L'abondance, c'est vraiment fini ?
D'après le conférencier Jean-Marc Jancovici, le monde moderne tel que nous le connaissons vit ses dernières années. Ca vous dit de vous miner le moral juste avant le week-end, juste pour le plaisir ?
Jean-Marc Jancovici fait partie de ces experts très médiatiques, ceux qu'on voit souvent sur les plateaux télévisés lorsqu'ils ne travaillent pas auprès de cabinets ministériels sur la question des énergies et de leur avenir. Régulièrement contesté pour ses positions tranchées notamment sur l'énergie nucléaire, il a été invité sur le plateau de la chaîne BFMTV pour donner son avis sur le futur des énergies. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ses prévisions font peur. Pour lui, l'humanité tout entière fait déjà face aux prémices de la fin de l'abondance énergétique. Et les conséquences s'annoncent terribles.
« Les gisements de pétrole s'épuisent et j'ai toujours du mal à attirer l'attention médiatique sur ce sujet qui va pourtant avoir un impact énorme sur toutes nos sociétés. L’approvisionnement en pétrole de l'Europe est déjà en train de décliner pour des raisons géologiques. Tout simplement parce que les gisements pétroliers se tarissent un peu partout dans le monde. Et ce phénomène va s'intensifier à l'avenir : les 16 plus grands fournisseurs de l'Europe devraient voir leur production divisée par 2 d'ici 2050, faisant baisser nos quantités de pétrole importé d'un facteur de 2 à 10 d'ici le millieu du siècle. Même constat pour le gaz, dont le pic de production mondiale est prévu pour 2030. Avec ou sans le problème de Poutine, il va falloir se passer bientôt de cette source d'énergie. Voilà pourquoi on ne pourra pas continuer à vivre comme nous le faisons actuellement. Tant que l'énergie ne coûtait pas très cher, on ne s'en préoccupait pas trop mais tout cela est en train de changer très vite. »
Alors, comment va-t-on faire ? Pour Jean-Marc Jancovici, il n'y a aucune autre solution que de s'adapter à la situation énergétique. Et quand il parle de s'adapter, il ne parle pas simplement de baisser un peu la clim'...
« On ne pourra pas non plus compter sur le nucléaire pour régler tous nos problèmes et compte tenu de l'évolution actuelle du marché des énergies, nous allons devoir aller vers beaucoup plus de sobriété. Par sobriété, j'entends baisser délibérément et de manière organisée la quantité d'énergie qu'on utilise. Baisser l'énergie, ça veut dire réduire le parc de machines que nous utilisons tous les jours. Mais aussi baisser les flux physiques qui sont à notre disposition. Avoir des voitures plus petites et moins nombreuses, équipées de motorisations différentes. Il faudra réduire la longueur des trajets et surtout, les faire avec des modes de transport moins mécanisés. La quantité d'objets qu'on pourra s'acheter doit également baisser. Et il faudra organiser tout cela pour que nous ne soyons pas trop malheureux malgré les privations. »
Vous comptiez sur la voiture électrique pour continuer de partir en week-end tout en épargnant la planète ? Perdu, d'après Jean-Marc Jancovici qui parie tout simplement sur une réduction drastique du parc automobile, quelle que soit la motorisation. Préparez-vous à pédaler :
« Vous avez actuellement un parc de 40 millions de voitures en France et 1,2 milliard d'autos dans le monde. Quand vous regardez la quantité de matériaux qu'il faudrait pour avoir un tel parc automobile entièrement converti à la technologie électrique, cela paraît fantaisiste. Il y a des limites physiques à la quantité de métaux disponibles sur la planète et la vitesse à laquelle nous pouvons extraire ces métaux. Pour moi la meilleure voiture sera celle qu'on partage ou encore mieux, le vélo électrique. Et on ne pourra tout simplement pas garder 40 millions de véhicules particuliers dans un monde sobre. On va devoir faire avec moins. Ça ne sera pas un drame tant qu'on s'organise pour, au lieu d'attendre que ça nous tombe dessus. »
Au passage, l'expert glisse un petit mot sur les limitations de vitesse : « Je suis aussi favorable à ce qu'on baisse la limitation de vitesse sur l'autoroute. Ça fait de toute façon partie des mesures qu'il faudra prendre. » Mais ce qu'il a à dire sur l'ensemble de nos habitudes de vie va bien au-delà d'une simple limitation à 110 km/h au lieu de 130 :
« Baisser la climatisation et le chauffage ne suffira malheureusement pas. L'énergie abondante est ce qui a fait la croissance économique des deux derniers siècles dans le monde. L'industrialisation, la mondialisation, l'urbanisation, l'augmentation du temps libre, le fait d'avoir des études longues et des retraites, les 35 heures, les six semaines de congés payés, la tertiarisation des emplois...tout cela ne s'inscrit pas dans un système durable en raison de la quantité limitée des énergies disponibles. La sobriété va donc porter sur tous les sujets que je viens d'énoncer. Elle va devoir prendre en compte l'aménagement du territoire, la façon dont les gens se déplacent et la question du rationnement. On ne pourra plus laisser les gens consommer largement sans limitation. Il faudra prendre des arbitrages pour le bien des populations futures, sinon seul les vieux et les boomers du temps présent profiteront de tous les plaisirs. On pourra effectuer ce rationnement par les prix ou par les quantités allouées et je pense que cette deuxième technique serait plus égalitaire. »
Oui, Jean-marc Jancovici parle bien de rationner le carburant, l'électricité et le gaz pour chaque Français. Vous pouvez peut-être déjà annuler ce road-trip en famille que vous aviez prévu en 2034 dans le sud de l'Italie au volant de votre SUV :
« On a limité les déplacements à tout le monde pendant le Covid-19, les riches comme les pauvres. Je pense qu'il faudra faire la même chose pour le rationnement des énergies. Il faut accepter l'arrivée de l'humanité dans une période inédite de décroissance, qui va devenir la norme. Toutes les solutions que nous imaginons actuellement doivent être valables dans un monde en décroissance, sinon elles ne marcheront pas. Le monde entier va passer en récession structurelle. La contraction énergétique va réduire de manière continue le parc de nos machines et donc la production tout entière. Voilà comment cette récession structurelle va arriver. C'est hélas dans ce genre de paysage qu'il va falloir apprendre à vivre ensemble. »
Alors, vous avez confiance en l'avenir ? Rappelons tout de même que tous les experts ne partagent pas les positions de Jean-Marc Jancovici ni ses prévisions. Mais le consensus actuel sur les nécessités futures de limiter nos dépenses énergétiques fait sacrément peur. Dans ce contexte, pourra-t-on encore imaginer démarrer sa voiture pour le simple plaisir d'aller conduire sur une jolie route ou partir en balade ? De quoi rêvera-t-on lorsqu'on ne pourra plus se déplacer comme bon nous semble ? Allez courage, c'est bientôt le week-end...
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