DESIGNERbyBELLU - Christopher Bangle, agitateur d’idées
Christopher Bangle est un personnage clé dans l’histoire de BMW car il est l’auteur de l’une des mutations essentielles que l’entreprise a osées pour se surpasser. Au-delà de la personnalité du designer, la société elle-même prend une autre dimension sous son influence.
Après une période de vacance de la direction du design chez BMW, Christopher Bangle prend la responsabilité des studios en septembre 1992. Trublion controversé, conspué par les conservateurs et salué par les progressistes, Christopher Bangle restera en poste jusqu’en 2009. Au-delà du design, ces dix-sept années sont cruciales dans la transformation de l’entreprise. De simple marque, BMW se transforme pendant ce laps de temps en un groupe industriel recouvrant plusieurs labels.
Natif de Ravenna dans l’Ohio, Christopher Edward Bangle milite tout au long de sa carrière pour un design inventif. En sortant de l’Art Center College of Design de Pasadena, il est engagé chez Opel où il se spécialise dans le design intérieur et imagine l’habitacle modulaire du concept car Junior (1983).
Puis il entre dans le groupe Fiat où il dessine deux modèles particulièrement typés, la Fiat Coupé et l’Alfa Romeo 145. Partout, il mène un combat contre les complaisances et les consensus, une attitude forçant le respect dans une industrie qui exprime souvent sa défiance à l’égard des individualismes.
Chez BMW, Chris Bangle impose un style dérangeant. La nouvelle orientation est donnée au Salon de Francfort 1999 à travers le concept car Z9 dont les caractéristiques stylistiques sont transposées deux ans après sur la Série 7. Mais la provocation a du mal à passer auprès du public conservateur. Le design de BMW est la cible d’attaques virulentes. La Série 7 subit les premières salves et génère la signature d’une pétition sur Internet : « Stop Chris Bangle ».
Pour la première fois, la polémique est dirigée contre son responsable du design, en l’occurrence Christopher Edward Bangle. Pour la première fois, l’opinion publique s’en prend nommément et violemment à la personne d’un designer pour remettre en cause la stratégie d’un constructeur. Conséquence regrettable de la « starisation » des designers. La critique prend ici un ton répugnant qui procède du harcèlement et de la délation.
Ce dénigrement manque singulièrement de recul. Une œuvre, fut-ce celle d’un designer industriel, se mesure dans la durée, se comprend dans une perspective. Le style BMW se redéfinit en employant un langage original qui s’appuie sur l’expressivité, l’émotion et la sensualité. Mais il s’avère que ces traits de caractère déstabilisent encore le public après des décennies de design minimaliste et lissé.
Pour mieux comprendre la stratégie initiée par Chris Bangle, il faut replacer le style BMW dans le contexte mondial avec certains marchés – surtout la Chine et l’Amérique du Nord – qui sont plus ouverts aux dérives baroques que la vieille Europe, engoncée dans ses convenances et ses conformismes.
Juste avant de quitter BMW, Chris Bangle vient présenter le concept car Gina au Festival de l’Automobile, à Paris, en février 2009. C’est sans doute son projet le plus iconoclaste. Sur une vidéo qui passe en boucle au musée BMW, Chris Bangle en personne présente la philosophie résumée par la formule « GINA » : Geometry and Functions in "N" Adaptations. Sur ce prototype, la « peau » est réalisée en textiles enveloppant une structure mariant métal et fibre de carbone. La carrosserie varie en fonction des nécessités ou des envies, créant un sentiment de liberté et d’individualisme. Les phares clignent comme des yeux, les portes se froissent comme des ailes…
Ultime pied de nez envoyé aux esprits rétrogrades par le plus engagés des designers contemporains.
Après avoir mis en place sa succession, Chris Bangle reprend son indépendance et fonde Chris Bangle Associates s.r.l. (CBA), un studio basé à Clavesana, près de Cuneo, qui propose ses services dans tous les univers.
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