DESIGNERbyBELLU - Giovanni Michelotti, un esprit libre
Lorsque l’art de la carrosserie italienne s’est épanoui, au fil des années 1950, Giovanni Michelotti , styliste libre et indépendant, est parvenu à imposer son nom à côté des grandes maisons qu’étaient déjà Bertone, Pinin Farina, Touring ou Zagato.
Giovanni Michelotti est une des figures majeures de la carrosserie italienne et néanmoins l’une des plus méconnues. Cette marginalité, il l’a soigneusement entretenue en restant indépendant tout au long de sa prolifique carrière. Giovanni Michelotti a défendu une stratégie foncièrement différente de celle de ses prestigieux concurrents. En premier lieu, Michelotti a édifié sa notoriété en s’imposant comme un authentique « styliste », en privilégiant délibérément la créativité sur la productivité alors que ses confrères « carrossiers », au sens propre du terme, fabriquaient leurs prototypes et assuraient même des petites séries. Par ailleurs, la personnalité de Giovanni Michelotti est clairement liée à ses travaux, alors que chez les carrossiers traditionnels, le nom des artistes s’est toujours effacé derrière le label des marques.
Né à Turin en 1921, Giovanni Michelotti débuta à l’âge de seize ans aux Stabilimenti Farina, l’entreprise animée par Attilio et Giovanni Farina, les frères de Battista Farina qui avait, quant à lui, choisi de créer le label « Pinin Farina ». Engagé comme apprenti, Giovanni Michelotti occupait un poste subalterne et c’est un peu par hasard qu’il fut amené à exprimer ses qualités de dessinateur, un jour où le styliste attitré des Stabilimenti Farina tomba malade ! L’adolescent fut alors remarqué par Mario Revelli de Beaumont, styliste indépendant lui aussi, mais déjà reconnu.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le renouveau du style automobile souffle d’Italie. Les carrossiers sont condamnés à se rapprocher des constructeurs et à faire fructifier leur productivité. À côté de l’affirmation de leur compétence sur le plan de la création, les carrossiers doivent aussi valoriser leur aptitude à la fabrication de petites séries. Giovanni Michelotti choisit une autre voie, préférant concentrer toute son activité sur la création. Il manifeste très tôt son intention de s’émanciper : dès 1949, Michelotti devient indépendant et proposedésormais ses services à tous les carrossiers turinois. Très vite, plusieurs firmes font appel à son talent : Allemano, Ghia, Bertone, mais surtout Vignale, avec qui Michelotti forme un tandem remarquable.
Giovanni Michelotti échafaude en effet sa réputation à travers sa coopération avec le carrossier Alfredo Vignale. Au début des années 1950, les deux noms sont intimement liés. À l’aide de grands croquis généreux, exubérants, exagérés, un peu naïfs, Michelotti ébauche des croquis qui servent de bases de travail aux tôliers de Vignale. La palette de Michelotti est extrêmement large, le styliste étant capable de sagesse et de sobriété tout autant que d’extravagance. Giovanni Michelotti se fait connaître en réalisant quelques dessins fulgurants pour Ferrari. Lorsque la collaboration entre Ferrari et Touring s’amenuise, Vignale prend le relais et Giovanni Michelotti se trouve en première ligne à partir de 1950.
Giovanni Michelotti sait aussi s’échapper dans des dessins plus flamboyants qui regardent du côté du styling américain. Comme tous ses contemporains, il sait reprendre à son compte les fantasmes aéronautiques, le goût de la démesure et le sens de l’ornementation inspirés par l’Amérique.
Giovanni Michelotti passe pour être le plus prolifique des stylistes italiens dans les années 1950 et 1960. « Une année, j’avais exposé plus de trente voitures, réparties entre plusieurs stands, au Salon de l’Automobile de Turin ; elles portaient la griffe de plusieurs carrossiers. Je ne pouvais quand même pas dire que c’était moi qui les avais toutes faites ! » Certains constructeurs taisent le nom de Michelotti : c’est le cas d’Alpine-Renault, en France, qui lui doit pourtant le dessin du cabriolet A108 qui donnera naissance à la célèbre « Berlinette Tour de France ». Dans la foulée, Michelotti signe plusieurs carrosseries spéciales sur la base mécanique de la 4 CV.
Malgré cette omniprésence dans la création en Italie, Giovanni Michelotti reste modeste, discret, presque taciturne. Il finit par adjoindre un atelier de fabrication de prototypes, en 1960. Dès lors, tout en continuant à collaborer avec les autres carrossiers, et en particulier Vignale, il va aussi exposer ses créations sous sa propre marque. Sans répit, il cherche de nouveaux clients. Il se tourne vers BMW. Michelotti montre son éclectisme. Alors qu’au début de sa carrière, il avait une prédilection pour les carrosseries sportives, Michelotti s’avère tout aussi habile quand il s’agit de définir un style pour des produits de grande diffusion. De styliste, Giovanni Michelotti glisse insensiblement vers la fonction de designer. Au cours des années 1970, il crée des concept-cars qui sont tout à fait intéressants sur leplan conceptuel, notamment une voiture de ville monocorps en 1975.
La grande idée de Giovanni Michelotti, c’est de regarder vers l’Extrême-Orient. Avant tous ses confrères, il est sollicité par les constructeurs japonais. Tandis que l’industrie automobile japonaise sort de sa préhistoire, Giovanni Michelotti propose ses services et son talent aux constructeurs nippons. En 1964, Giovanni Michelotti engage Tateo Uchida, un styliste japonais qui va lui permettre de conforter sa pénétration au Pays du Soleil Levant.
Giovanni Michelotti n’a que cinquante-huit ans lorsqu’il est emporté par un cancer, le 23 janvier 1980. Il laisse ses enfants, Daniela et Edgardo, aux commandes d’une maison de vingt personnes. Frappée par les crises économiques successives, la firme Michelotti fermera ses portes en 1992.
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