Votre navigateur ne supporte pas le code JavaScript.
Logo Caradisiac    
Publi info

DESIGNERbyBELLU - Virgil Exner, gentleman designer

Dans Futurs modèles / Design

Serge Bellu

Tandis que la « Norseman » était envoyée par le fond, le responsable de ce concept-car était en train de vivre le commencement de la fin de son expérience chez Chrysler. Portrait de ce designer élégant.

DESIGNERbyBELLU - Virgil Exner, gentleman designer

Personne ne l’a vue. Seuls quelques designers tenus au secret, quelques artisans chargés de la confectionner dans le huis clos d’un atelier turinois. La Chrysler Norseman compte parmi les grands mystères de l’industrie automobile.

Le 25 juillet 1956, la nuit s’obscurcit au large de Nantucket, une île située à une cinquantaine de kilomètres au sud de la presqu’île du cap Cod. Le brouillard est en train de se former. Épais. Menaçant. Le paquebot Stockholm  de la Svenska Amerika Linien arrive sur zone dans cette purée de pois ; il est parti de New York en fin d’après-midi pour faire route plein nord en direction de Göteborg.

Dans le même périmètre, au terme de sa traversée de l’Atlantique, le SS Andrea Doria approche des cotes américaines. Il a quitté Gênes neuf jours auparavant, le 17 juillet avec à son bord 1 172 passagers et 572 hommes d’équipage. Il a fait escale à Cannes, Naples et Gibraltar avant de se diriger vers New York. Luxueusement aménagé, décoré d’œuvres d’art, réalisé dans les chantiers navals Ansaldo, l’Andrea Doria est un paquebot de l’Italian Line basée à Gênes qui a été lancé en juin 1951 et qui a effectué son premier voyage commercial en janvier 1953. Il symbolise la fierté de l’Italie en plaine reconstruction.

Le commandant Piero Calamai est aux commandes. La mer est forte et entraîne une gîte inquiétante, mais l’homme a de l’expérience. Dans la purée de pois, il ne voit rien venir. À 23h10, l’étrave tranchante de l’Andrea Doria éperonne le Stockholm sur son flanc. Panique à bord. Quarante-six personnes sont tuées sur l’Andrea Doria lors de la collision avec le Stockholm. Les survivants courent dans tous les sens, hurlent, se bousculent. Les creux sur l’océan sont tellement formés qu’ils rendent inutilisables une grande partie des canots de sauvetage. Le paquebot Île-de-France de la French Line fait demi-tour et vient porter secours aux passagers. Après avoir été secoué pendant toute la nuit, l’Andrea Doria chavire et coule le lendemain matin, le 26 juillet à 10h09…

DESIGNERbyBELLU - Virgil Exner, gentleman designer
DESIGNERbyBELLU - Virgil Exner, gentleman designer

 Le prototype Chrysler Norseman.

Il emporte avec lui, dans ses cales, un container qui dissimule un objet précieux et secret dans l’espace cargo n° 2. Il s’agit d’un prototype baptisé « Norseman ». Comme la plupart des voitures expérimentales que conçoit Chrysler depuis le début des années 1950, la Norseman a été confectionnée dans les ateliers du carrossier Ghia à Turin.

Chaque concept-car fait l’objet d’un thème qui sert de fil conducteur à l’étude. Ici, le toit est suspendu par deux grandes arches longitudinales qui forment des arc-boutants se passant de pilier ou de tout autre support. En cas de retournement, cette structure parvient à supporter le poids de l’ensemble. Entre ses deux longues pièces joliment courbées, glisse un pavillon vitré. Les phares sont partiellement occultés derrière une trappe rétractable. La Norseman est propulsée par un V8 Hemi de 5,4 litres développant 235 ch.

DESIGNERbyBELLU - Virgil Exner, gentleman designer

Le 24 juillet, la veille du naufrage, le responsable du design de Chrysler, Virgil Exner, a été hospitalisé. L’artiste est usé. Il fume, boit des litres de café sans se préoccuper de sa santé qui décline. Il est admis à l’hôpital William Beaumont à Birmingham après une attaque cardiaque. La famille s’attend au pire. Il est gardé en état semi conscient. Avec les ménagements d’usage, Tex Colbert lui apprend que la Norseman est au fond de l’océan…

Virgil Exner a d’autres soucis en tête. Il vient d’être hospitalisé d’urgence. Avec ses postures élégantes et ses chevaux grisonnants, il aurait pu faire du cinéma, ce beau quinquagénaire. Mais Virgil Exner a choisi le design automobile pour y déposer quelques jalons inoubliables. Est-ce pour encourager le sort ? Virgil William Anderson est né dans les parages de la « Motor City », dans la tranquille bourgade d’Ann Arbor proche de Detroit, le 24 septembre 1909. Sa mère, Alvina Anderson, est d’origine norvégienne tandis que son père a de lointaines racines écossaises ; mais les parents biologiques du petit Virgil sont pauvres, un peu perdus et ne peuvent pas assumer l’éducation de leur fils. Iva et George Exner, d’ascendance allemande, vont s’en charger : ils adoptent à deux ans le petit Virgil William Henderson qui devient Virgil Max Exner le 31 mars 1911.

