Avis de tempête sur les SUV
Les SUV ou les crossovers sont à la mode, mais les écologistes voient d’un mauvais œil les rejets de CO2 de ces autos plus lourdes et plus imposantes que les berlines dont ils reprennent la base. Face à la Commission européenne qui imposera en 2021 aux constructeurs une moyenne de 95 g/km de CO2 pour l’ensemble de leur gamme, ils pourraient faire les frais de cette réglementation. Alors demain, les SUV pourraient-ils disparaître ?
Pas un mois sans qu’un nouveau SUV arrive sur le marché. Parmi les dernières nouveautés, le duo Peugeot 2008 et Renault Captur 2 qui sera bientôt en vente, le Ford Puma qui arrive avec son grand frère Ford Explorer à motorisation hybride rechargeable, l’Audi Q3 Sportback (version coupé du Q3), le Nissan Juke "2"... Avec plus d’un tiers des ventes de véhicules neufs (36 %) en France, la catégorie des SUV se porte bien. Mais de gros nuages noirs pourraient menacer les "Sport Utility Vehicle". Car ils sont plus lourds, plus gros que la berline dont ils reprennent la base technique et par voie de conséquence, ils consomment plus et rejettent plus de CO2 dans l’atmosphère. De nos jours, où la volonté affichée par nos gouvernants est de réduire le plus possible la pollution automobile, le SUV "fait désordre".
Gros, lourds et gourmands
Depuis deux ans la hausse des émissions moyenne de CO2 remonte en France et en Europe. Mis en cause les moteurs essence qui produisent plus de CO2 que les diesels et qui, depuis le “Dieselgate“ voient leurs ventes progresser, mais surtout l’explosion des ventes des SUV. Quoi de plus normal, d’un gabarit plus imposant, plus haut qu’une berline, un SUV affiche au moins 100 à 200 kg de plus sur la balance que la berline dont il reprend la base. De plus son SCx (coefficient de traînée “Cx“ multiplié par la surface frontale exposée à l'air) est moins performant que celui d’une berline, ce qui occasionne une surconsommation de carburant et des rejets de CO2 plus importants. En prenant comme exemple les stars du marché, on le constate rapidement. À motorisation égale, une Renault Clio 4 0.9 TCe rejette 113 g/km, tandis que le Renault Captur en rejette 123 g/km. Une Peugeot 308 équipée d’un bloc essence 1.2 Puretech affiche 108 g/km, le Peugeot 3008 lui atteint les 118 g/km. Équipée d’un moteur diesel 1.5 BlueHDi de 130 ch la Peugeot 308 rejette 92 g/km, le Peugeot 3008 106 g/km.
Plus problématique qu’une berline
Outre le fait qu’il consomme plus qu’une berline, les SUV sont aussi plus dangereux pour les autres usagers de la route en cas de collision. Une étude réalisée aux États-Unis indique qu’il y a deux fois plus de risques pour un piéton, un cycliste ou un usager de deux roues motorisées d’être tué en cas de collision avec un SUV. Ils prennent aussi plus de place en ville où l’espace pour stationner est compté et où la largeur importante de ces autos ne fait rien pour faciliter le trafic en cas de croisement dans une rue un peu étroite. Enfin, le marché de l’occasion va voir arriver dans quelques années ces SUV. Plus chers que la moyenne des autres automobiles, ils devraient contribuer à un renchérissement du marché de l’occasion et rendre plus difficile l’accès pour des automobilistes à revenus modestes qui ne pourront pas se payer un SUV, plus coûteux au quotidien du fait d’une consommation plus importante et d’un coût d’entretien plus élevé.
