DESIGNERbyBELLU - Dante Giacosa, un ingénieur sensible au style
Parmi les grands ingénieurs qui ont façonné l’automobile au cours du XXe siècle, Dante Giacosa occupe une place prépondérante. Capable de concevoir des machines de course brillantes, il a aussi associé son nom aux modèles les plus populaires de la Fiat.
Ingénieur italien, né à Alba en 1905, diplômé de l’École Polytechnique de Turin (1927), Dante Giacosa débute comme dessinateur chez Spa en 1928 puis passe chez Fiat dès 1929. Il devient chef du département « moteurs refroidis par eau » sous la direction de Tranquillo Zerbi, puis, en 1935, chef du bureau d’études « voitures particulières » sous la direction d’Antonio Fessia.
En 1934, Antonio Fessia réunit ses troupes pour leur proposer de relever un défi. « Le sénateur Agnelli veut une voiture petite et économique qui puisse être vendue 5 000 lires ; vous sentez-vous à même de dessiner le châssis et le moteur ? », lance le directeur technique à la cantonade… La question s’adresse en priorité à Dante Giacosa.
Sans surprise, le fier ingénieur, piqué au vif, accepte le challenge. Le lendemain, le projet « Zero A » est lancé sous son autorité. Nous sommes au début de l’année 1934. Par goût, Giacosa explorerait volontiers des solutions techniques originales, mais le prix de vente de la voiture et les exigences du patron de Fiat ne lui permettent pas de s’éloigner de la voie la plus classique. En outre, pas question de réitérer la bévue de 1931…
Cette année-là, un premier projet de voiture minimaliste à moteur 500 cm3 avait été élaboré en choisissant l’architecture originale de la traction avant. Mais un accident malencontreux survenu avec le prototype généra une aversion maladive et définitive pour la traction avant chez le grand patron, Giovanni Agnelli, qui se trouvait à bord et qui avait eu la peur de sa vie.
Malgré les envies d’innovations de Giacosa, et notamment la tentation d’adopter des roues avant motrices, la 500 allait conserver une architecture conventionnelle. Pour le reste, elle fourmille d’audaces. En un temps où la voiture populaire et citadine n’a pas encore été inventée, la Zéro A accueille deux personnes dans une carrosserie compacte, ne mesurant que 3,22 mètres de long. Mais au-delà de son concept, la 500 va surprendre tout le monde par l’audace de sa carrosserie. Comme la Fiat 1500 lancée en novembre 1935, sa petite sœur adopte les préceptes du profilage qui s’imposent au milieu des années 1930. Charmante et malicieuse, la 500 reçoit vite le surnom de « Topolino », le patronyme de Mickey Mouse en Italie. Elle est animée par un minuscule quatre-cylindres en ligne de 569 cm3 qui développe 13 ch à 4 000 tr/min.
Dante Giacosa n’a pas limité son champ d’action aux voitures populaires et minimalistes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, quand l’activité industrielle tourne au ralenti chez Fiat, Dante Giacosa est appelé par Piero Dusio qui vient de former la « Compagnia Industriale Sportiva Italia » (Cisitalia). Dès la fin des hostilités, cet homme qui avait animé la Scuderia Torino avant la guerre, veut créer des automobiles inédites en faisant appel à des talents originaux. Il a quarante-cinq ans, du panache et des ambitions démesurées. En octobre 1944, il contacte Dante Giacosa qui accepte de lui prêter main forte pour dessiner une monoplace reprenant des composants mécaniques provenant de la Fiat 500 (suspension avant et direction) et 1100 (moteur). Le projet Tipo 201 débouchera sur la monoplace D46 dont les premiers essais ont lieu en février 1946.
Avant de retourner chez Fiat, Dante Giacosa esquisse les grandes lignes d’une machine sportive, la berlinette Tipo 202, qui débutera aux Mille Miglia 1947.
Chez Fiat, Dante Giacosa ne perd pas de vue les voitures d’exception. Dans les années 1950, Dante Giacosa encourage le développement de la Fiat 8V, une berlinette originale dotée de quatre roues indépendantes et animée par un moteur V8 de 2,0 litres. Elle sera produite en petite série en marge du courant principal.
Mais chez Fiat, la priorité reste la production de voitures pour le plus grand nombre, surtout dans cette Italie de l’après-guerre, cette nation affaiblie racontée par les maîtres du néo-réalisme, dans Le voleur de bicyclette de Vittorio De Sica ou Les Vitelloni, de Federico Fellini.
Au cours des années 1950 à 1970, Dante Giacosa est impliqué dans la définition de tous les modèles qui ont fait évoluer le concept de la voiture de grande série, de la Fiat 500 à la Fiat 127 en passant par l’Autobianchi Primula… La Fiat 500 accompagne l’Italie dans les transformations de ses styles de vie. Au milieu des années 1950, le contexte économique et social évolue, l’Italie se redresse, vogue sur l’optimisme des Trente glorieuses ; les villes se développent au détriment des campagnes ; la femme devient plus influente dans une société qui s’ouvre à la consommation. Pour Dante Giacosa, l’idée de créer une voiture urbaine s’impose. La nouvelle Fiat 500 voit le jour en juillet 1957. Elle est beaucoup plus urbaine dans son esprit et ses attitudes que ne l’était son ancêtre des années 1930. Petite et ronde, c’est une vraie citadine, éminemment sympathique, et non pas une familiale au rabais.
Elle restera le chef-d’œuvre de Dante Giacosa.
Photos (7)
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération