Athena : une séquence d'ouverture d'anthologie et une chorégraphie automobile de folie
En ouvrant son film sur dix minutes d'un plan séquence ininterrompu, le réalisateur Romain Gavras plonge le spectateur au cœur de ce qui va suivre. En point d'orgue de cette scène, une virée à contresens d'un fourgon de police volé ou la caméra s'amuse à se glisser de l'intérieur du véhicule à l'extérieur. Impressionnant.
Peut-on présager de la qualité d’un film en se contentant de regarder ses 10 premières minutes ? Bien sûr que non, mais la séquence d’ouverture d’Athena, de Romain Gavras, est à ce point étonnante et virtuose que le spectateur se dit, à juste titre, que toute l’œuvre sera du même tonneau, ce qui n’est, hélas, pas exactement le cas.
Reste que si le film, toujours disponible sur Netflix, a ses détracteurs, il a aussi ses admirateurs, plutôt nombreux. Pour les uns comme pour les autres, cette séquence d’ouverture tournée en plan séquence (un tournage d'un seul tenant, en une seule scène, ininterrompue au montage) reste l’un des monuments cinématographiques de ces dernières années, pour la simple raison qu’elle concentre tout : le calme, l’embrasement, la violence et la fuite, en voiture, évidemment.
De la normalité à l'hystérie
Cette scène d’ouverture se déroule dans la cité Athena qui donne son nom au film. Une cité de banlieue difficile, pas franchement identifiable, mais facilement reproductible dans nombre de quartiers, avec ses barres, sa dalle et ce qu’il reste de sa zone commerciale. Sans compter son commissariat. C’est là que la fameuse séquence commence, « de manière douce, comme dans un film normal », indique le réalisateur dans la séance d’explication qu’il donne sur Youtube, d’une scène tout en crescendo qui, de la normalité voulue se termine en hystérie totale.
Au début, on découvre Abdel, natif de la cité et devenu militaire. Son jeune frère a été tué dans une rixe, et il revient sur ses terres pour une cérémonie officielle qui lui est dédiée. Dans le public, un autre de ses frères assiste à la scène, quand soudain tout s’embrase. Un cocktail molotov est jeté vers le commissariat, et c’est l’émeute.
La caméra suit les jeunes de la cité, devenus incontrôlables. Ils saccagent l’hôtel de police, avant de s’emparer d’un fourgon des forces de l’ordre et de déguerpir, entourés de plusieurs motos en plein rodéo ets voitures des copains. À leurs trousses, les policiers tentent de les rattraper, en vain. On est sur la route et on est dans le fourgon, la caméra y entre et en sort, on ne lâche pas les émeutiers d’une semelle dans cette course-poursuite. On ne s’identifie pas à eux : on est eux-mêmes, aux prises avec leur folie.
« L’idée, dit encore Gavras, c’est que, dès la deuxième minute, on soit pris à la gorge et qu’on soit dans le film ». Pour y parvenir, ce plan unique de 10 minutes, fait virevolter la même caméra d’un opérateur à un drone, en passant par un scooter. Une chorégraphie de l’image qui s’appuie sur une chorégraphie de voitures, plutôt que sur des cascades. Car il n’y a pas d’autos qui driftent dans Athena, pas d’accident spectaculaire, seulement un fourgon de police avec sa meute à contresens sur une quatre voies et dans une cité. Mais à la regarder, filmée de façon millimétrée et épique, on est plongé dans le même chaos que les protagonistes. Cette chorégraphie automobile, est dirigée par David Julienne, petit-fils de Rémy Julienne puisque l’on se transmet ce talent en famille.
Évidemment, pour que des comédiens et des dizaines de figurants puissent ainsi se déplacer, jouer et être suivis par une caméra unique qui passe de main en main à la seconde près, il faut un timing au cordeau, de nombreuses répétitions et une précision hors du commun. Mais c’est le fruit de ce travail qui plonge en quelques minutes le téléspectateur au cœur du film, et le prépare ultra efficacement à tout ce qui va suivre. Car comme le rappelle Romain Gavras, ce plan séquence, « c’est une planification militaire pour finalement créer du chaos. »
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