Comment des Américains ont vendu des CX aux USA contre la volonté de Citroën !
Plusieurs entreprises américaines, dont Cina et CXAuto, ont écoulé des CX aux Etats-Unis, alors que Citroën ne croyait pas la chose possible. Et a tout fait pour les en empêcher !
En France, c’est bien connu, on n’a pas de pétrole mais on a des idées… et on veut les garder pour nous ! Exemple avec la CX, une auto remarquable que Citroën n’a pu (ou voulu) exporter aux Etats-Unis. La raison ? La législation américaine a stipulé que dès le 1er janvier 1974, les pare-chocs devraient non seulement absorber des impacts à 5 mph (8 km/h) mais aussi se trouver à une hauteur constante. Ce qui, de facto, a empêché l’homologation de voitures à suspension pneumatique et assiette variable telles que les Citroën DS ou SM, qui pourtant, avaient leur petite clientèle.
Même Mercedes a dû modifier ses modèles à coussins d’air pour conserver le droit de les vendre outre-Atlantique. Citroën n’a pourtant pas tout de suite stoppé ses activités américaines. René France, le patron de Citroën Cars Corporation, l’importateur du double chevron, a même réussi à écouler des CX en 1975, avant de se faire sèchement rappeler à l’ordre par la maison-mère, qui a quitté le continent en fin de cette année-là. Peugeot, qui venait de racheter le constructeur du quai de Javel, voulait certainement faire place nette pour ses 504 et 604 aux USA…
Tout change en 1981. L’administration Reagan simplifie les normes d’homologation, rendant possible le retour des autos à hauteur variable. Il n’y a pas qu’en France que des réglementations absconses sont instaurées puis retirées ! Des sociétés spécialisées dans l’import des européennes aux USA reconsidèrent alors les Citroën, et estiment que la grande CX pourrait séduire un nombre suffisant de clients, friands d’originalité, pour rendre rentable son adaptation aux normes d’un Oncle Sam très tatillon.
Une petite entité californienne, Trend Imports, réussit alors à vendre des CX Diesel en Amérique, où le gasoil connait un certain regain d’intérêt. Elle a « fédéralisé » la grande berline française en lui greffant de gros pare-chocs et des projecteurs scellés. Seulement, ayant empiriquement procédé à ces modifications, elle s’est vu interdire par l’administration américaine de commercialiser ces autos.
A Roswell, en Géorgie, Robert Boston dirige Euro-Cars, spécialisée dans les « grey imports ». En gros, des européennes, Porsche, Mercedes et BMW pour la plupart, plus ou moins converties aux spécificités US. Boston roule CX, une auto qui intrigue beaucoup ses clients. Et quand la Citroën est restylée en 1985, et dotée pour l’occasion de boucliers en plastique, plus adaptés aux goûts américains, il décide de l’importer. Surtout que la législation sur les pare-chocs vient d’être assouplie ! Il s’y prend sérieusement en créant la Cina (Citroën Importers of North America), puis en soumettant pas moins de cinq CX aux crash-tests américains ! La française, très bien étudiée en matière de sécurité passive, passe sans gros soucis les tests.
Les procédures d’homologation prendront 18 mois et imposeront tout de même de relocaliser le réservoir d’essence, implanté bien trop près du pare-choc arrière. Une fois l’auto autorisée aux USA, Boston se rend, confiant, chez Citroën, en France pour en acheter cinquante directement à l’usine. Fraichement accueilli, il essuie un refus de la part de PSA. « Nous ne voulons pas que la CX soit vendue aux Etats-Unis. Si les Peugeot ont échoué, pourquoi une Citroën réussirait-elle ? » Il est abasourdi. Quoi ? Un constructeur qui refuse de vendre ses voitures ? Et qui, pire, interdit à ses distributeurs de lui en fournir ?
Prenant durement conscience des rivalités internes existant encore entre Citroën et Peugeot au sein de PSA, Boston ne s’avoue pas vaincu et décide d’acheter en douce des CX auprès de concessionnaires allemands qu’il connaît bien. Ce qui lui permet de constater que les exemplaires vendus outre-Rhin sont nettement mieux peints que ceux réservés à la France ! Via des sociétés qu’il a montées au Luxembourg, il récupère des Citroën CX neuves et les ramène dans son pays pour les modifier.
Et là, patatras ! Le dollar s’effondre, rendant la Citroën bien trop chère pour demeurer compétitive. De 23 000 $, il doit augmenter le prix à 33 000 $. Cina parviendra tout de même à écouler une centaine de CX, avant de recevoir une lettre de PSA le mettant en demeure de cesser immédiatement cette activité…
Deux autres larrons, Malcolm et Eric Langman, s’essaient dès 1979, de façon très improvisée, à l’importation de la CX. En 1981, ils rencontrent le Néerlandais André Pol et créent CX Automobile International, qui deviendra CXAuto en 1985, sise à Lebanon, dans le New-Jersey. Ses dirigeants se voient vite menacés par Citroën, qui leur interdit d’utiliser sa marque et son logo, tout en les privant du moindre soutien technique, sans même parler de l’après-vente.
Aussi écouleront-ils la CX nons pas sous l'appellation Citroën mais sous leur blason CXAuto, que l’on trouve aussi sur la plaque d’identification des voitures : ils sont devenus des constructeurs ! Il faut dire que ces deux-là, père et fils, modifient considérablement l’ex-Citroën qu’ils ont, eux aussi, soumise aux crash-tests. Après l’avoir achetée auprès du constructeur, ils l’envoient aux Pays-Bas, dans l’usine de leur partenaire local CX Automobiles Europe, André Pol donc, à Oisterwijk.
Là, elle reçoit de nombreuses améliorations : réservoir d’essence mieux protégé, montage d’un avertisseur de fuite hydraulique, de supports de pare-chocs plus costauds, de barres de renfort dans les portières, d’un circuit électrique renforcé, de feux latéraux, d’une climatisation adaptée, nouvelles ceintures de sécurité, clignotants à retour automatique… Sans oublier la possibilité offerte au client de personnaliser sa voiture, avec un toit ouvrant en verre, ou un cuir à la couleur de son choix. Le tout réclame environ 160 heures de travail. Whitney Houston s’est même fait confectionner une CXA à l’intérieur entièrement blanc !
Testée par la presse US, la CX est appréciée pour son intelligence... et son exotisme. Malgré un prix de minimal de considérable de 49 800 $ (il baissera par la suite à 37 000 $), CXAuto arrivera à se doter d’un réseau de 12 distributeurs et 60 points de maintenance aux USA, écoulant officiellement près de 500 CX à moteur 2,5 l essence (garanties 5 ans ou 80 000 km) jusqu’en 1992, un an après l'arrêt de sa fabrication en France. A ce moment, l’entreprise américaine décide d’importer la XM, et la fait essayer à la presse mais la voiture est très chère à 49 990 $ (et peu fiable !), aussi, seules quelques unités seront-elles vendues jusqu’en 1997.
Vraiment dommage que Citroën, peut-être sous la pression de Peugeot, n’ait pas jugé bon de favoriser la vente de ses hauts de gamme aux Etats-Unis, au lieu de les entraver. Mais le Double Chevron a souvent suivi une stratégie très peu lisible concernant la commercialisation de ses modèles, qu’André Citroën, génial vendeur, aurait à coup sûr désapprouvée…
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