Le départ : quand Netflix exhume une perle rare, ressurgie des années 60
Michel Holtz , mis à jour
L'OVNI très particulier de Jerzy Skolimowski est diffusé ces temps-ci sur la plateforme. L'occasion de découvrir un film qui, du haut de ses 55 ans, en racontant l'histoire d'un garçon coiffeur à la recherche d'une Porsche 911, a fait souffler un vent d'air frais sur le cinéma européen.
On imagine la réunion dans les bureaux de Netflix France. "Dites donc, j'ai un petit truc pas cher qu'on pourrait mettre au catalogue. Ça s'appelle Le départ et avec ça on pourrait faire un grand écart : rassembler à la fois les cinéphiles pointus et les amateurs de voitures qui regardent Balle perdue 2". L'affaire fut validée dans l'instant et le curieux film se retrouve aujourd'hui à l'affiche de la plateforme.
Voilà donc ce film, totalement enfoui dans les limbes, qui ressurgit après 55 ans de purgatoire. Pourtant les spécialistes ne l'ont pas oublié, car c'est peut-être le premier film fauché devenu culte et il est signé Jerzy Skolimowski. En 1966, le réalisateur, acteur, peintre et poète polonais a du mal à boucler le budget d'un film qui lui tient à cœur, lorsque l'une des comédiennes pressentie pour un rôle lui propose de le financer, grâce à l'argent de son mari, éditeur de magazines automobiles. Ça tombe bien : le scénario parle de voitures, ou plutôt d'une Porsche 911 S que le héros, garçon coiffeur, souhait piquer à son patron, pour courir un rallye.
Hélas, le propriétaire de la Porsche décide de partir en week-end au volant de sa voiture. Marc, interprété par l'égérie de la nouvelle vague Jean-Pierre Léaud, va alors tout faire pour emprunter une Porsche le temps de la course. Il va faire croire à un concessionnaire qu'il est le secrétaire d'un Maharajah, il va se prostituer ou encore, se faire enfermer, avec sa copine, toute une nuit au salon de l'auto. Mais rien n'y fait : la Porsche este un Graal inaccessible et le rallye démarre sans lui. Au passage, le désinvolte coiffeur aura rencontré l'amour, et il aura même croisé le grand Paul Frère, pilote et journaliste, qui joue son propre rôle.
Un tournage fauché, bouclé en moins d'un mois
Ce film, Skolimowski l'a achevé en 27 jours, avec une équipe réduite. Pas question de tourner plusieurs fois un même plan, faute de temps et d'argent, la générosité de la presse auto ayant ses limites. Ces contraintes, Skolimowski les a assumés et en a fait le style du film : brouillon, décalé, mais totalement décomplexé.
Mais à la sortie de ce Départ, en 1967, c'est la douche froide. Le public fuit, et les critiques font la fine bouche. Malgré un Ours d'Or au festival de Berlin, c'est un bide. Il faudra attendre 25 ans pour que Le départ devienne culte et ressorte dans les salles spécialisées. C'est dans les années 90 que tout le monde lui reconnaît d'avoir fait souffler un sacré coup d'air frais sur le cinéma compassé des années 60 en s'inscrivant totalement dans la nouvelle vague de cette décennie-là.
C'est aujourd'hui, cette liberté de l'époque, en noir et blanc, qui vient bousculer quelque peu les séries et films souvent très codifiés de Netflix. Mais si les aficionados de Balle Perdue pouvaient, le temps d'un film, rejoindre ceux de Truffaut et Godard, ce serait tout à l'honneur de la plateforme.
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