Nouveau cycle d'homologation WLTP : les constructeurs trichent-ils encore ?
Début mars, l'association T&E (Transport et environnement) a testé 3 voitures selon le nouveau cycle d'homologation WLTP. Et leurs résultats sont différents de ceux des tests officiels, de 12 % en moyenne. Les constructeurs continueraient-ils à tricher ?
La dernière étude de l'ONG (Organisation non gouvernementale) belge Transport et Environnement (T&E) n'a pas fait grand bruit, à tel point que nous étions passés à côté avant aujourd'hui. Pourtant, début mars, elle publiait les résultats d'une étude indépendante réalisée en partenariat avec les centres de test Get Real Projet et Emisia. Cette dernière montre que les chiffres obtenus officiellement aux nouveaux tests WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicule Test Procedure) sont encore éloignés de ceux obtenus par ces labos indépendants (- 12 %). Comment l'expliquer ? La conclusion de T&E est que ce nouveau protocole permet encore aux constructeurs de tricher, et d'optimiser. De plus, l'ONG pointe du doigt le manque de transparence dans les données.
Au départ, le nouveau cycle WLTP a été prévu pour obtenir des résultats en termes de consommation et d'émissions polluantes et de CO2 plus proches de la réalité. Tous les constructeurs y sont soumis depuis septembre 2018 pour l'homologation de leurs nouveaux modèles (nouveaux "types"). Il a remplacé le très laxiste cycle NEDC (New European Driving Cycle), qui existait depuis 1974, et qui minorait systématiquement et dans de grandes proportions consommation et émissions. Un progrès, reconnu par tous, même s’il a fait grincer des dents les constructeurs. En effet, avec ce nouveau cycle, les chiffres d'émissions de CO2 augmentant mécaniquement, cela les mettait devant des difficultés, et en France, des augmentations de malus pour leurs modèles ou la sortie de la zone neutre, pour basculer côté malus.
Un écart de 12 % avec les chiffres officiels en moyenne
Mais le WLTP est-il pour autant fiable, et la panacée ? C'est ce qu'a voulu savoir, manifestement, T&E, en faisant réaliser des tests indépendants sur trois véhicules. Deux à essence et un diesel, respectant tous la dernière norme Euro 6d-Temp (une Opel Adam 1.4, une Ford Fiesta 1.0 EcoBoost, et une Honda Civic i-DTec).
Ils ont réalisé les tests à la fois selon l'ancien protocole NEDC, et le nouveau WLTP, et comparé leurs résultats avec les résultats "officiels". Et coup de tonnerre, encore une fois, les résultats sont différents, en faveur des résultats officiels évidemment, et la moyenne d'écart est de 12 %. Pas rien, même s’ils sont moins importants, bien sûr, qu'à l'époque du NEDC.
Voici un tableau récapitulatif des résultats
Plusieurs enseignements sont à en tirer.
Déjà, on constate que les émissions de CO2 constatées selon les cycles NEDC ou WLTP réalisés de façon indépendante sont proches. Pas forcément une surprise, sachant que le second n'avait pas pour but de faire baisser les chiffres, mais de les rendre plus proches de la réalité. Le NEDC en était éloigné (pour info, les chiffres officiels NEDC étaient respectivement de 93 grammes pour la Civic, 110 g pour la Fiesta, et 133 g pour l'Adam...).
Mais ce qui est intéressant est de voir le "trou" entre les homologations officielles WLTP et les chiffres obtenus, en utilisant le même protocole, par le laboratoire indépendant. Plus 15 % pour la Honda, + 17 % pour la Ford et + 4 % pour l'Opel, en ce qui concerne les émissions de CO2. Ce qui équivaut peu ou prou à l'équivalent en termes de surconsommation.
On jettera aussi un œil aux émissions en "conditions réelles". À part un résultat "inexplicablement" bas pour la Honda, Les autres modèles explosent les scores, surtout en conditions de route dynamiques. Ce qui n'est pas étonnant.
Des explications difficiles à trouver
Pour T&E, l'écart entre les chiffres officiels et les chiffres indépendants ne peut pas être expliqué totalement. Pour eux, une partie de l'explication se trouve dans les différences trouvées côté "résistance au roulement". Leurs chiffres sont en effet supérieurs à ceux communiqués par les autorités. Et leur conclusion est que les constructeurs continuent à optimiser les véhicules qui passent au banc sur ce chapitre. Pour eux, cet axe majeur d'optimisation déjà constaté sur le cycle NEDC perdure en WLTP.
De plus, l'ONG pointe du doigt le manque de transparence des données fournies par les constructeurs et les homologateurs officiels. Florent Grelier, ingénieur spécialiste des véhicules propres à T&E, résume la situation : "Tester les émissions de CO2 d'une voiture sans avoir accès à tous les paramètres du véhicule homologué rend les tests impossibles à analyser pour une tierce partie, et plus difficile à identifier les potentielles tricheries". Il encourage donc à plus de transparence, pour pouvoir expliquer les différences de résultat. Et il ajoute : "Les tests indépendants que nous avons commandés montrent que le test d'émissions de CO2 des voitures neuves n'empêchera pas les futures tricheries. Cela signifie que les consommateurs continueront à dépenser plus en carburant que prévu, et que les gouvernements manqueront à leurs objectifs en matière de CO2. Pour combler cette lacune, nous avons besoin de contrôles réels, notamment de la part de tiers indépendants et de la Commission européenne, et de mettre ces informations à la disposition des conducteurs via un étiquetage précis."
Pour ceux d'entre vous que cela intéresse, nous mettons à disposition en fin d'article des liens vers les documents PDF très précis des résultats de l'étude. Accessible via le site web uniquement, pas sur mobile. Ils sont une mine de renseignements, que cet article n'a fait que résumer et survoler.
En tout état de cause, il semble que l'optimisation, si ce n'est la triche, a toujours cours en Europe. Mais ce serait à confirmer par des tests plus larges sur plus de modèles.
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