Suite aux conclusions et aux annonces des mesures du Grenelle de l'environnement, la fédération SEPANSO et les associations luttant contre le projet d’autoroute A65 (l’A.R.L.P., les Amis de la Terre, Greenpeace) ont adressé un courrier au ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo : elles demandent à réévaluer le projet en fonction des nouveaux critères énoncés et sollicitent un entretien avec le ministre pour en discuter. C'est un projet d’autoroute de 147 kilomètres entre Langon et Pau : le lancement des travaux de construction de l’A65 aurait lieu au printemps 2008. Voici la lettre explicative de ces associations, publiée par la Fédération France Nature Environnement qui est également contre ce projet :
"Monsieur le Ministre d’Etat,
Vous avez annoncé, mercredi 24 octobre, lors des négociations sur les transports du Grenelle de l’Environnement, la fin de la construction des autoroutes en France. Vous avez déclaré : « C’est fini : on n’augmentera plus la capacité routière. Notre stratégie est de développer le ferroviaire et le fluvial ». Vous vous êtes par ailleurs engagé à ce que les projets en cours soient réévalués. Monsieur le Président de la République s’est pour sa part engagé à refuser tout projet dont le coût environnemental serait trop lourd.
Les associations Alternative Régionale Langon Pau (ARLP), Greenpeace, Les Amis de La Terre, et SEPANSO (France Nature Environnement Aquitaine) qui luttent en Aquitaine contre le projet d’autoroute inutile A65 et se sont engagées sur le plan national pour l’adoption d’un moratoire autoroutier, reçoivent positivement ces premières déclarations et souhaitent que l’A65 fasse partie de la liste des projets soumis à réévaluation. Cependant, l’annonce de monsieur Dominique Bussereau (dans le journal Sud-Ouest du 26 octobre) : « l’autoroute A65 Langon Pau continue de se justifier », est en contradiction avec les déclarations du Grenelle sur les autoroutes et nous fait douter de leur sincérité.
En effet, en plus des crises climatiques et énergétiques qui rendent obsolètes la plupart des projets autoroutiers, ce projet d’autoroute de 147 kilomètres entre Langon et Pau, ne nous paraît aucunement justifié car :
- le trafic sur l’axe existant est très faible et promet de le rester,
- ses enjeux environnementaux très forts ont été en grande partie ignorés lors de l’étude
d’impacts : bilan carbone insuffisant, biodiversité en danger (zones Natura 2000 et espèces protégées à haute valeur patrimoniale sur le tracé),
- l’axe n’est pas classé accidentogène par les services de l’équipement,
- la route actuelle est facilement aménageable sur place à moindre coût environnemental.
L’utilité publique de l’A65 est donc, à notre avis, extrêmement contestable. Cette opinion est partagée par de nombreux experts de l’Etat, dont ceux de vos services, dont les rapports ont malheureusement été ignorés dans l'enquête publique. En 2003 en effet, le rapport d’audit du Conseil Général des Ponts et Chaussées et de l’Inspection Générale des Finances concluait, page 41 : « Compte tenu de l’aménagement parallèle de la RN 10 entre Bordeaux et Bayonne et des faibles trafics actuellement observés, ce projet, dont le TRI varie de 18 à 20% selon les scénarii, présente des enjeux essentiellement régionaux, au nom desquels la nécessité d’une autoroute concédée de bout en bout n’est pour l’heure pas démontrée. »
Par ailleurs, dans un rapport rédigé en 2006 et joint aux documents de l’enquête sur l’eau, les experts du Ministère de l’environnement et du développement durable émettaient également des réserves : « La position du MEDD a toujours été réservée sur ce projet, et plus favorable, le cas échéant, à un projet d’aménagement de l’existant. Le renforcement de la liaison Langon-Pau, couplé aux projets qui se situent plus au Sud jusqu'au tunnel du Somport, présente le risque de faire de cette liaison un itinéraire de grand transit international. Il est arrêté que cet axe, qui traverse des zones à forte sensibilité environnementale, la vallée d’Aspe notamment, n’a pas cette vocation. Compte tenu de l’évolution du projet, cette préoccupation demeure –ce d’autant plus que les forts enjeux en terme de milieux naturels y compris en Aquitaine sont depuis, mieux identifiés…Selon une procédure spécifique à ce projet, une consultation des concessionnaires a été lancée en 2004 en vue de définir le parti d’aménagement. Le MEDD s’est inquiété de cette méthode, le souci des concessionnaires de maîtriser tout l’axe présentant un risque de pousser à des tracés neufs et à écarter les solutions de moindre impact environnemental. En mars 2005, à l’issue de la consultation, un APS a été réalisé sur la base d’un tracé entièrement neuf et entièrement concédé. La préparation du dossier d’enquête publique s’est engagée dans le même temps, puis une deuxième phase de consultation des concessionnaires, ce qui limite les possibilités de prendre en compte les éléments complémentaires et les remarques sur les dossiers… Au cas présent, la caractérisation de l’état initial et de l’évaluation de l’impact du projet restent insuffisantes pour ce qui concerne les espèces protégées (…) Le dossier comporte encore des lacunes dans la connaissance de l’état initial des milieux aquatiques (…) La procédure particulière engagée sur ce projet suscite des craintes quant à la prise en compte des enjeux environnementaux… »
En outre, la route Langon-Captieux a été choisie, après enquête publique, dans l’itinéraire à Grand Gabarit pour l’A380, en raison de son faible trafic. De ce fait, elle a été sécurisée sur 35 kilomètres, ce qui, avec le contournement d’Aire sur l’Adour, en cours de réalisation, représente 25% du projet.
Si l’A65 est réalisée, l’Aquitaine possèdera donc deux axes pour relier Bordeaux à Pau : un à péage élevé, l’A65; l’autre gratuit, l’existant, dont la fréquentation est aujourd’hui très faible. Nous insistons particulièrement sur ce point : une route existe entre Langon et Pau et le trafic actuel (7000 véhicules/jour) ne justifie pas que soit construit un nouvel axe aux conséquences environnementales désastreuses. Par contre, un aménagement judicieux de l’existant, moins coûteux et moins destructeur, suffirait pour garantir la sécurité entre Langon et Pau, ce qui serait plus cohérent avec la nécessité et l’urgence de diminuer très rapidement les émissions de gaz à effet de serre et de protéger notre Planète. C’est la solution alternative écologique proposée par l’A.R.L.P., Greenpeace, Les Amis de la Terre, et la SEPANSO.
Le lancement des travaux de construction de l’A65 au printemps 2008 constituerait donc un grave retour en arrière par rapport à vos décisions annoncées à l’issue du Grenelle. C’est pourquoi nos associations vous demandent d’arrêter les études préliminaires et de réévaluer le projet en fonction des nouveaux critères énoncés lors du Grenelle de l’Environnement. Il est urgent d’agir, la cohérence s’impose avec la mise en place prioritaire des modes de transport moins polluants, et non avec le nouvel appel à camions et pollution que constituerait l’A65, « le plus grand chantier à venir en France » (« Sud-Ouest », 25 octobre). Afin de pouvoir compléter et préciser la présentation de notre argumentaire, nos associations souhaitent vous rencontrer et espèrent que vous accepterez de nous donner une chance de vous convaincre de rouvrir ce dossier et de réévaluer ce projet qui constituerait, s’il était mené à terme, une erreur grave de politique publique, en contradiction totale avec le tournant écologique historique que doivent prendre l’Aquitaine et la France."
A suivre !
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