une baisse de 37 % de la mortalité", a-t-il asséné à plusieurs reprises.
Les résultats de l'expérimentation, en cours depuis 2015,
bientôt connus ?
"Nous nous méfions des raisonnements par analogie et attendons avec grande impatience les résultats de l'expérimentation [des trois tronçons sur lesquels la vitesse est abaissée depuis l'été 2015] et que vous nous cachez jusqu'à maintenant", a fait remarquer, de son côté, Philippe Bas (Manche - Les Républicains), le président de la commission des Lois, à l'origine de cette audition et de la constitution du groupe de travail mentionné plus haut, avec la commission du Développement durable.
Car pour ce qui est du bilan de cette expérimentation, le délégué à la Sécurité routière a cette fois promis aux sénateurs qu'il leur transmettrait "l'étude complète du Cerema", le centre d'études et d'expertises public en charge de dresser ce fameux bilan. Reste que cette étude "ne portait pas sur l'accidentologie", a donné comme nouvel argument Emmanuel Barbe pour justifier la non-transmission de ces données, et laissant ainsi craindre une transmission seulement partielle des informations récoltées depuis plus de deux ans sur ces portions.
"Ce n'est pas là-dessus que nous nous sommes appuyés pour prendre notre décision [de généraliser le 80 km/h]", a précisé le délégué. "Ce que nous recherchions avec cette expérimentation, c'est de déterminer si elle avait un impact sur la vitesse moyenne. Or, comme vous l'a déjà annoncé le Premier ministre, c'est ce qui s'est passé, avec une baisse de 3-4 % de la vitesse moyenne sur ces tronçons. Et c'est tout ce qui nous intéresse, puisque comme déjà dit une baisse de la vitesse moyenne entraîne une baisse des accidents !"
À l’issue de son audition, rares étaient les élus qui paraissaient toutefois convaincus. Et dans un communiqué envoyé par la suite, les sénateurs ont maintenu eux aussi leur position : "Nous attendons toujours de connaître les résultats et la valeur scientifique des études et de l’expérimentation que nous avons demandés (…). Si cela s’avérait nécessaire, les commissions pourraient demander les prérogatives d’une commission d’enquête pour obtenir communication de ces documents. La sécurité routière est un enjeu essentiel, qui mérite davantage que des effets d’annonce". Ambiance, ambiance…
Pour voir ou revoir l'audition d'Emmanuel Barbe au Sénat, vous pouvez cliquer sur ce lien.
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