Jaguar Mk I (1955 – 1959), la mère des berlines de sport, dès 20 000 €
Allez, pour une fois, revenons aux glorieuses années 50 : la Jaguar Mk I y préfigure les familiales de sport dont les Allemands feront leurs choux gras jusqu'à nos jours. Ce jalon anglais de l’Histoire automobile se déniche à des tarifs abordables et, mieux, est éligible à bien des courses classiques.
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Jaguar Mk I est-elle collectionnable ?
En collection depuis fort longtemps, la Mk I est la mère de toutes les berlines Jaguar sportives. Première monocoque de la marque, elle ravive le concept de berline sportive en après-guerre, d’autant qu’elle est relativement abordable. Rencontrant le succès tant dans les concessions qu’en course, grâce à son puissant moteur 3,4 l, elle sera modifiée dès 1959, devenant Mk II. Puis, de celle-ci, on dérivera les 240-340, S-Type et 420 : on savait rentabiliser une plate-forme chez Jaguar. Reste que la Mk I originelle est peut-être la plus charmante de toutes, une sorte de mamy bad-ass frôlant les 200 km/h sans avoir l’air d’y toucher !
La Jaguar XK120 a été un coup magistral… et involontaire. Ce roadster initialement pensé comme un concept car pour mettre en valeur le révolutionnaire moteur double arbre XK en 1948 a été mis en production alors que ce n’était pas prévu. Et a connu un grand succès ! Son bloc, le constructeur de Coventry va le mettre à toutes les sauces, y compris dans des modèles de très grande série. Ce qui inclut une familiale relativement abordable, vouée à être fabriquée à des volumes inédits pour la marque au félin.
Cette familiale, dont les études débutent en 1952, sera aussi la première Jaguar à structure monocoque. Appelée en interne Utah, elle bénéficie d’une variante réduite du XK, qui finit par remplacer tous les moteurs Standard que Jaguar continuait à utiliser. On a même imaginé une variante à 2,0 l 4-cylindres de ce fabuleux 6-en-ligne, pour s’assurer de gros chiffres de production.
Mais, finalement, on a jugé que ce 2,0 l manquait du punch séant à une Jaguar, et décidé qu’un 6-cylindres 2,5 l serait un minimum. Cette évolution devrait aussi permettre d’atteindre les 10 000 unités annuelles, indispensables pour assurer une bonne rentabilité à la Pressed Steel Company, le sous-traitant qui fournit à la firme de William Lyons ses carrosseries et, désormais, la coque de l’Utah.
Celle-ci cause bien des tracas aux ingénieurs qui ne connaissent pas ce type de conception, et ils doivent redoubler d’efforts pour obtenir un bon ratio légèreté/rigidité. L’élimination des vibrations sera, elle aussi, complexe.
Toujours est-il qu’ils s’en sortent rapidement, tandis que Lyons dessine une carrosserie très agréable, évoquant à bien des égards la XK120. La voiture sort en octobre 1955 à Earl’s Court, le salon de Londres, sous la dénomination Jaguar 2.4 Litre (malgré ses 2 483 cm3). Techniquement, elle est bien dans le ton de l’époque : propulsion, essieu arrière rigide, boîte 4 Moss à 1ere non synchronisée, train avant à double triangulation, 4 freins à tambours.
Nantie de 112 ch, la 2.4 Litre dépasse les 160 km/h, ce qui est alors une vitesse très appréciable pour une berline. Des préparations d’usine, les SE (Special Equipment), portant la puissance à 120, 130 et 150 ch sont proposées. La Jaguar se positionne ainsi très favorablement face à l'autre berline anglaise premium présentée en 1955 : la Rover P5.
Toutefois, le bloc qui fait rêver tout le monde, le 3,4 l de la XK120, arrive en 1957. Fort de 210 ch SAE, il permet à la berline 3.4 Litre de frôler les 200 km/h, tout en accrochant les 100 km/h en moins de 10 s. Des performances exceptionnelles, d’ailleurs la XK140 est distancée. Jaguar vient d’inventer la berline de sport ! Pour installer le gros XK dans la voiture, il a fallu en repenser le système de refroidissement (et installer une calandre plus grande, qui se retrouvera sur la 2.4), la suspension avant et les freins, désormais à disques… mais en option.
La réaction de la presse est dithyrambique, sauf pour le freinage, ce qui provoque des discussions orageuses avec l’usine… qui décide finalement d’installer en fin d'année les disques en série sur la 3.4, en option sur la 2.4. Les deux peuvent recevoir une boîte automatique, puis en 1958, Jaguar propose de « rétrofitter » des disques sur la 2.4. Début 1959, ils seront de série, et en juin 1959, la berline est remplacée par la Mk II, adoptant alors, de façon informelle, le surnom de Mk I. 19 992 2.4 et 17 405 3.4 seront produites : le contrat est pratiquement rempli !
Combien ça coûte ?
Les Mk1 ne courent pas les rues. En bon état, comptez 20 000 € pour une 2.4 et 30 000 € pour une 3.4. En excellent état, ce sera plutôt 25 000 € pour une 2.4 et 35 000 € pour une 3.4. Des montants pouvant nettement varier selon la condition de la voiture, son historique, sa configuration… Vous pouvez aussi en trouver en Angleterre, avec cet avantage d'un choix large et de taxes très réduites à l’import grâce à l'âge de la voiture. Mais il faudra vous satisfaire d’une conduite à droite.
