2. Essai - Hypermotard 950 mod. 2019 : ducaractère !
Nous partons à peine de chez Ducati France que le grand boulevard encombré et parsemé de feux nous permet de prendre la mesure du moteur. Il a un petit côté rugueux à bas régime et il rabroue sans vergogne lorsque l'on ne s'applique pas suffisamment. L'accélérateur filtre un peu trop les réactions.
L’Hypermotard est par définition une moto exclusive. Sa hauteur de selle de 870 mm fait déjà le tri parmi celles et ceux pouvant se sentir à l’aise ou non sur son assise étroite… dans sa partie avant. Pour indications, les pieds d’un conducteur d’1,80 m auront tout juste de quoi sentir les orteils au sol. Rapidement, on préfère d'ailleurs ne plus poser qu’un 42 fillettes à plat et se décaler sommairement sur le côté. Pour autant, on est très à l’aise une fois le large guidon de section variable en mains. La texture et l’accueil de la selle, tout comme sa forme, constituent un véritable atout. Sans oublier les pontets suffisamment relevés.
Première accélération au feu. L’Hypermotard 950 surprend par sa bienveillance et par sa poignée d’accélérateur molle et rendue moins réactive afin de juguler les réactions trop vives. Un effet du ride by wire. Alors que nous nous attendions à nous faire chahuter et à décoller plus ou moins sommairement la roue avant, rien de tout cela ne se passe. L’accélération est jugulée, lissée. Pas un soubresaut ne dépasse. Tout juste quelques vibrations parviennent-elles dans le guidon et bien entendu dans le fessier. WTF* ? Nous auraient-ils refilé à l’essai la version A2 de l’Hypermotard 950 ? Non, nous sommes simplement en mode Touring sur ses réglages d’origine. Pas le plus expressif des modes, mais assurément le plus efficace. Douceur à tous les étages, avec juste ce qu'il faut de force. Pas de quoi impressionner, par contre. Clic sur le bouton de cligno. Clic sur la flèche du haut. Clic sur le cligno. Coupure de gaz : sport. Au feu suivant, la chanson change de rythme. Les percussions prennent le dessus. Yeah, ça, c’est de l’Hypermot’ ! Ça grogne façon ours mal léché en bas, ça rabroue et il faut forcer le geste, accompagner les évolutions lentes de l’embrayage assisté, bref, ça respire et en plus, ça sort un son comme on en entend rarement de nos jours. Ducati parvient encore à homologuer « ça » ?? Dingue. Tout simplement. Les échappements semblent branchés en direct sur les tympans. Et ça marche : ça fait du bien par où ça passe.
*WTF : Acronyme signifiant à peu de chose près "Diantre, mais que se passe-t-il donc".
Au feu suivant, nous rentrons dans le menu propre au mode Sport et désactivons l’anti patinage, ainsi que le contrôle de wheeling. Après tout, le moteur ne nous est pas apparu suffisamment démonstratif pour mettre en péril l’adhérence du jour, ni pour pointer en flèche vers le ciel sans avoir le temps de réagir. Mais bon, pourquoi pas ? Tout est là en tout cas pour faire comme si, et pour permettre ces fonctionnalités. De quoi rassurer au maximum, alors pourquoi s’en priver ? Peut-être parce que l’on roule sur des Pirelli Diablo Supercorsa 3. Et que rien que cela suffit à tenir et à battre copieusement le pavé. Ensuite, parce que l’Hypermotard distille sa puissance assez haut dans les tours sans pouvoir réellement surprendre un motard prudent et/ou expérimenté. Quoi que. Petit passage au-dessus des rétroviseurs des files ininterrompues de voitures, quart de tour de périphérique en 3 ou plus rarement en 4, histoire de pouvoir tenir le 70 km/h sans avoir l’impression de martyriser les soupapes ni faire tousser le moteur, et nous voici sur l’autoroute. De quoi rafraîchir le pied droit, tenu bien au chaud par la ligne d’échappement.
