Le problème, c'est que construire une voiture occasionne des émissions durant l'extraction des matières premières (fer, pétrole) et le montage. Il faut qu'une nouvelle voiture pollue beaucoup moins que l'ancienne pour compenser ces émissions durant la construction : telle est la conclusion du journaliste canadien Mathieu Perreault qui analyse le renouvellement du parc automobile au Canada. Ce dernier écrit : vous décidez de changer votre berline de six ans pour avoir une voiture qui consomme moins. Seulement, vous ne voulez pas sacrifier à votre confort et donc votre consommation d'essence ne baissera que légèrement, disons de dix à huit litres aux 100km. C'est toujours ça de gagné pour l'environnement, vous dites-vous. Il y a fort à parier que vous vous trompez. L'énergie qu'a nécessité la construction de votre nouvelle voiture est probablement plus élevée que les économies d'essence - et d'émissions de CO2 - que vous ferez avec votre nouvelle voiture "propre".
Perreault met en avant l'argument suivant. Au Centre pour les systèmes durables de l'Université du Michigan, un groupe d'ingénieurs a étudié en profondeur le cycle de vie des véhicules. Son verdict : les progrès des systèmes antipollution sont beaucoup moins impressionnants qu'auparavant. Jusqu'au début des années 1990, si on voulait minimiser la quantité de smog qu'on produisait, il valait mieux changer de voiture à tous les 3 à 6 ans (avec une utilisation de 20 000 km par année). Depuis l'an 2000, ce délai est passé à 7 à 14 ans.
Hyung Chul Kim qui a beaucoup travaillé sur le sujet durant son doctorat à l'Université du Michigan explique : "Sur le plan environnemental, changer de voiture n'a de sens que s'il y a une révolution technologique, par exemple le moteur hybride. Mais de telles avancées ne surviennent pas très souvent. Et à mon avis, seule les hybrides complètes, qui utilisent l'énergie du freinage, constituent une révolution suffisante pour justifier un changement rapide de voiture." Kim travaille maintenant sur les cellules photovoltaïques au laboratoire national Brookhaven du gouvernement américain, à Long Island. Les premières améliorations des systèmes antipollution étaient "rentables" plus rapidement. Évidemment, les réductions des émissions durant la construction feront pencher la balance de l'autre côté, et permettront de changer de voiture plus vite. Si on veut passer d'un véhicule utilitaire sport à une compacte, les émissions sont assez réduites pour compenser celles qui ont lieu durant la construction de la voiture.
Mathieu Perreault ajoute : si on veut encore compliquer l'analyse, on peut inclure les voitures d'occasion. Changer de voiture n'implique généralement pas d'envoyer l'ancienne à la casse. Les acheteurs de voitures usagées font durer les voitures plus longtemps, jusqu'au moment où il est écologiquement rentable de les détruire. Hyung Chul Kim observe : "On peut considérer qu'en changeant de voiture plus fréquemment, on augmente la demande en voitures neuves et donc les émissions de l'industrie automobile. Mais il faut aussi considérer l'impact à la baisse sur le prix des voitures usagées. Je pense qu'il vaut mieux changer de voiture le moins souvent possible. C'est difficile de mesurer exactement l'amélioration de consommation d'essence qui justifie un changement. Ça varie pour chaque modèle. Il faut aussi tenir compte des frais de transaction (les taxes, par exemple) qui peuvent théoriquement diminuer l'argent disponible pour l'entretien. On peut imaginer qu'un crédit de taxe de vente pourrait encourager l'achat de voitures plus âgées afin de décourager les ventes de voitures presque neuves. Et qu'un programme similaire pourrait encourager la mise au rebut des voitures assez vieilles pour polluer mais pas assez pour ne plus rouler. De telles "primes à la casse" sont assez populaires en Europe."
De tels programmes pourraient avoir un impact réel sur la pollution. Selon Frédéric Racine, ingénieur chez General Motors, une voiture construite avant 1987 (année d'introduction de plusieurs normes et technologies) pollue autant que 37 voitures de 2007 (la différence est moins grande pour ce qui est des gaz à effet de serre). Or, il y a au Canada un million de voitures construites avant 1987, sur un total de 18,1 millions. En présumant qu'elles parcourent le même nombre de kilomètres, enlever ces voitures réduirait donc des deux tiers la pollution du parc automobile. Au Québec, il y a 140 000 voitures construites avant 1987, sur un total de 4,2 millions, d'après Statistique Canada. C'est une proportion inférieure à la moyenne canadienne (3,3 % par rapport à 5 %). En Ontario, cette proportion est de 4,3 %.
A méditer...
Source : La Presse
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