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Comment Stellantis va survivre à l'après-Tavares ?

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

Le départ du boss de la galaxie de 14 marques (voir 15 avec Leapmotor) est désormais acté. Mais quel sera le prochain épisode de la saga du 4e constructeur mondial ? Qui en sera le capitaine avec quelles ambitions, et quels éventuels renoncements ? Tentatives de réponses.

Comment Stellantis va survivre à l'après-Tavares ?
Carlos Tavres (à droite) et john Elkann affichent un sourire de façade au récente Mondial de l'auto. Crédit photo : EPA/MAXPPP

Il s’est mis à peu près toute la planète auto à dos, jusqu’au conseil d’administration qui a eu sa peau ce dimanche 1er décembre au soir. Les administrations américaines (Biden et Trump), les marchés, l’interne, les concessionnaires, les clients et les fournisseurs, tous sont remontés contre Carlos Tavares. Difficile dans ces conditions de rester en place.  

Acculé à une démission pour la forme et un licenciement sur le fond, le boss de Stellantis aurait appris son sort samedi, la veille d’un conseil d’administration exceptionnel qui s’est tenu ce dimanche après-midi à Amsterdam. Et c’est une affaire de famille qui a valu à Tavares ce départ immédiat et forcé. Car c’est à la coalition entre les deux gros actionnaires du groupe, qui ont fini par s’entendre sur son avenir, qu’il doit son éviction en cette fin de week-end.

Un licenciement en famille

Les familles en question sont d’un côté les Agnelli qui, au sein de la holding Exor, détiennent 14,2% des actions et les Peugeot qui en détiennent toujours 7,1%. En ajoutant les 6,1% de BPiFrance, la banque publique française, ralliée elle aussi aux griefs portés par les deux familles, le directeur général a compris que ces membres du conseil d’administration avaient scellé son sort et que les autres actionnaires d’un capital atomisé allaient se rallier aux poids lourds.

Une fois la sentence tombée, Carlos Tavares n’a plus qu’à remettre les clés du paquebot à John Elkann, le président, qui va gérer l’intérim. Il va également pouvoir négocier un golden parachute qui pourrait être très confortable et largement suffisant en tout cas, pour assurer à l’homme de 66 ans de quoi couler une retraite plus qu’heureuse dans sa ferme portugaise.

Reste à panser les plaies et à songer à l’avenir. Des plaies plutôt nombreuses que le « psychopathe de la performance » ainsi qu’il s’est défini lui-même, n’a cessé de creuser ces dernières années, et surtout ces derniers mois. Car ses ennemis se comptent bien au-delà des rangs du conseil d’administration ou il avait un siège.

Mike Manley à la tête de Stellantis , Un comble pour celui qui a quitté le navire il y a un peu moins de deux ans avec 51 millions de dollars d'indemnités.
Mike Manley à la tête de Stellantis , Un comble pour celui qui a quitté le navire il y a un peu moins de deux ans avec 51 millions de dollars d'indemnités.

En interne, les langues se délient de plus en plus facilement pour évoquer son management brutal, surtout chez les ex-collaborateurs dont nombre ont rejoint le groupe Renault, de l’ingénierie au design en passant par le marketing ou la communication. Chez les concessionnaires aussi, dont les marges se sont réduites depuis le Covid, auprès des clients également, que les déboires des moteurs Puretech et BlueHDI ont fait fuir vers d’autres marques.

Chez les fournisseurs aussi, le mécontentement est immense. Non seulement, ils sont sommés de renégocier leurs tarifs à la baisse, mais de plus, les délais de règlement de leurs factures se sont allongés de manière dramatique.

D’autres problèmes, et non des moindres, se sont accumulés de l’autre côté de l’Atlantique. Car non seulement les ventes des marques américaines (Jeep, Dodge, Ram et Chrysler) sont en berne, avec des stocks qui se sont accumulés chez les concessionnaires, mais en plus, Stellantis s’est mis à dos l’administration sortante comme celle qui arrive au pouvoir en janvier. Biden ayant pris fait et cause pour le syndicat UAW qui a bloqué les usines américaines fin 2023, Stellantis a décidé de délocaliser une partie de sa production au Mexique, qui n’est pas le pays préféré de Donald Trump qui a promis, durant sa campagne, de taxer de 10% les autos fabriquées de l’autre côté du Rio Grande. Fâcheux pour remonter la pente des méventes.

