Il faut absolument prendre son souffle avant de lire le dernier livre de Mathieu Larnaudie, paru au mois d’avril, et intitulé Les Effondrés.


Puisque presque personne n’en parle profitons-en pour en parler.


Si ses sont d’une brûlante actualité (il y est question de business, de business et de crise, de ses acteurs), l’écriture est en rupture totale avec le phrasé du moment. Il faut véritablement prendre son souffle pour suivre, poursuivre, chaque phrase jusqu’à son terme, lequel paraît toujours relancé. Une expérience de lecture rare. On saluera aussi un manifeste travail de documentation pour pouvoir passer avec un bonheur égal de Madison Avenue à New York au Bund de Shanghai.


Bref, après son étonnant La conspiration piratesque paru en 2009, Les Effondrés de Mathieu Larnaudie est un livre à lire. Plutôt qu’à lire un livre, voire deux, c’est donc à suivre un auteur que je vous invite.



Un extrait : « (…) jusqu’à ses bureaux du centre-ville à bicyclette ou, lorsqu’il était un peu plus fatigué, que, fort rarement encore, ses rhumatismes le prenaient, ou bien que la saison, dans ces Alpes où l’hiver commence parfois au milieu de l’automne, ne le permettrait pas, à bord d’une Golf basique, la même que celle du charcutier ou de n’importe lequel de ses employés (et qu’il conduisait lui-même, se targuant de n’avoir jamais eu de chauffeur), se gratifiant, avec cet orgueil paradoxal des riches qui mettent un point d’honneur à ne pas exposer leur fortune, à savoir rester humbles, simples, à revendiquer leur humilité et leur austérité, et qui est un orgueil bien plus grand encore que celui de l’ostentation frimeuse, de fuir les mondanités, de voyager en seconde classe lorsqu’il prenait le train, de ne pas demander à être placé en business class quand il prenait l’avion alors qu’il eût pu très bien s’offrir un jet privé, de n’apparaître que le moins possible dans les conférences du syndicat des grands patrons allemands, de ne cultiver pour seul luxe notable qu’une passion sincère pour la montagne, pour le ski et l’alpinisme, qui le portait plusieurs fois dans l’année vers les cimes himalayennes, longtemps unanimement respecté, salué pour avoir mené une carrière exemplaire et de fait de la (déjà florissante mais encore modeste) fabrique de produits pharmaceutiques que lui avaient légué son père et son grand-père (…) »