E85 : la Cour des comptes s'interroge sur son avantage fiscal
Florent Ferrière , mis à jour
La Cour des comptes recommande de fonder la baisse de la TICPE "sur des données fiables et objectives de surcoûts", ce qui ne serait pas vraiment le cas avec l'E85.
En 2021, les prix des carburants ont flambé, avec une progression de quasiment 20 % pour le sans-plomb 95 E10 et le gazole. Mais il existe des alternatives pour faire fondre son budget carburant, à commencer par l'E85. En moyenne, il coûte 0,70 € le litre. L'E10 est à 1,58 € !
Si l'E85 est bien moins cher, c'est parce qu'il profite d'un sacré avantage fiscal : la TICPE, la principale taxe sur les carburants, est bien moins élevée : 11,83 € par hectolitre, contre 66,29 € pour l'E10 et 68,29 € pour le 95 classique. À cela s'ajoute une TVA moins élevée, puisqu'il y a (magie de la France) une TVA sur la TICPE. Il faut toutefois préciser que l'E85 entraîne une hausse des consommations, l'automobiliste passe donc plus souvent à la pompe.
Dans un rapport consacré aux biocarburants publié fin décembre, la Cour des comptes s'interroge toutefois sur ce traitement fiscal avantageux. Elle rappelle que la réglementation européenne permet bien une baisse de la fiscalité "pour tenir compte des surcoûts de production entraînés par l’incorporation d’énergie renouvelable sous la forme de biocarburants". Mais la Cour semble avoir des doutes sur la proportionnalité entre la baisse de la TICPE et la hausse des coûts de production.
Le problème est que l'écart du coût de production entre carburants fossiles et biocarburants est très difficile à connaître, car il y a beaucoup de secrets industriels. La Cour indique que l’administration "n’a pas non plus été en mesure de fournir des éléments d’appréciation sur les conditions dans lesquelles les tarifs réduits de TICPE ont été déterminés en faveur des biocarburants", ce qu'elle juge "plus critiquable" car ce sont des données qui auraient pu permettre au Parlement "de se prononcer sur les écarts de tarifs de la TICPE à partir de critères de décision rationnels".
La Cour s'est alors penchée sur les prix d'échange des carburants pour y estimer un éventuel écart de prix de production, avant les taxes. Par exemple, en 2018, le SP95 classique et le SP 95 E10 étaient vendus au même prix brut, 0,55 € HT. Mais il y avait un petit écart à la pompe, les TICPE n'étant pas les mêmes. Pour la Cour c'est donc "une mesure incitative financée par l’État au bénéfice du consommateur et non une mesure de compensation du surcoût de production de l’éthanol".
La Cour souligne même que l'éthanol coûtait environ 0,50 € HT. Elle ne voit donc pas de surcoût par rapport au SP 95 et l'aide énorme à l'E85 serait injustifiée ! D'où sa recommandation de mieux tenir compte de ces surcoûts de production pour accorder les avantages fiscaux afin de rester en règle avec le droit européen.
Le gouvernement a réagi au rapport. Dans sa réponse, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie souligne que les industriels ne communiquent pas sur les coûts de production et réaffirme son soutien à l'E85, "alternative économique et écologique". Mais il rappelle que des discussions sont actuellement menées à l'échelle européenne pour mieux taxer les produits au regard de leurs performances énergétiques réelles et indépendamment des surcoûts de production.
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