Rétrogradage en 1ère puis accélération maximale et exploitation totale des rapports. Après un petit lever de roue avant à mi-accélération, on accroche le 90, puis le 140 en 2nde et la 3ème flirte avec le 180… Il y a du répondant et de l’allonge ! Évidemment, l’italienne n’aime pas la monotonie, mais elle peut faire semblant un temps. Le 110 se tient relativement bien sur la 4 ou la 5, tandis que l’on compte les kilomètres avant la sortie salvatrice. Le tête de fourche ne dévie pas réellement le flux d’air, mais on est bien installé et peu importe le vent du moment qu'on a l'ivresse et les sensations. La selle est résolument ferme, tout en prenant soin des appuis du fessier. On n’irait pas jusqu’à Bordeaux de la sorte, mais ça passe. Et ça passe vite. Il prend ses tours et renforce régulièrement sa poussée mécanique et sonore, reléguant l’obligation de devoir s’appliquer au démarrage au rang de point anecdotique. On retrouve là le caractère des twins d’Hypermotards 1100 disparus, sans en avoir tout à fait encore le coffre, et pour cause. Cela dit, les renforcements réguliers de l’accélération et la franche poussée passés les 6 000 tr/min sont un régal.
La bretelle de sortie nous tend un pétale de son trèfle. Plein angle, on remarque deux choses. La stabilité apportée par les pneumatiques et le cadre, et aussi la fébrilité du train avant induite par une suspension avant nous apparaissant maintenant mal réglée pour le type de route fréquentée. Lors de cet essai, jamais cette fourche ne fut tout à fait sereine sur l’angle sur revêtement dégradé, piochant dans les bosses et reliefs du bitume. Fort heureusement, elle est réglable en tous sens et officie bien mieux une fois redressé. On pourra donc voir son comportement amélioré en jouant du tournevis et de la souplesse dans les bras. Pour l’heure, il faut composer avec un dodelinement induit aussi amusant au final que peu inquiétant, et s’en sortir en mettant une fois encore plein gaz dès que possible. Histoire de. Car si l’Hypermotard se contente du quotidien, elle en demande bien plus et la routine l’ennuie. Nous aussi.
La sortie de virage se fait du coup en délestant une fois encore l’avant à la faveur d’un petit relief, pas toujours nécessaire pour autant. Que c’est joueur, un Hypermotard 950, sans jamais se montrer inquiétant pour autant. Même en cas de remuage sommaire et intempestif, la géométrie bien étudiée ramène la moto dans l’axe choisi. On vise, on visse et le tour est joué. On en vient du coup à provoquer le mouvement, à chercher la petite bête pour que l'italienne s'exprime, du haut de son caractère trempé, au sens propre comme au sens figuré. Sous le déluge comme sur le sec, elle invite à se laisser surprendre volontairement afin de pimenter un trajet rendu monotone par tant de facilité et de légèreté. La confiance est là, à défaut d’un feeling total du train avant dans les ronds points attaqués... bon train. Même remarque au niveau du freinage, surprenant lui aussi de par les sensations retournées. Malgré deux éléments radiaux à l’avant, une certaine mollesse se fait sentir, tandis que l’ABS pourtant issu de chez Bosch, intervient de manière discrète dans le « dur » du levier. Il ne rend quoiqu’il arrive pas la mesure de la puissance souhaitée et pourtant imprimée au levier réglé en conséquence. Les éléments signés Brembo nous ont habitués à mieux. Tout comme Bosch. Un souci de rodage pour les plaquettes affichant dans les 1 200 km ? À ce titre, le frein arrière manque de discernement, déclenchant prématurément son ABS pourtant réglé sur le niveau 2, l’un des moins intrusifs. La pédale le fait ressentir. Ledit ABS est également actif sur l'angle, tout comme l'anti patinage. Une fois encore, malgré les conditions parfois exécrables, nous ne sommes jamais parvenus à les faire entrer en action. Du coup, la centrale Bosch claque un peu trop souvent lorsque l’on souhaite asseoir la moto en courbe, ou tout simplement ralentir sans faire appel au levier droit… Qu’à cela ne tienne, on réservera les freins aux situations d’urgence, et on gardera un peu de marge compte tenu du mordant modéré. Déjà, le frein moteur et sa chorale de grondements savent y faire pour ce qui est de ralentir et donner plaisir et sensations.
Au pied de l'arc-en-ciel se trouve un trésor ? Peut-être bien. En attendant, lorsque l'on vous dit que le temps fut humide, en voici la preuve...
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