2. Comparatif - BMW F750 GS Vs Moto Guzzi V85 TT : match serré !
Nous commençons notre roulage sous une fine pluie et sur routes mouillées. Non qu'elles craignent l'eau, leurs pneumatiques se montrant rassurantes dans ces conditions, mais peu loquaces quant aux limites réelles. Nous tentons notre chance en visant la première éclaircie aperçue. Elle nous emmène cap Sud Ouest, où nous arrivons à retrouver des routes sèches entre la Vallée de l'Eure et la Beauce. Un endroit idéal pour permettre à nos trails de trouver un peu d'espace et prendre de la vitesse. Dès les premiers mètres, la différence de comportement entre nos deux protagonistes saute aux yeux, aux oreilles et… aux bras.
Petit appétit. Le premier contact fait ressortir des différences d'ergonomie flagrantes. La position de conduite de la F750 GS recule et replie davantage les jambes, du fait de repose-pieds plus hauts ménageant la garde au sol. L'allemande dispose également d'un guidon plus haut et moins large. On remarque du coup l'absence de pare-mains, qui ne seront disponibles qu'en option. Limite mesquin. Même pour un trail proposé à moins de 10 000 € de base. La V85 TT est bien plus agréable de position et parcourir plus de 800 km en une journée se fera sans aucune gêne ni douleur, que ce soit au niveau fessier ou cervical. Les trapèzes le sentiront à peine passer. Pour rouler longuement, la V85 marque également des points : à la fois la contenance de son réservoir supérieure de 7 litres et une consommation plus intéressante à mi-régimes permettent de parcourir plus de 350 km, la V85 TT annonçant même 480 km à chaque plein.
Soyons réalistes, on perd souvent 20 à 30 km d'autonomie à chaque fois que l'on redémarre et la réserve s'allume très aléatoirement entre 160 et 80 km restant à parcourir. Allez comprendre. La consommation moyenne de la moto à l'aigle s'établit cependant aux alentours de 5,2 l/100 km sur plus de 3 000 km parcourus, tandis que celle à l'hélice annonce 5,1 l/100 km sur son ordinateur de bord et que nous calculerons 4,8 l/100 km lors de notre dernier plein. Un point commun à ces deux motos : lorsque l'on commence à faire tourner leur moteur au-delà de 5 000 tr/min, la consommation s'envole, sans jamais dépasser les 7 l/100 km cependant. Sur autoroute, on perd ainsi près de 200 km d'autonomie sur la V85. Résultat ? Lors des gros roulages, la Moto Guzzi l'emporte grâce à son plus gros réservoir.
Du vent dans l'hélice. Plus incisive, plus nerveuse malgré ses 3 cv de moins, la GS semble même plus légère que la TT grâce à une meilleure répartition des masses, tout en ne parvenant pas à donner la même impression de gros cube. La faute à un avant moins massif et à un petit saut de vent plutôt qu'une bulle verticale de grande taille. On dirait également que le moteur allemand carbure à l'excitant naturel, tant il aime à prendre des tours et à donner d'une voix bien plus criarde que la Guzzi. L'italienne oppose sa force tranquille à cette excitation, ainsi qu'une rondeur et une progressivité sans égales. Pour autant, elle ne peut rivaliser en matière de performances sur les rapports équivalents : la BMW lui colle un vent. Aux tests de reprise, quelle que soit la vitesse engagée ou celle à laquelle on roule, il faudra tomber un à deux rapports sur l'italienne pour pouvoir prétendre tenir tête à la teutonne et à ses envolées lyriques. Anecdotique, le bicylindre italien résonne presque comme une 2 CV de Citroën. Vibrations incluses.
Du sport à l'ancienne. Si la boîte de vitesse de la F750 GS est à la fois douce, rapide et secondée par un shifter optionnel – lequel manque de souplesse —, le levier de son adversaire commande une boîte bien plus lente et très sonore. Chaque passage de rapport est accompagné d'un bruit caractéristique, faisant entrer la V85 dans une catégorie à part : celle des mots qui font "Clong". Elle rejoint en cela les motos à grosses gamelles, à l'image des Harley Davidson, ou des gros customs privilégiant l'agrément moteur à la performance brute. Cela étant dit, la boîte verrouille bien et bénéficie elle aussi d'un indicateur de rapport engagé, même si celui-ci ne fonctionne que lorsque l'on relâche l'embrayage. Rappelons que, même adapté, le moteur de la V85 est issu de la famille des V9 Moto Guzzi, lesquelles ne sont pas sportives pour un sou.
