Entre ses mauvais résultats et le licenciement de ses patrons, Aston Martin ne tourne pas rond
Le team manager de l'écurie de Formule 1 ? Licencié. le P.-D.G. de la marque ? Licencié aussi. À Gaydon, siège d'Aston Martin, l'année ne démarre pas sur les chapeaux de roues, mais dans une ambiance de fin de règne liée à des ventes en berne et à de mauvais choix stratégiques.
Les agonies les plus lentes sont aussi les plus douloureuses. Celle d'Aston Martin dure depuis tellement longtemps qu'elle est devenue un cas d'école pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui pensent qu'une belle image de marque suffit à mettre une entreprise à l'abri. Un abri dont Aston a perdu l'adresse depuis le siècle dernier, ballotté entre des actionnaires douteux, aux choix stratégiques discutable.
Le PDG, trop autoritaire, est débarqué
Dernier épisode en date dans cette descente vers l'enfer : le départ de Tobias Moers, le PDG actuel, débauché à grands frais, en 2020; du poste similaire qu'il occupait chez AMG. Que lui reproche-t-on ? Ou plutôt que lui reprochent les actionnaires ? D'être trop autoritaire, et d'être à l'origine du départ de plusieurs cadres dirigeants du siège anglais de Gaydon. Fort bien. Pourtant, combien de patrons à poigne sévissent dans le petit monde de l'automobile qui, de surcroît, ont fait le ménage autour d'eux, tout en continuant à rester confortablement installés dans leur fauteuil, tout simplement parce que leur boîte tourne rond et que les actionnaires se satisfont parfaitement de la situation ? Carlos Ghosn a gouverné ainsi pendant 15 ans sans que ni la bourse ni les conseils d'administration de Renault et de Nissan n'y aient trouvé à redire.
Et si la déconfiture actuelle de la marque anglaise, du mauvais démarrage du DBX, le SUV censé éviter son naufrage, aux retards de la Rapid E, la première électrique de Gaydon attendue depuis des années, n'était pas due aux erreurs de ses PDG récents ? Si Tobias Moers, ou même Andy Palmer qui l'a précédé et qui a lui aussi été éjecté de son poste n'étaient pas les véritables responsables de la déconfiture anglaise ?
Qui a décidé de faire revenir Aston en Formule 1, gouffre financier s'il en est, sauf pour quelques écuries de pointe ? C'est Lawrence Stroll, milliardaire canadien de son état, devenu actionnaire de référence d'Aston Martin, et justement propriétaire d'une écurie de F1, Racing Point, rebaptisé Aston Martin Racing il y a deux ans. Mais n'est pas Mercedes ou Red Bull qui veut, et pour assurer quelques subsides à sa danseuse, le boss canadien est allé puiser dans les caisses d'Aston pour continuer à jouer des coudes dans la discipline reine. Même s'il a quelques compétences dans le domaine et qu'on lui doit le rachat de l'écurie Force India qu'il a redressé.
"La Formule 1 est un excellent vecteur de communication et ce choix est judicieux" ont prétendu alors certains observateurs. "D'ailleurs les rivaux de la marque de luxe anglaise y sont aussi, comme Ferrari ou McLaren." Si pour le premier, il lui est impensable de se passer de sa Scuderia, le second connaît des difficultés financières qui posent aussi des questions sur son engagement. Et puis, l'un comme l'autre, ont un ADN purement sportif, alors qu'Aston trimbale plutôt une image de grand tourisme dynamique que Stroll n'a jamais voulu creuser, dévoré par sa passion de la course auto.
Résultat : en perdant du temps et de l'argent sur les circuits, avec une septième place au classement constructeurs en 2021, Aston s'est encore un peu plus affaibli, alors que ses capacités de financement étaient déjà au plus bas au moment de la prise de cette décision en 2020. En entrant au capital de la maison de Gaydon, Stroll y a injecté 500 millions de dollars. Ils sont partis dans la fumée laissée par les pneus de l'AMR21 sur les pistes de F1. D'ailleurs ses résultats ne doivent pas être ceux espérés par le milliardaire qui vient de licencier son team manager, Otmar Szafnauer, à la tête de l'écurie depuis 12 ans.
Le gouffre financier de la F1 a empêché l'usine de Gaydon de développer ses propres moteurs, faute de moyens. Et aujourd'hui, les DB11 ont la réputation d'embarquer des mécaniques vieillissantes, et qui, en plus, n'ont d'Aston que le capot qui les cache. Car ce sont des blocs AMG et les boites sont d'origine Mercedes. Du coup, les quelque 200 000 euros exigés pour un modèle de DB11 de base ont de quoi faire tiquer les quelques chanceux en mesure de les dépenser. Ils hésitent encore plus à investir 195 000 euros pour s'offrir le DBX, le premier SUV de la marque qui peine à se vendre, alors que l'Urus, plus cher encore, du concurrent Lamborgini s'arrache.
Aston est donc dans l'impasse, perdu entre son écurie qui coûte un bras, ses autos de série qui ne se vendent pas et son manque de ressources qui l'empêchent de développer de nouvelles mécaniques à tout va. Évidemment, la marque reste pour toujours dans les souvenirs de tous les passionnés d'esthétique mécanique, mais qui peut dire l'avenir de nos souvenirs ?
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