2. Essai - Aprilia RSV4 1100 Factory : vous m’accorderez bien cette danse ?
Assez parlé d’elle, on a envie de la caresser avant de la bousculer un peu. Elles sont là, alignées dans les boxes, choyées par autant de mécanos que de motos. Il faut reconnaître que cette moto a de la gueule. Avec ce coloris noir mat elle fait penser à un prototype MotoGP d’intersaison avant que son carénage ne soit affublé de sponsors.
Le temps est idéal, je connais le tracé du Mugello par cœur pour y avoir joué des heures en jeu vidéo. Ma RSV4 du jour attend sagement, son train de Supercorsa neuf sous les couvertures chauffantes. on piaffe d’impatience. Ca y est, c’est l’heure. Le technicien lui ôte délicatement ses bas, la prochaine danse est pour nous. Il la sort du box et nous la présente sur la béquille que nous trouvons très, trop verticale. Un léger choc arrière et elle est par terre. On grimpe sur la belle. Bon sang qu’elle est haute, on a évité de peu la chute en enlevant la béquille puis en cherchant désespérément le sol (1,77 m). Renversante !
Le V4 démarre et ronronne discrètement à bas régime, ATC sur 5, AWC sur 1, carto Track. On prend la voie des stands, le son est feutré. Les commissaires nous font signe de passer. On s’élance en seconde, le son change tout de suite plus rauque plus bestial ! On fait un tour à allure moyenne pour roder un peu les pneus et découvrir le circuit. Le Mugello est beaucoup plus vallonné qu'on pouvait le penser au départ. L’asphalte clair n’est pas bosselé. La moto semble docile et facile, la position de conduite est agréable et naturelle, presque confortable pour une sportive. Fin du premier tour, on augmente un peu le rythme, ligne droite on ouvre en grand ! Sacrée cavalerie ! La ligne droite du Mugello fait près de 1 200 m et offre les vitesses de pointes les plus démesurées du championnat du monde MotoGP (environ 360 km/h). Notre RSV4 est bien armée avec ses 217 ch. La moto prend ses tours dans un élan enthousiaste, on atteint 200 km/h en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, à fond de cinquième autour de 280 avant de passer la 6…
Le fameux freinage de San Donato au bout de la ligne droite fait un peu peur à tous les nouveaux venus. A cette vitesse, les repères de freinages sont difficiles à prendre tant le champ de vision se rétrécit. Pour un premier passage, on reste sage et on freine tôt. Le rétrogradage se fait sans embrayer grâce au shifter. La boîte est ferme mais se verrouille bien. Le feeling des freins est excellent, juste ce qu’il faut de mordant et une puissance impressionnante ! Ca promet.
Les pneus sont rodés, on accélère un peu le rythme. Chaque pif paf requiert d’être extrêmement précis à l’entrée du premier virage sinon la sanction est immédiate et c’est l’ensemble de l’enchaînement qui est ruiné. Mais le train avant de la RSV4 est extrêmement sécurisant et permet de se jeter dans le virage avec une grande précision et sans a priori. Sans surprise, la Factory a gardé l’extrême agilité qu’on lui connaît. Il suffit de regarder le point de corde où l’on veut se rendre pour qu’elle nous y emmène. Un régal !
L’entrée du flip flap gauche droite après San Donato passée, on plonge à la corde du droit qui suit et accélère, franchement d’abord puis à fond, pour s’extirper du virage. La cavalerie débarque et le couple phénoménal du moteur catapulte littéralement la moto sur la roue arrière. On passe le 3eme rapport en cramponnant le guidon tout en essayant de redresser la moto avant de planter les freins, rentrer une glinche et plonger à la corde du deuxième gauche droite un poil plus ouvert. La moto répond au doigt et à l’œil. La poignée full ride-by-wire offre une connexion parfaite avec le moteur. On n’est jamais pris en défaut, ce qu’on demande à la poignée, on l’obtient à la roue quasi instantanément. Il en résulte un plaisir de conduite instantané et paraissant accessible à tout motard un peu sportif malgré la puissance incroyable que délivre cette machine. Les feux passent au rouge, fin du premier round.
Mais… c’est un avion de chasse!
Deuxième session, on est réveillé, on a appris le circuit, il est temps de malmener un peu la demoiselle. On positionne l’électronique sur ATC : 4, AWC : 1 et carto Race. Le train de pneus a maintenant 30 minutes de roulage, on repart sur un bon rythme, le but étant de pousser un peu plus.
Fin du premier tour : le grand gauche en descente conditionne la ligne droite des stands. On vient chercher la corde en fin de virage et on reaccélère fort pour passer le plus rapidement possible la 3 qui nous écarte sur le vibreur du bas. Accélérateur à fond, on passe la 4 sur la peinture toujours à fond, le pneu arrière se tord de douleur, la moto se tortille de l’arrière mais tient le cap, le TC entre un peu en branle, ça guidonne un peu après la bosse. On passe la 5, en limande derrière la petite bulle qui offre une protection…disons « raisonnable » pour mon gabarit. 290, on passe la 6 avant la passerelle, tenir bon, les km/h augmentent doucement. On a envie de voir s’afficher 300…307! On se relève et empoigne le levier droit, on prend toujours un mini shoot d’adrénaline à ce moment-là. Les freins sont d’une puissance démoniaque. On a freiné un peu tard pour faire cette pointe. On sent que le freinage va être long. Ça freine déjà fort, on presse un peu plus le levier : nom de d… ! Le corps se contracte pour résister à cette décélération. On a l’impression que ces freins n’ont pas de limite. La sensation que la capacité physique du pilote à résister à cette décélération est en réalité la seule limite de ce système. D’autant plus que la moto est d’une stabilité impériale en phase de freinage.
On sort maintenant du troisième droite gauche en descente. On attaque Arrabbiata 1 sur le troisième rapport, on prend la corde, on sent qu’en mode race le frein moteur est moins présent. On se laisse dériver sur le vibreur extérieur, le circuit monte vers Arrabbiata 2, on réaccélère franchement. L’arrière gigote et l’ATC fait clignoter le tableau de bord qui ressemble à un sapin de Noël. Difficile de dire si c’est le fait de mieux connaître le circuit, de pousser plus fort ou si le pneu commence à perdre un peu en performance, en tout cas, on ne se sent pas en danger sur la moto, la RSV me permet d’accélérer très fort sur l’angle sans appréhension.
Après un long droit pour redescendre devant les tribunes centrales, on passe la 3 pour le dernier gauche-droite rapide, on passe le 4eme rapport en sortant de l’enchaînement, la moto cabre, l’accélération est phénoménale. 225 km/h on prend les freins et plonge dans le dernier gauche dénommé Bucine avant la ligne droite. La moto est stable et la position est correcte : une fois n’est pas coutume. On plonge vers la corde et s’aperçoit que l'on prend beaucoup d’angle. Les feux passent au rouge, il est temps de ramener la belle italienne à ses propriétaires. On aurait bien aimé fuguer avec elle, mais le bonheur d’avoir partagé ce moment intense m’a rapidement ramené à la raison. Merci pour cette danse mademoiselle !
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