Les constructeurs doivent-ils arrêter de proposer des GPS ?
Tout juste trente ans après l'arrivée du GPS dans l'Eunos Cosmo, la présence de cet outil nativement dans les automobiles est désormais bien remise en question par les Waze et Google Maps.
Faut-il encore, en 2020, proposer des GPS dans les automobiles ? Probablement aucun constructeur ne se pose la question, et pourtant... En 2019, le taux de pénétration des smartphones en France pour les catégories de personnes conduisant (disons entre 18 et 70 ans) varie de 62 à 98 % selon les tranches d'âge. En clair, une grande partie des automobilistes ont un smartphone. Et ces utilisateurs sont très nombreux à avoir téléchargé l'application Waze, pour ne citer qu'elle. En 2018, le petit "bébé fantôme" de Google passait la barre des 10 millions d'utilisateurs en France. Il en compte aujourd'hui 13 millions chaque semaine...
Chaque année, près de 800 000 nouveaux permis de conduire sont délivrés dans l'Hexagone, en grand partie chez les 18-24 ans, qui sont 98 % à avoir un smartphone, et évidemment, à s'en servir régulièrement. Où voulons-nous en venir avec toutes ces statistiques ? L'explication...
Que de chemin parcouru
En 1990, Mazda est le premier constructeur à proposer une voiture avec un GPS intégré, la fameuse Eunos Cosmo, qui disposera de cette option dans un premier temps au Japon, marché friand de nouveautés électroniques. Deux ans plus tard, c'est General Motors qui représente l'Amérique en lançant son GPS (le GuideStar) sur certains véhicules en Floride. La technologie se déploie avec la possibilité de changer de "cartouche" pour avoir plusieurs cartes, et avoir un guidage dans différents Etats. Toujours en 1992, Toyota est la première marque à lancer un GPS à assistant vocal. En Europe, il faudra attendre 1994 pour voir la première auto avec un GPS embarqué : une BMW E38, dotée d'un système développé conjointement avec Philips.
Depuis, tout s'est enchaîné : l'arrivée des CD pour avoir de nouvelles cartes (qu'il fallait évidemment payer, y compris en après-vente), le premier GPS "pop up" produit par Alpine, le premier GPS passant au DVD, le premier GPS portable (TomTom), le premier reposant sur des données stockées dans un disque dur... pour arriver à un système qui se démocratise en 2020 : le "mirroring", avec notamment Apple CarPlay et Android Auto. Concrètement, il s'agit de dupliquer l'écran de son smartphone dans son auto et de bénéficier de Waze et des autres applications de navigation supportées.
Pour l'instant, il n'est pas encore possible d'avoir ces informations sur les instrumentations numériques, entre les compteurs. Mais tout progresse vite. La part des utilisateurs de smartphone et d'applications GPS étant grandissante (et déjà très importante), il est clair que le GPS embarqué dans une auto passe au second plan pour bon nombre d'automobilistes.
La mort du GPS auto ?
Est-ce donc la mort du GPS que les constructeurs intègrent dans leurs autos en usine ? Doit-encore payer pour cette option si l'on ne s'en sert jamais ? La tentation est grande de dire qu'il faudrait que les constructeurs arrêtent les frais. Les automobilistes utilisent de plus en plus Google Maps et Waze, alors laissons le géant de la Silicon Valley s'occuper de ces technologies et, pourquoi pas, des OS (systèmes d'exploitation) des autos. Que les constructeurs automobiles fassent de l'automobile, et laissent la tech aux spécialistes de la tech. Simple, non ?
Pas si simple, justement. D'abord parce qu'il y a toujours le problème de la protection des données : à l'heure où la méfiance est grande vis à vis des Gafa, certains verraient d'un mauvais oeil la présence trop importante d'un Google dans nos voitures. D'autres rétorqueront que, de toute façon, on laisse déjà bien entrer les Gafa dans nos vies, que ce soit sur les ordinateurs, ou les téléphones. Toyota, par exemple, avait fermé la porte au nez de Google il y a quelques années, refusant que le géant ne débarque avec Android Auto, avant, finalement, de changer d'avis un peu plus tard.
Il y a ensuite le problème moral : si les GPS de constructeurs sont (pour la plupart) sans publicités, Waze se fait des centaines de millions de dollars par l'utilisation des données des utilisateurs, et par la vente d'espaces aux annonceurs. Mais là encore, il y a le contre argument : avec l'arrivée d'Alexa (Amazon) et d'autres assistants vocaux intelligents se profile la publicité à bord des autos.
Ces derniers mois, un nouveau paramètre pourrait entrer en jeu : la réalité augmentée. Certains modèles haut de gamme proposent en effet une navigation intelligente avec des logos lumineux (flèches, points d'intérêts) animés dans l'affichage tête haute ou, carrément, le parebrise entier, permettant notamment de suivre facilement la bonne voie sur des axes complexes. Ce genre de technologie devrait avoir bien du mal à se marier avec un Waze déporté depuis un smartphone...
La seule façon d'avoir un Waze ou un Google Maps associé pleinement aux autres services de l'auto (assistant vocal, réalité augmentée, gestion des éléments de confort et de l'énergie...) est donc simple : qu'un Apple, un Google ou un Microsoft s'occupe de l'environnement. Mais pour ça, il faudra l'accord des constructeurs et passer outre la réticence d'une partie du public concernant l'usage potentiel de certaines données plus sensibles sur la conduite.
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