Avec ses parents adoptifs, Virgil va vivre à Buchanan, près de South Bend, patrie de Studebaker. Une fois encore, le destin suit les routes de l’industrie automobile américaine. Comme tous les gamins, Virgil va à l’Auto Show de sa ville, il assiste aux 500 Miles d’Indianapolis et il dessine des voitures dans la marge de ses cahiers. À la rentrée de 1926, Virgil Exner s’inscrit au Collège des arts et lettres à l’université catholique Notre-Dame, mais il n’y passe que deux années. Il quitte les études sans diplôme. À dix-neuf ans, il a envie d’une vie active. Il est employé par Advertising Artists, Inc., une agence de publicité pour laquelle il réalise des pochettes de disque et des illustrations pour les catalogues Studebaker. En 1933, Virgil Exner apprend que Harley Earl, patron du studio Art & Color de General Motors, veut étoffer son équipe. Exner rencontre Earl qui l’engage sur le champ. Il est d’abord affecté au studio Pontiac, alors dirigé par Frank Hershey, pour en prendre la direction deux ans plus tard et superviser ainsi le design des modèles 1938.

Pontiac 1938.
Pontiac 1938.

La vie de Virgil Exner connaît un nouveau rebondissement quand elle croise celle de Raymond Loewy dont le nom resplendit alors au firmament du design américain. Raymond Loewy engage Virgil Exner en 1938 pour lui confier les activités liées à Studebaker. Pour plus de commodités, Loewy Associates ouvre un studio à proximité de l’usine Studebaker, en 1941. Exner en prend les commandes.

Bientôt, les relations entre Virgil Exner et Raymond Loewy se détériorent. Ce dernier provoque les rivalités, attise les compétitions. Exner décide finalement de quitter l’ambiance délétère de Loewy Associates.

Peu après son départ, en août 1949, Exner rencontre Kaufman T. Keller, vice-président de Chrysler Corporation, qui lui confie d’emblée la direction d’une nouvelle entité : un studio de style avancé. Chez Chrysler, l’art de Virgil Exner va s’épanouir. Sa première création est prête pour l’Auto Show de Detroit qui se tient en février 1951. Cette Chrysler K 310 est le point de départ d’une longue collaboration entre Chrysler et Ghia.

Plymouth Fury
Plymouth Fury

À l’automne 1952, Tex Colbert, le président de Chrysler, propose à Virgil Exner de reprendre à sa charge le dessin des modèles millésimés 1955, sachant qu’il ne dispose que de dix-huit mois pour s’exécuter. Défi relevé : les modèles 1955 sont encensés par la critique. En octobre 1953, Virgil Exner est nommé « Director of Styling ». Il saura convaincre l’ingénierie d’abaisser sensiblement la ligne des modèles 1957. Parmi elles, il y a la Plymouth Fury, alias Christine pour Stephen King. Mais en juillet 1956, alors que se prépare le lancement de cette gamme magnifique, Exner est victime d’une attaque cardiaque. Le voici frappé au sommet de sa gloire, éloigné de la direction des studios.

Studio Exner
Studio Exner

En novembre 1961, il est évincé tout en restant consultant pour Chrysler jusqu’en 1964. Virgil Exner s’éloigne alors de l’industrie automobile. Il crée le studio Exner Incorporated à Birmingham, dans le Michigan, avec son fils Virgil Exner Junior. Dans le numéro de décembre 1963 de la revue Esquire, Virgil Exner annonce son retour en automobile. Il publie quatre dessins qui proposent la résurrection de quatre marques américaines : Mercer, Duesenberg, Stutz et Packard. Ce sont des évocations, des créations ultra modernes qui interprètent des motifs du passé. La Stutz Blackhawk connaîtra une destinée durable. Dévoilé en janvier 1970, le coupé sera produit en petite série en Italie pendant de longues années puis décliné en cabriolet, berline et même limousine.

Mais Virgil Exner ne connaîtra pas ces développements. Il s’éteint deux jours avant de fêter noël, en décembre 1973.

SPONSORISE

Toute l'actualité

Essais et comparatifs

Commentaires ()

Déposer un commentaire

Abonnez-vous à la newsletter de Caradisiac

Recevez toute l’actualité automobile

L’adresse email, renseignée dans ce formulaire, est traitée par GROUPE LA CENTRALE en qualité de responsable de traitement.

Cette donnée est utilisée pour vous adresser des informations sur nos offres, actualités et évènements (newsletters, alertes, invitations et autres publications).

Si vous l’avez accepté, cette donnée sera transmise à nos partenaires, en tant que responsables de traitement, pour vous permettre de recevoir leur communication par voie électronique.

Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement de ces données, d’un droit de limitation du traitement, d’un droit d’opposition, du droit à la portabilité de vos données et du droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle (en France, la CNIL). Vous pouvez également retirer à tout moment votre consentement au traitement de vos données. Pour en savoir plus sur le traitement de vos données : www.caradisiac.com/general/confidentialite/