Citroën serait-il en plein virage low cost ?
Et si Citroën changeait radicalement de positionnement ? Et si la marque historique de l’innovation et du haut de gamme à la française devenait low cost ? Et si sa nouvelle cible était Dacia, et plus du tout les marques généralistes ? Beaucoup de « si » pour une hypothèse soulevée par Les Echos. Mais si ce gros changement est possible, il est loin d’être certain. Explications.
Ainsi donc, l’éviction de Vincent Cobée, le boss de Citroën ne serait pas seulement liée au manque de résultats de sa marque, avec une chute des ventes de près de 20 % en 2022, mais aussi à ses réticences envers le changement. C’est du moins ce que laissent entendre Les Échos dans leur édition d’hier. Une réticence, et un changement radical, puisqu’il serait tout simplement question de transformer la vieille marque française en constructeur low cost avec, pour cible affichée : Dacia, pas moins que cela.
Ce qui a mis nos confrères sur cette voie, c’est un désaccord survenu entre Carlos Tavares, le tout-puissant dirigeant de Stellantis, et Cobée l’an passé. L’objet du litige, c’est la version de la C3 spécialement étudiée et vendue dans des pays émergents comme l’Inde ou le Brésil et qui affiche clairement ses ambitions low cost et dépouillées puisqu’elle s’affiche là-bas à 8 600 euros. Ce modèle minimaliste dispose également d’une version électrique, justement fabriquée en Inde et que Tavares aimerait bien importer chez nous.
Une C3 électrique à 100 euros par mois ?
Car le leasing social pointant le bout de son nez à la fin de cette année, comme l’a réaffirmée la première ministre Élisabeth Borne, il aimerait bien en profiter. Or, la seule auto qui est aujourd’hui apte à être louée pour 100 euros par mois, comme le fameux leasing le prévoit, c’est la Dacia Spring. Lui opposer une Citroën, serait, pour la direction de Stellantis, une bonne manière de récupérer une part du gâteau.
Mais pour Vincent Cobée, c’est niet, et plusieurs cadres de la marque sont de son avis. Pour eux, l’importation d’une auto low cost serait le meilleur moyen de dévaloriser l’image de Citroën et de gommer son histoire faite d’innovation et de haut de gamme. Mais il n’est plus à son poste, pas plus que son directeur commercial Jérôme Gautier qui a, lui aussi, été remercié. Carlos Tavares a nommé Thierry Koskas à la tête de la marque, et s’il cumule ce poste avec celui de directeur du marketing de Stellantis, c’est sans doute parce qu’il est en phase avec les idées de son patron sur la low-costisation de Citroën, dont le cheval de Troie pourrait donc être cette sous C3 électrique à venir.
Est-ce une bonne idée ? Peut-être. Car la réussite de Dacia est incontestable, et la marque franco roumaine est aujourd’hui seule au monde sur son créneau. Il y a donc de la place autour de la table. De plus, il est urgent de revoir la stratégie de Citroën qui a perdu près de 20 % de ses ventes en 2022 et qui, en termes de parts de marché, se fait devancer par Dacia, justement.
Pour autant, la marque qui a inventé la DS et la SM est-elle la mieux placée et ne peut-elle pas se rêver un avenir un peu plus prestigieux ? Sauf que le créneau du premium à la française, auquel les chevrons auraient dû logiquement accéder, a été pris par DS qui émane d’ailleurs de Citroën allant jusqu’à prendre le nom de son illustre modèle.
Le low cost aurait pu être l'avenir de Fiat
Mais en fouillant dans la galaxie Stellantis, une autre marque aurait pu s’imposer naturellement sur ce créneau pas cher : c’est Fiat. La marque italienne a d’ailleurs déjà songé à ce type d’aventure dans les années 2000 en envisageant d’importer en Europe ses autos à bas coup fabriquées au Brésil avant de renoncer. Et puis n’a-t-elle pas ressuscité sa Tipo sous la forme d’une voiture « populaire » et pas (trop) chère ? L’Italien était donc tout désigné pour rivaliser avec Dacia. Mais c’était sans compter avec un autre refus catégorique : celui de John Elkann. Le patron de la branche italienne de Stellantis a du poids dans le groupe, puisqu’il en est, officiellement, le président. Carlos Tavares ne peut négliger son avis, beaucoup moins en tout cas, que celui de Vincent Cobée.
C’est donc à Citroën qu’incomberait le rôle de la nouvelle marque low cost du groupe. Du moins, apparemment, dans les esprits du board de Stellantis. Car dans les faits rien n’est gagné. La C3 électrique indienne, qui débarquerait en fin d’année n’a strictement rien à voir, en termes de positionnement, avec celle que nous connaissons. D’autant qu’au même moment, la nouvelle C3, bien européenne, sera présentée. Crée sous la houlette de Cobée, elle n’aura strictement rien de low cost. Le nom de l’une ou l’autre est donc à revoir pour éviter la confusion. Quid des autres Citroën de ce futur programme ? Mystère, d’autant qu’elles devront cohabiter quelques années durant avec les modèles existants aujourd’hui, ou celles déjà prévues par le plan produit et qui, là encore, n'ont rien de low cost.
Enfin, l’une des règles de bases du marketing tient en une phrase : « pour chercher, et trouver, une nouvelle clientèle, encore faut-il préserver l'actuelle ». Or, celle de Citroën, avec 62 ans en moyenne au compteur, est la plus âgée de toute la planète automobile et de ce fait, peut-être la plus réticente au changement de positionnement de « sa » marque.
Ce changement de pied de l’une des marques historiques de l’automobile n’est pourtant pas une première pour elle. En 2007 déjà, le PDG de PSA de l'époque, Christian Streiff avait eu, lui aussi, l’idée de transformer les chevrons, déjà en difficulté, en marque low cost. Et de mettre en chantier la C4 Cactus. Et puis, en 2009, Streiff est remplacé par Philippe Varin qui n’était pas du tout du même avis. Pour lui, Citroën devait rester généraliste et la Cactus n’a pas été lancée comme une auto à bas coût, même si elle en avait quelques séquelles, mais comme une auto « essentielle ». Résultat : un bide mémorable lié à une stratégie de l’atermoiement. Espérons que cette fois, la marque soit sûre de son fait, au cas où elle s’engouffre dans cette nouvelle voie, ou au cas où elle se réinvente autrement. Car une nouvelle défaite pourrait être la dernière.
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