Changement climatique, le combattre ou s'y adapter ?
Suzuki abandonne le marché chinois. C'est, paraît-il, une très bonne nouvelle pour ce constructeur qui va ainsi pouvoir se concentrer sur le marché indien, en pleine croissance, dont il truste, avec son partenaire Marutti, plus de la moitié des ventes. Admettons…
Que Suzuki abandonne le marché chinois est certainement une très mauvaise nouvelle pour nous tous, habitants de cette planète. Si le constructeur nippon quitte l'empire du milieu, c'est parce que ses voitures y sont désormais trop petites, même ses SUV, et se vendent de moins en moins bien. Dingue, non ?
Les Chinois ne se contentent plus d'acheter plein d'autos - un peu plus chaque mois qu'une année pleine en France - surtout ils en choisissent des grosses.
Au point que, si Peugeot vient de programmer un SUV d'un calibre supérieur à son 3008/5008, ce n'est pas pour le pharmacien ou le notaire européen, c'est pour le commerçant et le cadre pékinois !
Pour vous donner une idée, le journaliste automobile chinois qui consulte le top 10 des ventes en France (Clio, 208, 3008, C3…) doit avoir le même sentiment de compassion que celui que j'éprouverais en détaillant les statistiques du marché automobile albanais.
Pour des gens qui fabriquent des sacs Vuitton, des parfums Cacharel et des foulards Hermès en dégustant des macarons de chez Ladurée, nous ne roulons pas très cossu.
Une leçon au vilain Donald
Certes, mais nous sauvons la planète ! Ils ne se rendent pas compte les Chinois, mais avec notre bonus-malus franco-français, nous avons tout de même diminué de 0,001 % les émissions de CO2 du milliard de voitures sur terre. Et à l'échelle de l'Europe, avec les nouvelles normes drastiques que prépare la Commission européenne, nous atteindrons peut-être les 0,008, voire, soyons fou, les 0,009 % ! En attendant que les Indiens et les Africains se mettent à acheter autant de voitures que les Chinois.
Certes, ce régime décarboné pourrait nous coûter des pans entiers de notre industrie automobile et des millions d'emplois, mais il faut savoir ce que l'on veut. Et donner une leçon au vilain Donald Trump qui vient, par pur esprit de contradiction, de relâcher la bride environnementale aux constructeurs américains. Ainsi, Ford, General Motors et FCA (Fiat-Chrysler) vont pouvoir continuer à produire du pick-up géant et du SUV obèse sans trop s'enquiquiner de ce qu'ils consomment et émettent.
Le développement ? Voiture + climatiseur + générateur
J'ironise, je sais, ce n'est pas bien, mais je ne sais pas décrire autrement une situation qui dépasse largement les prouts et les vroum de nos petites autos. Tenez, un exemple glané auprès d'un copain qui revient d'un long séjour en Afrique où il a pu constater l'envol économique de ce continent. Savez-vous ce qu'achète le petit bourgeois de Lagos, Abidjan ou Kinshasa une fois qu'il s'est équipé d'une voiture ? Un climatiseur. On en dénombre 1,6 milliard sur terre, et 135 millions nouveaux par an. Et très rapidement après, un générateur électrique diesel pour parer les innombrables coupures de courant que provoque l'addition de tous ces climatiseurs. On a beau construire sans cesse de nouvelles centrales au gaz, au charbon ou au pétrole - what else ? - elles s'additionnent moins vite que les boîtiers de clim sur les façades d'immeubles.
Même topo en Inde, en Chine, en Amérique du Sud et dans toute l'Asie : voiture + climatiseur + générateur diesel. Allez leur expliquer que ce n'est pas bien, qu'on peut aller au boulot à vélo, s'éclairer à la bougie et vivre par 40°C six mois par an…
Si vous vous demandiez pourquoi la consommation d'électricité et les émissions de CO2 peuvent bien encore augmenter sur terre malgré tous nos efforts, maintenant, vous savez. Et vous comprenez pourquoi les climatologues affichent leur pessimisme et, de plus en plus nombreux, leurs doutes quant à notre capacité collective à inverser la spirale du réchauffement. Alors, que faire ?
Vider la piscine à la cuiller ou apprendre à nager ?
Il y a deux options.
La première consiste à persister à montrer l'exemple et à donner des leçons d'écologie à la terre entière. Tout en sachant que nos européens efforts équivalent à vider une piscine olympique avec une cuillère. Qui peut encore croire qu'avec le développement de l'ancien Tiers-monde et l'accroissement démentiel de la population mondiale, nous parviendrons à contenir les émissions mondiales de C02 pour maintenir le réchauffement climatique dans des proportions vivables et éviter la montée du niveau des océans ? Même pas Nicolas Hulot…
La seconde consiste à considérer ces événements comme inéluctables, à envisager la probabilité du pire scénario et à nous y préparer. Concrètement, adapter notre habitat et notre agriculture, revoir l'aménagement de nos côtes, pousser les feux sur la recherche agronomique, consolider nos approvisionnements alimentaire et énergétique, parer aux probables catastrophes (inondation de centrale nucléaire, sécheresses, incendies de forêt, ouragans, effondrement de glacier…), bref rendre nos sociétés plus résilientes et adaptables. Plutôt que de consacrer des sommes colossales au développement des énergies renouvelables et du véhicule électrique qui doivent trouver leur propre écosystème, investissons dans notre adaptation à l'inévitable.
Cela n'implique pas de repartir dans la gabegie énergétique et n'exclut pas de contenir nos émissions de C02 mais consiste à inverser nos priorités. Pour que nous ne puissions pas dire dans 30 ou 50 ans "nous ne sommes pas parvenus à l'éviter", mais plutôt "nous avons réussi à nous y adapter".
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