Amendes radars, FPS… Les Français sont-ils de mauvais payeurs ?
Stéphanie Fontaine , mis à jour
Le recouvrement des amendes routières (stationnement compris) est "un système à bout de souffle, au bord de la rupture : taux de recouvrement en baisse, contentieux de masse, fragmentation des acteurs impliqués, confusion des automobilistes, système informatique obsolète…" Les conclusions d'un rapport sénatorial rendu public mardi sont sans appel. Pourtant, dans le détail, le nombre global de titres payés a fortement progressé en 2018.
Mardi, les sénateurs Thierry Carcenac (socialiste) et Claude Nougein (Les Républicains) ont rendu public leur rapport sur le recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement (FPS). "C'est une machine qui fonctionne mal et qui est en passe de se gripper", a notamment alerté Claude Nougein lors de la conférence de presse organisée pour présenter ce travail.
En 2018, sur un potentiel de recettes évalué à 2,3 milliards d'euros, grâce aux 26 millions d'avis de contravention (radars automatiques + PV électroniques) et 8 millions de FPS émis, ce serait plus de 700 millions d'euros qui manqueraient à l'appel dans les caisses publiques. En cause surtout : les titres majorés qui resteraient dans plus de 70 % des cas impayés.
Pis, la situation est en voie de dégradation à partir de ce stade du recouvrement forcé. Pour ces "amendes" majorées - elles le sont au-delà de 30 jours sans paiement -, le taux de recouvrement a ainsi baissé de 37,7 % en 2010 à 28,6 % en 2017. Et pour le seul stationnement, le "taux n’est que de 26,4 % en 2018", précise le rapport.
Reste qu'à l'inverse, le règlement des amendes initiales s'est lui particulièrement accru l'an dernier. Le taux de paiement les concernant a bondi à 67,2 %, alors qu'il n'était que de 51,6 % en 2017 (voir le tableau ci-dessous)… Pourquoi ? Les sénateurs ne l'expliquent pas. Difficile également de bien comprendre les raisons de la détérioration du recouvrement des majorées.
Amendes forfaitaires avec ou sans minoration | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 |
Volume payé | 51,90 % | 50,7 % | 50,5 % | 51,6 % | 67,2 % |
Volume impayé | 48,10 % | 49,3 % | 49,5 % | 48,4 % | 32,8 % |
Source : rapport sénatorial sur le recouvrement des amendes en 2019, d'après les données transmises par l'Antai.
Les conséquences de la réforme du stationnement n'auraient pas été suffisamment anticipées, avancent notamment les rapporteurs. Mais comme la situation a commencé à se dégrader avant son entrée en vigueur, l'explication paraît un peu courte. Reste que cette nouvelle pression exercée sur le stationnement créé un vrai déséquilibre entre les Français et les étrangers. Il est à rappeler en effet que la directive dite "Cross Border", qui instaure l'échange d'informations permettant de remonter jusqu'aux propriétaires des véhicules surpris en infraction dans les pays membres de l'union européenne (UE), n'inclut pas les infractions au stationnement. Et comme le stationnement impayé n'est de toute façon plus considéré comme une infraction en France - il a justement été dépénalisé en 2018 -, cela ne facilite pas les poursuites à l'étranger.
Pour les villes frontalières, "cela induit une belle pagaille", ont déploré les sénateurs, qui préconisent ainsi l'élargissement de cette directive européenne afin d'y "inclure le stationnement payant". Parmi les autres justifications avancées, l'application informatique utilisée par les pouvoirs publics pour procéder au recouvrement de ces "amendes" majorées, vieille de 25 ans, serait complètement obsolète et ne permettrait pas un suivi des dossiers efficient.
Pour remédier à cette situation, les sénateurs formulent en tout cas dix principales recommandations, dont celles-ci :
- Dispenser de paiement préalable les personnes à mobilité réduite - elles bénéficient normalement de la gratuité du stationnement - quand elles souhaitent contester un FPS, tout en poursuivant les travaux sur la lutte contre la falsification des cartes de stationnement, dont le nombre aurait augmenté de 15 à 20 % dans certains arrondissements de Paris, et certaines villes.
- Clarifier les informations données aux usagers, notamment sur les acteurs auxquels ils doivent s’adresser à chaque étape du recouvrement.
- Accélérer le déploiement d'un nouveau logiciel pour le recouvrement. Évalué à 50 millions d'euros, le projet est l'étude depuis neuf ans, et plus de 2 millions d'euros auraient déjà été dépensés pour rien.
- Inclure le stationnement impayé dans la directive européenne dite "Cross Border" comme évoqué plus haut.
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