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DESIGN BY BELLU - Vous avez dit "luxe à la française" : "Les concept-cars présentés par les firmes françaises au dernier Mondial nous renseignent moins sur leur futur que sur leurs dépits".

Dans Futurs modèles / Design

Serge Bellu

Désespérément privés de grosses cylindrées, les designers français nourrissent des complexes. Pour les exorciser, ils prétendent périodiquement défendre et illustrer la mémoire du « luxe à la française ». Avec la Méthode Coué comme livre de chevet.

DESIGN BY BELLU - Vous avez dit "luxe à la française" : "Les concept-cars présentés par les firmes françaises au dernier Mondial nous renseignent moins sur leur futur que sur leurs dépits".
DESIGN BY BELLU - Vous avez dit "luxe à la française" : "Les concept-cars présentés par les firmes françaises au dernier Mondial nous renseignent moins sur leur futur que sur leurs dépits".

L’un des derniers concours d’élégance de l’année s’est déroulé fin septembre à Marrakech sous la houlette du magazine Gentlemen Drivers. Le prix du Best of Show fut attribué à une Facel Vega Excellence, une voiture du type EX2 qui avait appartenu au roi du Maroc. Cette somptueuse berline de 1964, rivale de la Cadillac Eldorado Brougham et de la Mercedes-Benz 600, est considérée comme l’ultime jalon dans l’art de la carrosserie française.

Facel Vega Excellence.
Facel Vega Excellence.

Après la disparition de Facel Vega, l’histoire de l’automobile française de luxe a été suspendue…

Une première vague avait emporté les grands noms de l’Hexagone une dizaine d’années auparavant : Bugatti jeta l’éponge en 1952, Delage en 1953, Hotchkiss et Delahaye en 1954, Salmson en 1956 et Talbot en 1960. Ne disposant plus de ces bases prestigieuses, les carrossiers ont disparu dans la foulée. Chapron, Franay, Letourneur & Marchand, Figoni & Falaschi, Antem, Pourtout, Saoutchik ont été emportés à leur tour…

Cette fatalité, ils ne l’avaient pas volée : les constructeurs et les carrossiers n’ont pas su - ou pas pu - s’adapter au nouveau contexte économique. Ils sont restés accrochés à des méthodes de fabrication ancestrales et ne parvinrent pas à suivre l’évolution du style dictée par les Italiens.

Pendant un temps, nos présidents ont entretenu l’illusion en déambulant dans des carrosses à leur image : le velléitaire général de Gaulle s’est fait concocter une DS plus longue que la Lincoln de Nixon, tandis que Georges Pompidou, fou de vitesse, transfigura une SM… Après, plus rien. Nos dirigeants ont roulé dans des taxis : des Safrane, des CX, une 604 bricolée… Avec le pompon sous Emmanuel Macron : un SUV pour le moins inopportun…

Les designers qui travaillent pour les marques françaises n’en finissent pas de regretter cette époque disparue. Les nostalgiques n’ont jamais accepté le choix d’une industrie qui à l’aube des trente glorieuses opta pour le prêt-à-porter au détriment de la haute couture, pour la consommation de masse plutôt que pour l’industrie du luxe. D’où une frustration rémanente entretenue par le constat que les labels français conservent tout leur prestige dans les domaines de la mode, de la parfumerie ou de la gastronomie.

Les concept-cars présentés par les firmes françaises au dernier Mondial nous renseignent moins sur leur futur que sur leurs dépits. DS Automobiles expose une DS-X en écho à l’engagement de la marque en Formule E… mais au catalogue, elle ne propose que des crossovers. Stérile démarche au sein d’un groupe PSA qui ne propose aucun coupé sportif, aucun cabriolet, sur ses tarifs…

D X e-Tense.
D X e-Tense.

De son côté, Peugeot puise son inspiration dans le passé. Une évocation surprenante : pourquoi avoir choisi cette 504 Coupé austère, guindée, tristement conventionnelle, pour servir de base de réflexion à la e-Legend au demeurant très bien exécutée. Ce choix nous ramène dans une époque où l’industrie française se complaisait dans un « juste milieu » sans panache. Un choix qui a forcément freiné l’élan créatif des designers chargés du style extérieur, de l’intérieur et des couleurs et matières.

Peugeot e-Legend.
Peugeot e-Legend.

La démarche de Renault paraît plus cohérente, jouant avec l'EZ-Ultimo la carte d’un luxe tapageur et d’un confort voluptueux que permettrait la conduite autonome.

DESIGN BY BELLU - Vous avez dit "luxe à la française" : "Les concept-cars présentés par les firmes françaises au dernier Mondial nous renseignent moins sur leur futur que sur leurs dépits".
DESIGN BY BELLU - Vous avez dit "luxe à la française" : "Les concept-cars présentés par les firmes françaises au dernier Mondial nous renseignent moins sur leur futur que sur leurs dépits".

 

Renault EZ Ultimo.
Renault EZ Ultimo.

 

Au cours des dernières décennies, les Français s’étaient déjà consolés en osant des concept-cars ambitieux. En 1995, Renault produisit l’élégante berline Initiale qui concrétisait les « cinq réflexions sur le haut de gamme » énoncées par la Direction du Design alors animée par Patrick le Quément. Sous le capot, il était prévu de glisser un V10 issu de la Formule 1… Juste de la poudre aux yeux sans fondement…

Car si la France est absente du haut de gamme depuis si longtemps, c’est par manque de motorisation.

Citroën Numéro 9.
Citroën Numéro 9.

Dans la perspective de s’implanter en Chine, Citroën a voulu impressionner l’Empire du Milieu avec des limousines cossues. Elles avaient certes de l’allure, la Metropolis ou la Numéro 9, mais elles perdaient toute crédibilité quand on découvrait leurs motorisations. En 2010, la Metropolis se contentait d’une motorisation hybride qui totalisait 460 ch avec la présence d’un modeste V6 de deux litres côté thermique. Deux ans plus tard, le beau projet Numéro 9 devait se satisfaire d’un misérable quatre-cylindres de 1,6 litre associé à moteur électrique pour arriver péniblement à 295 ch.

Le salut des Français viendra peut-être des motorisations électriques… Cette fois, on ne sera plus tenté de compter les cylindres…

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