Elles ont tout changé sauf leur nom - Renault 25 : de la grande berline à succès à la F1 du triomphe
L'une affiche entre 103 et 205 ch, l'autre 930. La première abrite 5 personnes, la dernière une seule. Pourtant, elles ont le même nom et le même constructeur. Mais, malgré leurs énormes différences, les deux R25 du losange ont un point commun que toutes les Renault n’ont pas eu : du succès.
L'une est née en 1984, l'autre en 2005. L'une a séduit plus de 780 000 clients, l'autre le monde entier. Ces deux autos ont marqué la maison Renault car, à leur manière très différente, elles ont inauguré, et achevé, deux décennies de baraka après laquelle l'ex-régie rêve encore aujourd'hui. R25, une lettre et deux chiffres fétiches ? Forcément, et quand la monoplace de Formule 1 mythique, aujourd'hui âgée de quinze ans a foulé une fois encore la piste d'Abou Dhabi aux mains de Fernando Alonso, il y a quelques jours, il y avait, dans le baquet, aux côtés du pilote devenu champion du monde grâce à elle, une petite place pour la nostalgie. De la même manière, lorsque les anciens du losange croisent au hasard des rues, une R25 V6 Baccara, ils se souviennent d'un temps ou la grande berline faisait les beaux jours de la cour de l'Élysée, et les bons comptes du constructeur.
R25 et R25 : deux sigles identiques totalement par hasard
Elle aurait pu s'appeler R40, si le nom n'avait été celui d'un projet avorté dans les années soixante-dix. Alors va pour R25. Dans ce début des années quatre-vingt, la nouvelle grande berline doit remplacer à la fois la R20 et la R30, alors la poire fut coupée en deux. Du côté de la F1 de 2005, qui fut championne du mode cette année-là, aucune réflexion marketing n'a été menée pour lui attribuer ce nom. La réalité est plus simple et beaucoup plus pragmatique. Le millésime 2004 de la monoplace s'appelait tout bêtement R24, et celle de la saison 2006 R26. Alors va pour R25 sans que Flavio Briatore, le team manager du moment, ne songe un seul instant à la version civile de l'engin. Pas plus qu'Audi quelques années plus tard, se soucie de la petite R8 au moment de baptiser sa supercar du même nom.
Une berline fruit du talent et d'un coup de chance
Au début des années quatre-vingt, la décision est prise à Billancourt : il faut lancer une grande berline. C'est le moment ou jamais : Avec ses 604 et 505, Peugeot est resté scotché à un design des années soixante-dix. De son côté, l'avant-gardiste Citroën se traîne une CX depuis 1974. Il faut du neuf qui fleure bon les années quatre-vingt. Pour y parvenir, tout est question de design. Alors Renault fait appel à la dream team du moment : Robert Opron et Gaston Juchet pour le style extérieur et l'italien Marcello Gandini pour l'intérieur. l'auto est présentée en 1983 et commercialisée un an plus tard, presque en même temps que l'Espace, le monospace qui tuera les berlines. Mais c'est une autre histoire qui se déroulera dix ans plus tard. pour l'heure, l'Espace a du mal à convaincre, la R25 aussi. À Sandouville, ou cette dernière est assemblée, les grèves se succèdent et les finitions, comme la fiabilité, s'en ressentent. Mais les négociations syndicales sont une spécialité maison et rapidement, les choses rentrent dans l'ordre et la R25 cartonne pendant les cinq années suivantes.
Car la 25 est un fusil à deux coups. À la fois voiture française haut de gamme dont les seules concurrentes sont les déjà traditionnelles berlines allemandes, elle est aussi la familiale par excellence avant l'arrivée des monospaces et, plus tard, des SUV. Son secret ? Elle propose aux classes moyennes des moteurs diesels (un carburant en plein essor) peu puissants mais pas trop chers. Elle dispose aussi d'un hayon au lieu d'un coffre traditionnel. À l’inverse, pour séduire aussi une clientèle plus huppée, elle sera vite équipée d'un V6. Et pour ces happy fews qui n'aiment pas les hayons, bien trop "peuple", elle dispose d'un dessin qui la fait ressembler à une berline tri corps.
La dernière grande berline française à succès
Ce double coup de génie va porter ses fruits : pendant ses huit années d'existence, et deux phases, plus de 780 000 R25 seront vendues. C'est un triomphe que Renault ne reproduira jamais avec les grandes autos qui vont lui succéder : VelSatis, Latitude ou Talisman. celle qui lui succède directement, en 1992, n'est autre que la Safrane qui, en reprenant les mêmes proportions en les adoucissant, ne connaîtra pas le même succès. La faute à un ennemi de l'intérieur : l'Espace qui, avec sa seconde génération, écrase tout sur son passage.
Quelques années plus tard, en 2004, la saison de F1 bat son plein. Même si, depuis Imola et la mort de Senna en 1994, la magie n'est plus la même, les spectateurs, et les téléspectateurs, se pressent encore tous les quinze jours sur les circuits du monde entier ou derrière leur télé. Renault joue le titre, mais il le sait trop difficile à atteindre. Ferrari et Mc Laren lui dament le pion et le drapeau à damier n'est pas pour lui cette année-là. Devra-t-il sempiternellement se contenter des seconds rôles ? C'est là qu'intervient, comme pour la R25 de série, le facteur chance. En l'occurrence une décision de la FIA.
Un moteur fiable et la victoire devient vraisemblable
La fédération annonce que pour l'année suivante, les moteurs devront être conservés durant deux grands prix au lieu d'un seul. Ils doivent tenir le coup pendant 1 500 km. Autant dire qu'il faut concevoir une motorisation de voiture d'endurance pour le petit monde de la F1, habituée à user un moteur par course. Du coup, tout le monde est prudent et réduit la puissance des machines. Pas Renault. les ingénieurs de Renault Sport font l'inverse. La nouvelle auto qu'ils préparent pour la saison suivante augmente la puissance du V10, modifié à 98%. Selon la légende des paddocks, elle aurait atteint 930ch. Bingo. L'ensemble s'avère ultra-fiable. L'aérodynamique, le travail sur les suspensions et la gestion électronique du tout, font le reste. À la fin de la saison, on compte les points : 7 victoires, 8 podiums et autant de pole positions. Fernando Alonso est sacré champion du monde des pilotes et Renault remporte le titre pour les constructeurs. Ce doublé est une première mondiale puisque jamais une marque généraliste ne l'aura réalisé. Du coup, lorsqu'Alonso a repris le volant de la R25 lors du Grand Prix des Émirats le 11 décembre dernier, c'est non seulement le passage de relais à Alpine qu’il a voulu marquer, puisque la marque de Dieppe deviendra l'écurie du losange l'an prochain, mais c'est aussi un hommage au passé que le pilote a tenu à rendre. Un hommage aux belles années de Renault, entamées avec une R25, et achevée avec une autre R25.
1984 - 2005 : 4 R25, dont une Formule 1
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