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Fusion Honda - Nissan : quand Carlos Ghosn fâché, lui toujours parler ainsi

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

Il disperse façon puzzle. L’ex-patron de Renault Nissan crache sur ses ennemis, comme le lama de Tintin, dans l’interview qu’il a donné à l’agence Bloomberg. Sous couvert de livrer une analyse sur la fusion en vue entre Nissan et Honda, le franco-libano-brésilien n’en finit plus de régler ses comptes.

Fusion Honda - Nissan : quand Carlos Ghosn fâché, lui toujours parler ainsi
Carlos Ghosn, en visio depuis Beyrouth avec l'agence Bloomberg.

Nissan ? L'entreprise est à la rue depuis son départ. Honda ? La marque est aux ordres du ministère de l’économie japonais qui le pousse à fusionner. Le gouvernement français, actionnaire de Renault ? Il a toujours fait des courbettes aux Japonais. Voici, de manière succincte, la teneur de l’interview que Carlos Ghosn a accepté de donner à l’agence Bloomberg, en visio depuis son antre de Beyrouth qu'il ne peut pas quitter.

Sur le papier, l’idée du média économique amériin est évidemment excellente. Qui mieux que l’ex-boss de l’Alliance est bien placé pour analyser, avec du recul, la secousse japonaise du moment : la fusion prévisible entre Nissan et Honda ? Une probabilté devenue officielle. Mais ce recul, Ghosn ne l’a pas, toujours englué dans des rancœurs que sa réclusion dorée libanaise semble envenimer. 

Pour lui, le deal annoncé n’est qu’une tentative désespérée de la part de Nissan. Les synergies seraient difficiles à trouver entre les deux marques, hormis les achats communs, car les produits sont trop semblables. Le côté technologiquement avancé, et l’image plus premium, de Honda face à celle, beaucoup plus généraliste, de Nissan et Mistubisihi lui auraient donc échappé ? Une différenciation de segments qu'un groupe constitué peut assez facilement gérer, voir corriger si besoin.

Après moi le déluge

Pour Carlos Ghosn, le pauvre Honda n’aurait fait qu’obéir aux ordres du ministère de l’économie du Japon qui lui aurait enjoint de sauver le soldat Nissan. Ce dernier est dans un très sale état. Depuis quand ? Depuis cinq ans pardi. Tout de même pas depuis que Carlos Ghosn en a été évincé ? Pas loin. D’ailleurs la direction actuelle n’est vraiment pas à la hauteur, et surtout pas à la sienne : stratosphérique. « On mesure la qualité d’une équipe à ses résultats » nous explique celui qui rhabille pour l’hiver en direct de Beyrouth. 

Le gouvernement japonais, et Nissan, en prennent donc pour leur grade, mais qu’en est-il des Français, du côté de chez Renault comme à l’Élysée ? Eux aussi sont dans le camp du mal. Renault, sourcilleux de vendre ses parts dans Nissan à Foxconn, se coucherait devant l’État français, le même qui, depuis des années « se plie en quatre pour faire plaisir autorités japonaises ». Un vrai vassal en somme, qui, surtout, n'a pas soutenu l'ancien patron. Rappelons que le groupe taiwanais tente de négocier avec Luca de Meo, le rachat des 35,71 % des actions dont le losange dispose toujours, et dont il se débarrasserait bien. Ce qui ne ferait pas l'affaire des Japonais, sourcilleux de ne pas céder ses bijoux de famille à un étranger.

Pour l'ancien patron de l'Alliance, le gouvernement japonais aurait forcé la main de Honda.
Pour l'ancien patron de l'Alliance, le gouvernement japonais aurait forcé la main de Honda.

Pour Ghosn, c’est Honda qui va racheter les actions de Renault, toujours sous l'injonction de son gouvernement, et mener cahin-caha, la fusion à marche forcée. Une marche qui va réussir à sauver Nissan à court terme. Mais à court terme seulement, puisqu’à Beyrouth, dans le bureau de Carlos Ghosn, l’avenir semble de la même lumière que celle du Liban en général : sombre.

Un courroux intact

Évidemment, Carlos Ghosn n'est pas totalement aveuglé et son avis corrobore celui de nombreux observateurs, surtout en ce qui concerne la volonté japonaise de conserver la mainmise (logique) sur son industrie et le leadership de Honda dans cette opération.

Sauf que sa justesse cache mal son courroux. Six ans après son arrestation et son évasion rocambolesque, l’ex boss n’a toujours pas pardonné, et surtout pas digéré, tout ce qui lui est arrivé. C’est humain, qu’il soit innocent ou coupable. En revanche le fait d'utiliser une tribune économique pour dézinguer à tout rompre l’est moins. La rancœur est comme la vieillesse : un naufrage.

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