Stellantis a des ennemis américains comme italiens

En Italie aussi, Stellantis est en guerre contre le gouvernement Meloni qui lui reproche de délocaliser à outrance et de vouloir tuer l’automobile italienne. John Elkann aurait d’ailleurs appelé lui-même la première ministre Giorgia Meloni pour lui annoncer ce qui, pour elle, est une bonne nouvelle : le départ de Carlos Tavares.

Les chantiers sont donc nombreux pour redresser la barre d’un groupe mal en point. Vraiment si mal en point ? certes le profit warning du mois de septembre, qui annonce une diminution de moitié de la marge opérationnelle, a mis le feu aux poudres. Mais une marge qui atteindra certainement les 7% à la fin de l’année est très loin d’être honteuse. Stellantis ne perd pas d’argent, mais gouverner c’est prévoir. Le groupe doit sortir de la spirale infernale dans laquelle il est plongé depuis la fin 2023 et, pour le conseil d’administration, il faut en finir avec les méthodes Tavares.

En vendant des marques ? Possible. En tout cas, John Elkann s’est opposé à l’inverse : l’agrandissement par le rachat d’autres marques tel que Tavares le souhaitait. Exit les fantasmes d’absorption de Renault, General Motors ou Ford.reste à savoir quelles marques céder. La famille Agnelli, aux commandes depuis hier soir, va certainement lutter, aux côtés du gouvernement Meloni pour conserver les joyeux italiens que sont Maserati, Alfa Romeo et même Lancia.

Un changement d'écurie pour Luca de Meo ?
Un changement d'écurie pour Luca de Meo ?

Céder les marques américaines ? L’Amérique est au cœur du système Stellantis et constitue l’essentiel de ses profits. Redresser la barre à Detroit est vital, quitter le navire US semble exclu. Reste les marques françaises et notamment DS que tout le monde semble regarder avec pitié depuis dimanche soir.

Mais vendre, ou arrêter les frais de la marque premium hexagonale ne suffira pas à redresser la barre. L’amélioration forcenée de la qualité des produits sera au cœur du processus de reconstruction du groupe, en plus du redressement de ses marques américaines. Pour y parvenir, il faut un capitaine, puisque John Elkann a promis de nommer un nouveau directeur général d’ici quelques mois. 

Qui est susceptible de reprendre le flambeau ? Des noms circulent, en interne comme en externe. Jean-Philippe Imparato, véritable numéro 2 depuis qu’il est à la tête de l’Europe ? Sa méconnaissance du marché américain pourrait lui fermer la porte du sommet. Maxime Picat ? l’actuel directeur des achats pourrait payer le cost killing forcené en usage chez Stellantis, et lui non plus n’a pas d’expérience américaine. Reste Olivier François, il est Français, dirige Fiat actuellement et s’est occupé de Chrysler il y a quelques années. Le profil idéal.

Une action en baisse mais une action fluctuente et en attente

Mais au jeu des pronostics, on peut également citer les boss venus d’ailleurs, et en premier lieu, Luca de Meo. Mais on voit mal l’Italien a qui tout réussit chez Renault quitter le losange pour prendre la direction de Stellantis, même si sa nomination serait à même de rassurer les collaborateurs bien secoués après les années Tavares, comme les fournisseurs. En plus, lui non plus ne connait pas l’Amérique. En revanche Mike Manley est un spécialiste des autos américaines de Stellantis ; puisqu’il dirigeait FCA, avec un œil aiguisé sur les autos US du groupe, avant la fusion avec PSA. Il est parti en 2023, empochant au passage un parachute de 51 millions de dollars. Son retour serait évidemment un comble.

Quoi qu’il en soit, et quel que soit le nom qui sortira du chapeau du conseil d’administration, l'élu devra agir rapidement. Car les marchés, qui décident de la valeur de l’action Stellantis n’aiment rien moins que l’attentisme. Dès l’ouverture, le cours du groupe dévissait, avant de se redresser un peu. Les cours varient plus souvent qu’une stratégie industrielle, fort heureusement.

 

Pour aller plus loin...

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Retrouvez le débat vidéo de la rédaction publié à l'occasion du Mondial de l'automobile: "Stellantis, la fin de la période dorée". Nos journalistes analysaient les raisons des difficultés de Stellantis et se projetaient dans l'après-Tavares.

 

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