La moto à l'hélice accroche ainsi 84 km/h en 1ère, 112 en 2nde et 147 en 3, ne laissant jamais l'aigle fondre à nouveau sur elle : le couple de l'italienne, pourtant inférieur de 3 Nm, est distribué 1 000 tr/min plus bas et présent dès 3 000 tr/min. Malgré l'allonge moindre, on atteint les alentours de 75 km/h en 1ère, puis 105 et enfin 125 km/h en fond de 3, le compteur continuant de monter alors que la rupture coupe l'élan de manière douce. D'un point de vue purement factuel, la V85 TT perd donc le match des moteurs, mais en matière et en manière d'identité, de caractère et de sensations, elle pourrait le remporter. Voyons cela.
Urbain sage ou sauvage ? En ville, la bonhomie de la V85 TT est un atout pour évoluer sereinement, là où la largeur de son guidon appelle à quelques précautions en remonte file. Si la F750 GS se plie volontiers à l'exercice, son moteur ne peut revendiquer autant de sérénité sur les 4 premiers rapports. Il incite à tourner davantage la poignée et à bénéficier d'une énergie débordante, bref, il titille toujours votre instinct joueur… Pour autant, la souplesse est également au rendez-vous, autorisant même à rouler plus facilement en 6 aux alentours de 50 km/h, là où l'italienne demandera 10 km/h de plus pour être à l'aise. La moto à l'aigle incitera surtout à rouler en 4 ou en 3, rapports sur lesquels on se sent particulièrement bien.
Tandis que l'on profite d'un velouté mécanique bienveillant, de l'embrayage souple et d'une sonorité à la fois profonde et feutrée de la V85 TT, la GS continue de toiser son adversaire et de la dominer. Elle a du cran, et un cran supérieur d'un point de vue purement factuel. Elle le sait. En tremble-t-elle, l'italienne ? Pas davantage que d'habitude ! Le fameux couple de renversement berce toujours les évolutions lentes avant de s'effacer. Bien plus rapprochées, les pulsations allemandes sont ressenties dès que l'on prend des tours. Elles deviennent alors source de fourmillements. Nous préférons pour l'heure le rythme italien. Certes, la V85 TT chauffe bien plus les mollets et les pieds que son opposante, mais elle offre un supplément d'agrément et dira-t-on d'âme : le moteur est on ne peut plus vivant.
Vivantes et vibrantes. Avec ses cliquetis, ses ronronnements, la sonorité attachante de son échappement ronflant et l'impression qu'il donne d'évoluer sur un plus gros cube, le bicylindre Guzzi répond à une clientèle particulière, certes. Il ne manque pas de séduire les amateurs de sensations mécaniques et ceux qui ressentent et vivent leur moto. Se montrant trompeuse, elle impressionne bien plus niveau sensations de couple que la bien plus démonstrative et explosive BMW. Évidemment, lorsqu'il faudra s'extraire d'une épingle ou relancer à certains moments critiques, la Guzzi perdra le match. Surtout si l'on n'a pas rentré un ou deux rapports.
La V85 TT se rattrape par la bienveillance de sa partie cycle et un train directeur de premier ordre permettant de venir frotter les repose-pieds au sol. À ce titre, il est regrettable que l'on attaque directement la structure du repose-pieds… Aïe. Dans le cadre d'une conduite musclée, la V85 TT est un véritable challenge personnel, qui incite à s'appliquer, à lécher ses trajectoires pour compenser le manque de puissance du moteur, là où la BMW autorise bien plus de fantaisies. L'allemande la distance royalement et inexorablement si on la laisse partir devant. Le cardan semble donc bien gréver une partie des chevaux annoncés, mais c'est aussi là le propre de l'architecture du bicylindre italien : privilégier le couple et ne jamais rechigner à prendre des tours, surtout les 1 000 derniers.
