Le jubilé de la reine des citadines : la Renault 5 a 50 ans
Elle a pratiquement déserté nos rues mais garde une place dans nos cœurs : la Renault 5 a participé à redéfinir la façon dont on imagine la petite voiture. Elle s’est tellement bien vendue en France qu’on a tous une histoire avec elle ! Retour sur le trajet d’une icône, par le biais d’un évènement mis en place par Renault, qui gagne à mettre en valeur son passé extrêmement riche.
Elles sont deux. Deux à avoir créé le segment B, celui des petites citadines. Cela se passe au début des années 70, et la réflexion sous-tendant leur création débute dans la deuxième partie des années 60. Ces autos, ce sont les Fiat 127 et Renault 5.
On comprend à peu près en même temps des deux côtés des Alpes le désir de la clientèle urbaine (de plus en plus massive à cause de l’exode rural) pour une petite auto polyvalente mais pas indigente, peu chère mais dynamique, petite mais capable de prestations réservées aux plus grandes. Et stylée aussi.
En clair, en France comme en Italie, cette voiture sera une synthèse, débouchant chez Renault sur un modèle conjuguant la praticité de la R4, la séduction esthétique de la Floride et des capacités routières au moins équivalentes à celles de la R10. On vise aussi une nouvelle clientèle, à laquelle la France a tardé à donner des droits qui vont de soi, les femmes.
L’idée rencontre beaucoup de succès quand elle est initialement émise chez Renault vers 1967. Les designers, mis en concurrence, se mettent au travail, produisent des esquisses et celle de Michel Boué retient l’attention.
Surprise, celui-ci travaille au département Couleurs & Matières et n’a jusqu’alors pas tellement fait parler de lui. Seulement, c’est un admirateur de Raymond Loewy, un des grands inventeurs du design et sous la férule duquel les Studebaker d’après-guerre sont dessinées, dont la stupéfiante Avanti. Celle-ci se signale par son audace, une grande pureté de lignes, des volumes très travaillés et une calandre… supprimée !
Le dessin de Boué, reprenant quelques-unes de ces idées novatrices, pose les bases de la future R5 (pour l’instant, c’est le projet 122), avec sa face avant orientée dans le sens du vent, sa poupe inclinée équipée de feux verticaux et sa formule à trois portes.
Un travail d’affinage est mené sous la direction de Gaston Juchet, alors à la tête du style Renault, au cours duquel le projet 122 se dynamise et reçoit des accessoires qui vont contribuer à sa pureté formelle : des boucliers en plastique, contribuant à l’homogénéité de l’ensemble. Plus fort encore, la Renault a été étudiée en soufflerie, de sorte que son Cx ressort à 0.38, une valeur non pas record mais tout de même exceptionnelle en 1972. Malheureusement, Boué, atteint d’une grave maladie, décédera juste après la sortie de la R5, et non avant comme on l’a souvent dit.
L’habitacle de la 5 bénéficie aussi de bien des soins. Par son design, encore, dû à Robert Broyer. Sobre et graphique, le tableau de bord se signale aussi par son ergonomie étudiée, un maximum de commandes étant regroupé face au conducteur. Si on a extraordinairement soigné l’aspect de la R5, à l’opposé de la R4, dont la forme suit de près la fonction sans chercher aucune séduction, sa technique demeure archi-connue.
Certes, la 5 bénéficie d’une coque inédite, mais pour des raisons certainement budgétaires, elle reprend le moteur, la boîte et les suspensions de la R4. À savoir un bloc longitudinal culbuté, un train avant à bras superposés, et des roues arrière indépendantes alliées à des barres de torsion transversales. Celles-ci étant trop longues pour être positionnées face à face, on les a placées l’une devant l’autre, de sorte que l’empattement est plus court à droite (2,40 m) qu’à gauche (2,43 m). Comme sur les R4, R16 et R6.
La R5 ne se présente qu’en 3 portes, un choix apparemment osé dans un pays où on aime les autos fonctionnelles. Le style a certainement joué son rôle, mais les accords secrets avec Peugeot aussi. Les deux constructeurs se seraient entendus pour ne pas se concurrencer trop directement : à Renault le hayon, à Peugeot les quatre portes sur la 104, elle aussi sortie en 1972.
Contrairement à la sochalienne, incroyablement austère, la petite de Billancourt plaît par son look acidulé, moderne et jovial. La calandre disparaît pratiquement, conférant à la 5 une bouille qui n’est pas sans rappeler celle de la Fiat 850 Spider (à moteur arrière).
Aussi, même si techniquement elle est bien moins moderne, elle plaît infiniment plus que la 104. C’est par son design moderne, arrondi et sobre que la R5 contribue à l’élaboration du segment B, dont les bases ont été posées un an auparavant par la Fiat 127 : gabarit, polyvalence, habitabilité soignée, traction, jambes McPherson et moteur transversal avec la boîte vissée sur le vilebrequin. L’italienne, se voulant sportive, se passe toutefois de hayon initialement (elle le recevra fin 1972 en option), au contraire de la Renault cherchant d’abord le confort.
