La voiture électrique, un monstre en devenir ?
En obtenant de l’Europe le joker du e-fuel, l'Allemagne a levé son veto au 100 % de voitures neuves électriques en 2035 : ce sera 99,9 % en fait. Reste à éviter que le VE ne devienne un cauchemar énergétique et environnemental.
Et à la fin, c’est l'Allemagne (et l’Italie) qui gagne : après 2035, les nouvelles Porsche et Ferrari pourront conserver leurs moteurs thermiques et carburer au e-fuel. C’était la condition posée par ces deux pays à l’entrée en vigueur de la réglementation imposant, de fait, la généralisation de la voiture électrique. Une fois encore, l’industrie allemande a tordu le bras des fonctionnaires européens.
Tous les constructeurs seront autorisés à produire ces moteurs, mais on peut parier que seules quelques marques de voitures de sport et de luxe le feront. Car ce carburant restera cher et rare. Synthétisé à partir de CO2 et d’hydrogène, il nécessite d’énormes quantités d’électricité d’origine renouvelable, éolienne ou solaire – label zéro carbone oblige – et ne sera donc produit qu’en très petites quantités et à un tarif vraisemblablement « ferrariste ».
Les biocarburants, c’est « nein »
Bref, beaucoup de bruit pour pas grand vroum. Mais quand même une petite question et un gros regret.
La question : comment pourra-t-on s’assurer que ces bolides à e-fuel ne feront pas le plein de super sirop de pétrole, parfaitement compatible, bien moins cher et beaucoup plus facile à trouver, comme les 100 ou 150 millions de voitures thermiques encore en circulation à cette date ?
- Par des capteurs, répondent les deux constructeurs.
- Vous devrez nous prouver qu’ils seront totalement inviolables, répond la commission européenne.
Douze ans pour trouver la solution et aussi pour créer un réseau de production et de distribution de ce e-fuel, suffisamment fourni pour que les Porsche et les Ferrari ne terminent pas la balade sur le plateau d’une dépanneuse… À mon avis, il sera plus simple de trouver du DC 150 kW que ce sirop de synthèse.
Et surtout un gros regret : la Commission européenne ferme la porte aux biocarburants, gelant les recherches autour de ceux que l’on pourrait produire avec des résidus agricoles ou des ordures ménagères.
Certes, ils ne seront jamais « zéro CO2 », mais le VE non plus : une grosse part de l’électricité qui rechargera les voitures électriques proviendra de centrales à gaz, à fioul ou, pire, à charbon dont beaucoup fonctionneront encore dans 4 280 jours en Allemagne, en Pologne et ailleurs.
Émissions de CO2 et consommation d’énergie, tout est lié
En considérant le bilan CO2 global des VE, de la fabrication au recyclage de leurs batteries en passant par la provenance de leur électricité, il apparaît qu’à certaines conditions – faible consommation, grande durée de vie, part de carburant non fossile – une thermique et plus sûrement une hybride, peut égaler une électrique. Voire la dépasser sur son cycle de vie sachant que l’espérance de vie de la première est deux fois supérieure à celle des batteries d’un VE, 10 à 12 ans au mieux.
Autre erreur de la commission, ne considérer que l’émission de CO2 et pas la dépense énergétique globale alors que les deux sont directement liées.
Pour faire simple, les mégawatts que consommeront ces millions de VE pourront bien être d’origine nucléaire, éolienne ou solaire, ils contribueront à tendre le marché de l’électricité, à en faire grimper le prix et ne seront plus disponibles pour alimenter les pompes à chaleur qui pourraient remplacer des millions de chaudières à fioul ou à gaz.
De même que le rare et cher hydrogène incorporé aux e-fuels que les commissaires viennent d’autoriser serait bien mieux employé à remplacer le charbon des aciéries et le gaz des cimenteries, deux énormes émetteurs de gaz à effet de serre.
Empêtrés dans leur dogmatisme, assaillis par les lobbys pas toujours verts de la voiture électrique, les commissaires ne voient pas que pour limiter les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, il faut d’abord et avant tout réduire la consommation d’énergie. Qu’elle soit « propre » ou non n’y change rien.
Une domestication urgente.
Et c’est là que ça coince.
Parce que la voiture électrique, telle qu’elle se présente désormais avec ses quasis deux tonnes voire davantage, ses 20 à 30 kWh aux 100 km et sa batterie de bientôt 100 kWh, sera en 2035, à raison des 12 à 15 millions de voitures par an du marché européen, un gouffre énergétique.
Et aussi une impasse environnementale par ses besoins de matières premières et métaux rares.
La commission européenne ne remplit pas son rôle en la laissant se développer sans le moindre frein à ses nuisances, alors qu’elle avait su en imposer de nombreux à la voiture thermique : normes de sécurité et de dépollution.
La nuisance de l’électrique, c’est son poids. D’abord le danger que représentent dans le trafic des voitures qui pèsent deux fois le poids de leurs équivalentes des années quatre-vingt-dix, l’époque des premiers crashs tests EuroNcap.
Ensuite et surtout, la consommation inutile d’énergie causée par la recherche obsessionnelle d’autonomie. Chaque centaine de kilomètres gagnée pèse lourd, augmente le volume au détriment de l’aérodynamique, ce qui coûte des kWh et donc… des kilomètres. Sans parler du temps plus long passé à la borne de recharge.
C’est, à l’envers, l’histoire du type qui se sert des whiskies de plus en plus petits et s’étonne : moins je bois, plus je suis saoul…
Des normes pour le réseau de recharge
A-t-on absolument besoin de plus de 300 km d’autonomie réelle, ce dont disposent au mieux la plupart des motos ? Aujourd’hui, c’est trop peu, mais avec un réseau de bornes de recharge rapide suffisamment dense et étoffé, cela suffirait largement.
Comme elle a su imposer à ses États membres d’innombrables directives et réglementations allant du permis de conduire aux taux de NOx dans l’air des villes en passant par les pièces de réemploi, l’Europe doit à la fois imposer un poids maximum aux voitures électriques et son corollaire, des normes de densité du réseau de bornes de recharge. Avec au passage, l’obligation de pouvoir payer son « plein » par carte bancaire.
Au passage, cela relancerait la course à la densité énergétique des batteries, une compétition qui remplacerait avantageusement celle consistant à caser le plus de cellules possible entre deux essieux…
Sans cette domestication réglementaire, la voiture électrique que l’Europe veut nous imposer, libre de se façonner selon les caprices du marché, singeant la voiture thermique dans tous ses attributs et excès, pourrait devenir un monstre environnemental.
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