Cette BMW F750 GS est une petite fusée, qu'on se le dise, et une sacrée surprise niveau moteur. Mais pourquoi est-elle donc boudée pa rapport à la 850 ? La moindre accélération donne l'impression de se trouver sur un supermotard, y compris au travers de l'échappement. Passer de la V85 TT à cette GS fait franchir un cap dans l'exigence. Même le toucher de route apparaît supérieur. Une fois encore, la BMW se montre plus incisive, plus tranchante. On la balance d'un angle à l'autre pour la sentir se poser là où la Guzzi continue de se montrer progressive et d'arrondir les (prise d') angles. Cette 750, on la malmène, mais la direction reste imperturbable. L'amortisseur de direction y veille. À propos d'amortissement, justement, nous attaquons (au sens propre comme au sens figuré), une portion tenant plus du champ de mine que de la départementale. Gaz !
Confort haut de gamme. Une fois encore, la F750 GS brille par la qualité de son amortissement. Si en mode Dynamic, la fermeté était encore de rigueur, révélant le relief des petites bosses, le mode Road apporte un lissage complet de la route. Seule la fourche, non réglable mais déjà capable d'absorber gros, renseigne encore sur la meilleure trajectoire. Pour info, il est encore possible d'agir directement sur l'ESA depuis le commodo gauche. Pas loin derrière, la V85 TT joue une autre carte : celle de la qualité des réglages de sa suspension et d'un train avant toujours aussi rassurant. Les éléments entièrement affichent une sérénité certaine, d'autant plus qu'il sera possible d'ajuster la pré contrainte et le rebond. Dommage par contre que l'on ne dispose pas d'une molette déportée pour agir sur le ressort. Au moins la clef nécessaire à la compression du ressort est-elle fournie et placé dans la trousse à outils sous la selle.
À propos d'outil, la F750 GS continue légitimement de revendiquer le titre de trail le plus performant du jour… Même si sa casquette de phare n'encourage pas les longues excursions, fussent-elles dans la zone des vitesses supérieures. Le pare-brise optionnel de la Guzzi est en cela bien plus efficace pour protéger le buste de la pression de l'air, mais les turbulences et remontées d'air provoquées par la forme du réservoir combinée à celle de l'équipement sont fatales pour les casques à casquettes : notre Hornet DS en devient bruyant grinçant et la vision se trouble. On se croirait sur Canal+.... Un décodeur, s'il vous plaît !
L'hélice lisse. Même pas une petite sueur ? Si. Au rétrogradage. En l'absence totale de frein moteur, la F750 GS surprend. Même en tombant 3 rapports, l'arrière ne subit aucun mouvement et le moteur continue de vrombir comme si de rien était. Seul l'échappement rivalise de pétaradage avec celui de la V85 TT, offrant aux oreilles un concert bien agréable. Quelle sportivité ! Mais cela ne suffit pas. Il faut rapidement attraper les freins et s'en remettre aux étriers Brembo. À fixation standard, ils officient avec brio, force et progressivité. Le dosage est excellent et même l'arrière fait mine de ne pas pouvoir bloquer. L'ABS Pro, actif en courbe, veille au grain (de route). Redoutable, une fois encore, tout simplement. Pourtant, de retour sur la V85 TT, on profite une nouvelle fois d'un train avant plus rassurant et d'un équipement à fixation radiale.
L'aigle plonge. On pourra toujours utiliser l'inertie moteur et celle des gros pistons, tout en évitant de martyriser le moteur en tombant abusivement les rapports. Le freinage deviendra d'autant plus agressif et son attaque d'autant plus prompte que l'on aura réglé la garde du levier droit. Il devient alors redoutable et un cran au-dessus de celui de la BMW… standard. L'ABS Pro apporte un supplément de confiance lors des freinages d'urgence sur l'angle, mais aussi un supplément tarifaire. C'est bien là le nerf de la guerre : plus on investit dans la BMW, meilleure elle devient, tandis que d'origine, la Guzzi parvient à lui tenir la dragée haute, simplement au prix de vos qualités de pilote. La fourche plongera bien en ligne et encaissera sans problème.
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