Toujours le bon choix
Au-delà de ses initiatives "politiques", Stewart se trompera peu dans ses choix. Quand il quitte une écurie BRM à bout de souffle à la fin de la saison 1967, il décline l'offre de Ferrari se méfiant trop du climat "byzantin" entretenue dans l'écurie italienne. Il préfère miser sur Matra qui débute pourtant en Formule 1. Le risque est toutefois mesuré. Depuis deux ans qu'il pilote des Matra en Formule 2, il sait qu'il dispose du meilleur châssis du moment. De plus, Dunlop qu'il a réussi à ramener au plus niveau après de nombreux essais est prêt à miser sur lui en offrant à l'équipe de Ken Tyrrell le nouveau Ford Cosworth qui a dévoilé un potentiel impressionnant dès ses débuts. Sans un poignet cassé, lors d'une épreuve de F2 qui l'écarte de deux Grands Prix, Stewart aurait été sacré champion du Monde dès 1968. L'année suivante, l'association Stewart-Matra-Ford est imbattable : six victoires et le titre dès Monza. L'accord commercial entre Matra et Chrysler rend cependant la séparation inévitable à la fin de l'année.
Stewart conserve toute sa confiance au moteur Ford mais doit se contenter d'une modeste March qui ne lui vaudra qu'une seule victoire. Tyrrell prépare l'avenir avec une nouvelle monoplace inspirée de la Matra. Très classique mais d'une redoutable efficacité, la Tyrrell lui apportera deux nouveaux titres mondiaux en 1971 et 1973. Avec le recul, ces succès semblent faciles. Jochen Rindt,son seul véritable adversaire, a disparu trop tôt. Brabham, Hulme, Surtees et Graham Hill ont vieilli, Fittipaldi et peterson sont encore un peu tendres tandis que Ickx et Amon manquent de constance. A la vérité, Stewart était tout simplement au sommet de son art : doué d'un pouvoir de concentration et de réflexes peu communs, styliste et metteur au point hors-pair. Un véritable professionnel, il ne laisse rien au hasard. Sa vie est réglée comme une horloge suisse et bien avant tout le monde, il ne boit pas, ne fume pas, suit un régime alimentaire et ne fait pas la fête la veille d'une course. Un homme de fer qui ne laissera rien paraître à ses adversaires de ses soucis de santé : une mononucléose en 1971 et un ulcère à l'estomac l'année suivante.
La décontraction qu'il affiche, cheveux longs et vêtements à la mode n'était qu'une apparence. Son oeil mi-clos était celui d'un maquignon qui soupèse ses adversaires pour mieux les démoraliser. Stewart aurait été insupportable s'il n'avait été capable de se moquer de lui-même avec sa voix nasillarde haute perchée et sans combat pour la sécurité qui fut une belle preuve d'altruisme. Quand il décida de se retirer, on l'accusa de ne pas aimer véritablement la course automobile. C'était un faux procès. Stewart adorait la F1 mais se sentait aussi des devoirs envers sa famille : "la disparition d'amis proches comme Piers Courage et Jochen Rindt avait été ressentie comme une véritable torture par ma femme Helen. Et puis, à l'âge de six ans, Paul, mon fils aîné a demandé le plus sérieusement du monde à sa mère quand est-ce que j'allais me tuer. Pour lui tous les pilotes étaient destinés à mourir sur un circuit." Dès avril 1973, sa décision est prise et comme à son habitude, il ne laisse rien au hasard. Il doit se retirer au soir du GP des Etats-Unis, son centième Grand Prix et si l'année se poursuit comme elle a commencé avec un troisième titre en poche. Seules deux personnes sont dans la confidence : Ken Tyrrell et Walter Hayes, le directeur de Ford Europe. Helen Stewart, n'est pas au courant. Jackie ne voulait pas qu'elle vive la saison comme un compte à rebours. La mort de François Cevert, la veille de la course bouleversera le protocole le remplissant d'une infinie tristesse.
En fait, Jackie Stewart n'a jamais vraiment quitté la Formule 1. Depuis plus de vingt ans, il traverse toujours les paddocks de sa démarche sautillante, connu et reconnu par tous. Il est consultant, commentateur pour les TV américaines, journaliste essayeur, homme d'affaires et de relations publiques pour des immenses compagnies (Ford, Elf, Moet et Chandon ou Rollex). En vrai professionnel, cet homme pressé donne toujours l'impression d'être disponible, aime séduire et captiver son public par ses discours et ses analyses percutantes. Véritable bourreau de travail, Stewart est fier de sa réussite, fier de côtoyer la "jet-set", fier de prouver qu'il savait faire autre chose que de tenir un volant et surtout fier de gagner beaucoup d'argent.
C'est cette stature et sa connaissance du milieu qui lui vaut aujourd'hui la confiance de Ford. Disposant d'un budget considérable, il aura à coeur de réussir ce nouveau challenge. Personne n'en doute d'ailleurs !
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