Au moment de sa mise sur le marché, celle-ci va profiter d’une campagne de pub innovante et réjouissante, où on la surnomme « supercar », pour enclencher la dynamique de son succès, qui sera entretenu par un plan-produit incroyablement actif. En clair, la Renault va évoluer presque chaque année.
Aux versions initiales L (34 ch) et TL (45 ch) s’ajoute en 1974 la LS, forte d’un 1,3 l de 64 ch. Capable de 155 km/h, celle-ci est l’une des toutes premières citadines capables d’affronter l’autoroute avec aisance et confort ! Elle devient TS (mieux équipée) en 1975.
En 1976, une variante très importante, en raison du succès qu’elle va connaître, est lancée : la GTL. Extérieurement, elle inaugure les grosses protections latérales, en plastique et striées comme les boucliers. Parfaite pour la ville !
Enfantée par la crise, elle est conçue pour consommer un minimum sans sacrifier les performances. En conséquence, elle reprend le 1,3 l de la TS mais le dégonfle à 44 ch et l’allie à une boîte longue. Résultat, la GTL n’avale que 4,7 l/100 km. Et comme son moteur tourne lentement, elle peut rouler indéfiniment à sa vitesse maxi, d’un peu plus de 130 km/h.
Toujours en 1976, l’Alpine (1,4 l, 93 ch) devient la première citadine polyvalente aux performances de sportive. La R5, solidement implantée sur la 1 marche du marché auto français, adopte fin 1977 une excellente boîte automatique à gestion électronique, dérivant de celle de la R16. Cette transmission n’est pas une option, elle équipe en fait une version spécifique, l’Automatic, dotée d’un 1,3 l de 55 ch et repérable par son toit en vinyle. Deux ans plus tard, fin 1979, contrairement à ce qui était prévu au départ, la R5 reçoit des portes arrière. Ce sont celles de la « Siete », déclinaison à trois volumes de la petite Renault conçue pour l’Espagne.
Pour l’occasion, le tableau de bord est totalement redessiné, dans un style souple et doux, il se teinte en beige et non plus en noir. Les moteurs sont remaniés, les sièges, inédits, sont de type « pétale » à partir de la GTL, la boîte 5 se répand…
Une actualisation réussie qui consolide la mainmise de la R5 sur le marché français, qu’elle domine du toit et des boucliers ! En 1980, la mythique Turbo apporte une touche de folie et de sportivité extrême à la gamme 5, avec son moteur central de 160 ch. Conçue pour le rallye, cette variante aux ailes arrière hypertrophiées pointe à 200 km/h et exécute le 1 000 m DA en moins de 29 s. Une citadine qui rivalise avec une Porsche 911, on n’avait jamais vu ça !
La gamme continue de se développer, avec l’arrivée en 1981 de la luxueuse TX, une sorte de TS nantie d’équipements rares dans sa catégorie : vitres électriques et teintées, jantes en alliage, direction assistée, sellerie en velours opulente, clim en option… Une Baccara avant l’heure, inspirée de la R16 du même nom.
Uniquement proposée en 3-portes, la TX se voit chapeautée non pas par l’Alpine mais l’Alpine Turbo qui la remplace, Renault étant un pionnier de la turbine magique. Forte de 110 ch, cette version rivalise enfin avec la Golf GTI.
Ainsi, près de dix ans après son apparition, la R5 profite d’une gamme plus riche que jamais (de 34 ch à 160 ch), et donc aucune de ses rivales ne peut se targuer. En France, la 104 est bien incapable de l’inquiéter, et ce ne sont pas ses dérivées Citroën Visa (1978) et Talbot Samba (1981) qui inverseront la tendance.
En réalité, la R5 ne commencera à fléchir en France qu’en 1983, quand débarque une autre future légende, la Peugeot 205, dont le design doit certainement quelque chose à celui de la Renault. Celle-ci simplifie sa gamme, appelée Lauréate, en 1984, juste avant de céder la place à sa remplaçante surnommée Super 5, au look très ressemblant mais techniquement différente.
Vendue un peu partout dans le monde, notamment aux USA (où elle est dénommée Le Car), et au Canada, la R5 s’est écoulée à plus de 5,5 millions d’unités.
Elle a même continué sa carrière en Iran jusqu’en 2006.
Aujourd’hui, l’omniprésence de la R5 en France la rend aussi présente dans l’inconscient collectif que la 4L ou la 2CV. Peut-être même plus ! Pourquoi ? Parce que contrairement à ces deux monuments, la R5 a dominé le marché français de 1974 à 1983 inclus !
Tout le monde, ou presque, a une histoire avec elle, des souvenirs, bons ou mauvais (j’ai commencé à conduire sur une TX Automatic que j’ai détestée !). De sorte que, l’appétence actuelle pour la nostalgie aidant, la petite Renault voit sa cote grimper inexorablement.
Elle n’est pas amusante à conduire comme pouvait l’être une Fiat 127, mais fait plutôt rire par ses défauts, comme son roulis absurde en virage et sa tenue de route parfois imprévisible. À l’instar de la Ford Mustang (ça, c’est du parallèle !), la Renault doit sa réussite à son look, son réalisme marketing et sa gamme florissante, non à sa sophistication technique. Les prix débutent à 3 000 €.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération