Elles ont tout changé, sauf leur nom - Citroën Ami : de berline moyenne à urbaine sans permis
En 1961, la première Ami était le chaînon manquant de Citroën : un modèle situé entre le maximum (DS) et le minimum (2 CV). 59 ans plus tard, elle réapparaît sous une forme totalement différente : elle est devenue toute petite, tout électrique et se conduit sans permis. Pour les Chevrons, le chaînon manquant d'une gamme devient le nouvel élément de la mobilité en ville.
Quel rapport entre une auto électrique sans permis d'aujourd'hui et une curieuse berline des années soixante ? Tout les sépare et deux éléments seulement les rapprochent : un nom et une marque commune. C'est peu. Mais en les scrutant de plus près, on peut y distinguer quelques autres points communs qui ont leur place dans l'histoire de Citroën et dans la gamme du constructeur.
Ami : un nom, deux modèles
Un Z qui veut dire... Bertoni
Nous sommes en 1956, et au quai de Javel, siège de Citroën à Paris, on a comme un problème. La DS est sortie il y a un an à peine, et malgré ses soucis mécaniques, elle apparaît comme le fleuron du haut de gamme à la française. Sauf que dans la gamme des Chevrons, il n'y a qu'elle et la très fameuse 2 CV. Un haut de gamme, une voiture populaire et entre les deux, le désert. Au moment même ou émerge en France la classe moyenne, voilà qui est fâcheux. Alors la décision est prise : il faut une auto de moyenne gamme, le chaînon manquant entre les deux stars maison. C'est le pape du design qui évidemment s'y colle : Flaminio Bertoni en personne. Et pour sa dernière création avant de quitter Citroën, l'Italien, qui était aussi sculpteur, réalise une auto radicale, surtout dans son profil arrière.
Ce Z qui donnait une forme très aérodynamique à l'ensemble avait aussi deux avantages : celui de dégager de la place pour le coffre et de protéger la lunette arrière de la pluie. En revanche la protection des passagers en cas de tonneau n'était pas des plus rassurantes. Peu importe, de toutes les autos dessinées par Bertoni, cette Ami restera sa préférée, jusqu'à sa mort en 1964. À ce profil atypique, répond une face avant qui ne l'est pas moins, avec son capot plongeant et ses deux optiques presque rectangulaires, une habitude aujourd'hui, une révolution dans ces années-là. Mais si le dessin de l'Ami 6 était audacieux, la partie mécanique de l'auto l'était beaucoup moins.
Une 2 CV version XL
C'est que, sous les galbes voulus par l'artiste se cache une plateforme bien connue : celle de la 2 CV. Ses suspensions sont identiques et son moteur bicylindre aussi. Simplement, ce dernier est porté à 603 cm3 et 22 ch. C'est peu, mais suffisant pour que l'Ami et ses 640 kg atteignent les 100 km/h.
L'auto est donc lancée en 1961, mais chez Citroën on sent que les clients sont réticents. Passé le premier engouement, les ventes s'effondrent. Qu'est ce qui coince ? Tout le monde loue le confort de la berline et personne ne trouve rien à redire à ses performances, même modestes. En fait, le Z ne passe pas et pour la première fois, le grand Bertoni est désavoué.
Pour rattraper le coup, Citroën lance une Ami 6 break en 1964 qui permet de faire disparaître la lunette arrière. Le défaut était bien identifié. Le break représente rapidement deux tiers des ventes de l'Ami et deux ans plus tard, elle devient la voiture la plus écoulée en France. La suite des aventures de l'Ami 6 sera plus discrète, en raison d'une erreur de stratégie, puisque l'Ami 8 qui lui succède en reprenant la même base technique sera commercialisée en 1969, soit un an seulement avant la GS et sa révolution mécanique et stylistique. La lignée des Ami disparaîtra discrètement du catalogue en 1974, pour renaître 46 ans plus tard, sous une forme plutôt différente.
Vers la fin des années 2010, un problème se pose chez Citroën. Il n'est pas du même ordre que celui qui tracassait la direction des chevrons en 1956, mais il est d'importance. De nombreuses marques disposent de petits véhicules électriques urbains, utilisables en autopartage ou en propriété. Mais chez le constructeur, on traîne depuis près de 10 ans une C-Zéro née d'une coopération entre PSA et Mitsubishi. L'engin accuse son âge et il faut le remplacer. La décision est prise, et elle sera aussi audacieuse que celle de 1956 et son Z controversé.
On est en 2019, et le concept-car dessiné par Pierre Icard et présenté au salon de Genève est une première : il est parfaitement symétrique. Les faces avant et arrière sont identiques et les portières de droite comme de gauche sont absolument semblables, jusqu'aux poignées, ce qui implique qu'elles soient antagonistes l'une par rapport à l'autre.
Retards de livraison : le retour de la malédiction Ami
Un an plus tard, l'auto n'est pas baptisée Ami One comme le concept, ni Ami 9 pour poursuivre la saga, mais Ami tout court, c'est plus sobre. Elle est commercialisée tout début 2020 au prix canon de 6 900 euros. Sauf que, si l'étonnant Z a détourné les premiers clients de l'Ami 6, celle qui lui succède aujourd'hui souffre d'un autre mal : les délais de livraison. Certains clients, qui ont passé commande au mois de mai viennent à peine d'être livrés. 7 mois de délai, c'est long. En cause, des retards liés au Covid qui ont impliqué des arrêts de production de l'usine PSA de Kenitra au Maroc. D'autres usines du groupe étaient bien évidemment à l'arrêt. Mais dans ces unités, les stocks de voitures déjà fabriqués étaient suffisants pour servir les clients. Mais pas à Kenitra. Ces retards pourraient bien faire fuir les amateurs de voitures pas chères, alors que la plupart des concurrentes sont disponibles. Si c'est le cas, la malédiction Ami s'abattrait une nouvelle fois sur Citroën. La première était privée de clients à cause de son design, la seconde pourrait en être privée à cause de la pandémie.
De l'Ami à l'Ami : une saga de 59 ans avec quatre modèles seulement
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