Quelle version choisir ?
Evidemment, la 3.4 est la plus désirable, mais elle est chère. Une 2.4 SE peut constituer une bonne alternative, surtout en 150 ch. A condition de la trouver. Les versions manuelles avec overdrive sont plus plaisantes et recherchées.
Les versions collector
Toutes, surtout si elles sont en belle condition. Un exemplaire en excellent état d’origine et non restaurée sera un must, mais le prix s’en ressentira vu l’extrême rareté.
Que surveiller ?
Le gros point faible, c’est la corrosion. Examinez en premier le support de cric arrière, les attaches de l’essieu arrière, les bas de caisse, les bas de portière et les tours de phares. Passez la main sur la tôle du masque avant pour vous assurer qu’il n’y ait pas de « choucroute ». Enfin, un examen attentif des jeux de carrosserie, des planchers et des passages de roue peut s'avérer révélateur.
Bien conçu et robuste, le moteur XK peut tenir 150 000 km avant une réfection s’il a été bien entretenu… Ceci suppose des vidanges régulières (tous les 5 000 km) mais aussi un réglage fréquent du jeu aux soupapes et une surveillance des tendeurs de chaîne de distribution : s’ils claquent, il faudra les changer. Le joint arrière du vilebrequin, pas très résistant, engendre une fuite d’huile sans gravité si on fait attention au niveau. La boîte Moss est solide (avec des vidanges tous les 30 000 km) mais attention, s’il faut la refaire, certains de ses composants sont introuvables.
Le véritable défaut ne provient pas du moteur lui-même mais de son circuit de refroidissement, manquant d’efficacité. Le montage d’un second ventilateur est recommandé. De leur côté, les très classiques trains roulants ne souffrent pas de points faibles particuliers. On surveillera l’état des rotules, des silentblocs et les jeux divers, comme sur toute voiture ancienne. Attention, la suspension, spécifique, n’est pas interchangeable avec celle de la Mk II. Mais on peut l’améliorer.
Quant à l'habitacle, si sa qualité initiale n'est pas à remettre en question, sa réfection, surtout les boiseries et les cuirs, coûte fort cher. Achetez donc une auto dans le meilleur état possible, dont la probable restauration aura été bien documentée.
Sur la route
J’ai pu prendre le volant d’une très belle MK1 2.4 de 1956, arborant une patine des plus séduisantes. Etonnamment, on trouve une bonne position de conduite, alors que le siège se révèle confortable. Evidemment, avec les compteurs centraux, charmants au demeurant, l’ergonomie est… amusante. Et la visibilité demeure limitée, point qui sera corrigé sur la Mk II. L’habitacle, tendu de cuir et garni de bois est un écrin magnifique !
Surprise, le volant n’est pas trop lourd en manœuvres, et la boîte Moss pas aussi rétive que je ne l’avais redouté. Si on décompose bien les mouvements, elle serait presque plaisante ! En réalité, cette Jaguar étonne par sa douceur de conduite, sa suspension filtrant très correctement les inégalités. Le moteur ? Ce n’est évidemment pas un foudre de guerre, mais il est souple et fait preuve d'une bonne volonté étonnante tout en régalant les oreilles de sa jolie mélodie.
On tombe littéralement sous le charme de cette vieille anglaise sérieusement conçue, qui, en dépit d'un train avant peu précis, tient sainement la route grâce à son bon équilibre dynamique et freine correctement… pour une voiture des années 50. La monture idéale pour des virées savoureuses en famille ou avec des amis, si on accepte une consommation de l’ordre de 14 l/100 km…
L’alternative youngtimer
Jaguar S-Type (1999 – 2007)
Marquant le retour de Jaguar vers des berlines non prestigieuse, la S-Type reprend l’appellation de son ancêtre de 1963, elle-même une évolution de la Mk I. Le design, délibérément néo-rétro, ramène aussi à cette époque, mais pas le tableau de bord au dessin américanisant. La S-Type new look repose sur une plate-forme ultramoderne, partagée avec Ford, alors propriétaire de Jaguar, équipée de suspensions dernier-cri.
Sous le capot, le V6 3,0 l donne 243 ch et le V8 4,0 l 286 ch : les performances sont excellentes. Un 2,5 l de 197 ch et un V6 diesel PSA-Ford de 204 ch arrivent par la suite. Si en 2002, la S-Type reçoit un nouveau tableau de bord, c’est surtout la version R, apparue cette année-là, qui marque les esprits avec son V8 à compresseur développant 406 ch ! Sport is back ! En 2004, la poupe est redessinée, et la Jag’ termine sa carrière fin 2007. A partir de 11 000 € en R.
Jaguar Mk I (1956), la fiche technique
- Moteur : 6 cylindres en ligne, 2 483 cm3
- Alimentation : 2 carburateurs Solex
- Suspension : doubles triangles, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs, barre antiroulis (AV), essieu rigide, ressorts à lames, amortisseurs, barre Panhard (AR)
- Transmission : boîte 4 manuelle (overdrive en option), propulsion
- Puissance : 112 ch SAE à 5 750 tr/min
- Couple : 189 Nm SAE à 2 000 tr/min
- Poids : 1 320 kg
- Vitesse maxi : 161 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : Env. 16 s
> Pour trouver des annonces de Jaguar anciennes, rendez-vous sur le site de La Centrale.
Merci à Michel Baurain et José da Rocha de Classic Garage pour leur aide.
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