Un bon filon pour le constructeur
Face à ce constat, la multiplication des SUV est une aberration et les constructeurs se devraient de construire des autos plus légères, d’un gabarit réduit et aérodynamique… Malheureusement, ils ne peuvent pas ou ne le veulent pas le faire. Parce qu’un SUV est une bonne affaire pour une marque automobile. Reprenant la base d’une berline il permet de rationaliser les coûts de production. De plus, il se vend plus cher que la berline équivalente et permet de dégager un retour sur investissement et des bénéfices plus rapidement. Et puis tout constructeur est obligé de faire face à la demande de SUV de la part du public. Car si les automobilistes plébiscitent ce type de modèle, c’est qu’il dégage une impression de robustesse, que la position de conduite surélevée les rassure et qu’il est souvent plus aisé de s’installer au volant d’un SUV que dans une berline plus basse.
Des amendes records en perspective
En maintenant ou en augmentant ses ventes de SUV, un constructeur prend un gros risque. Celui de ne pas parvenir aux objectifs fixés par l’Union européenne de faire tomber les émissions de CO2 sous le seuil moyen des 95 g/km sur 95 % de sa gamme en 2020, puis sur l’ensemble de sa gamme en 2021. Et en cas de dépassement du seuil de CO2 cela le contraindra à payer de lourdes amendes qui vont impacter de manière importante ses bénéfices. Pour éviter une pénalité trop importante, FCA (Fiat Chrysler Automobiles) a trouvé une parade. Le groupe italo-américain va payer Tesla (constructeur américain de voitures électriques) afin de passer une partie des ventes du constructeur californien dans son bilan annuel de manière à baisser son taux de CO2 et éviter de très lourdes amendes.
Des SUV plus vertueux
Les constructeurs veulent satisfaire la demande du public pour les SUV et dans le même temps réduire le plus possible les émissions de CO2 pour être dans les clous de l’Union européenne. Pour réussir ces paris, il va leur falloir investir. Afin de diminuer leur empreinte carbone, l’électrification de tout ou partie de la gamme est une bonne solution. La création de véhicules 100 % électriques permet d’avoir dans une gamme des véhicules ne rejetant en roulant aucun gramme de CO2. À condition que le volume des ventes soit assez important pour qu’ils compensent les rejets des autres véhicules de la gamme. On verra donc dans le futur de plus en plus de SUV hybrides ou électriques. Réduire le poids des autos est aussi une bonne chose. Mais cela pourrait être de plus en plus difficile à atteindre, les automobilistes réclamant toujours plus de confort, d’équipements… À moins que l’utilisation de matériaux légers soit systématique, au risque d’augmenter de manière importante le prix des véhicules. Les moteurs essence étant plus gloutons que les diesels, on peut imaginer que les plus grands et gros modèles soient équipés de blocs diesels ou d’hybride, de manière à réduire le plus possible l’empreinte CO2. Déjà, le Peugeot 3008 existe en hybride, le Citroën C5 Aircross tout comme l’Opel Grandland X s’équipe de motorisations hybrides PSA. Le nouveau Peugeot 2008 existera en version 100 % électrique tout comme son grand rival, le nouveau Renault Captur… Rappelons que le DS3 Crossback qui reprend la même architecture que le Peugeot 2008 existe aussi en électrique.
SUV : stop ou encore ?
Dans un futur proche, la catégorie des SUV ne va pas disparaître. Cependant, parvenue à 36 % de parts du marché en France, les ventes des SUV pourraient bien se stabiliser et pourraient même décroître prochainement. Parce qu’à force de voir partout des SUV, l’effet de mode pourrait s’étioler, rouler en SUV ne plus devenir tendance. On a vu dans le passé, la folie des monospaces s’éteindre rapidement au point que ce segment qui représentait plus de 20 % des ventes en 2004 est aujourd’hui à moins de 5 %. Et puis, on l’a constaté avec le “diesel bashing“ suite au “dieselgate“, les ventes de voitures diesels se sont effondrées, et cela en très peu de temps. Si le SUV commence à devenir un problème, parce qu’ils polluent plus ou parce qu’impliqués dans des accidents ils font plus de victimes, si les gouvernants se saisissent du sujet, dans un souci de santé publique ou tout simplement dans un but électoraliste, qu’elle sera l’attitude du public ?
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