Nouvelle Renault 5 : ne lui en demande-t-on pas trop ?
Une fois l'engouement pour la nouvelle star du losange passé, que restera-t-il de la R5 madeleine de Proust ? Un lancement commercial en fin d'année dont le succès n'est pas garanti, pour plusieurs raisons.
À moins de s’être caché toute la semaine dans une grotte, il est strictement impossible d’ignorer que Renault a ressuscité la R5. Même si on se moque de l’automobile comme de sa première brosse à dents, on l’a vue absolument sur tous les écrans. Il faut dire que la mise en orbite de la petite électrique frise la perfection, ce qui lui a valu une visibilité maximum.
Le salon de Genève n'est pas un succès ? Tant mieux pour Renault
Après trois ans de teasing, elle est en effet apparue au récent salon de Genève dans sa version de série. Et le fait même que le raout Suisse soit un flop, avec seulement quatre constructeurs présents, a fait l’affaire de l’ex-régie. Grâce à ce désamour, elle s’est retrouvée propulsée au rang de seule nouveauté importante occidentale. En plus, comme la marque a décroché le prix de voiture de l’année avec son Scenic, Genève s’est illico transformé en salon Renault.
Ce parfait alignement des planètes coïncide avec une auto conçue dans le seul but de plaire. C’est certes la base de tout produit commercial, mais sur ce coup-là, Luca de Meo et le designer Gilles Vidal ont poussé le bouchon très loin. Les acheteurs de voitures neuves ont passé la cinquantaine ? On va leur concocter une madeleine de Proust, qui va les ramener illico vers leur enfance, forcément heureuse. Et les envoyés spéciaux dépêchés en Helvétie par les médias, n’étant pas non plus, sauf exceptions, des juniors, la mayonnaise a pris au-delà des espérances du constructeur.
Le service marketing, dirigé par le bouillonnant Arnaud Belloni a même pensé aux influenceurs, forcément plus jeunes. Ils ont pu se pâmer devant une housse en osier destinée à accueillir une baguette. Une opération qui ne mange pas de pain et qui ne risque pas de faire perdre de l’argent à Renault, puisqu’elle est en option, et que le brin de rotin pourrait être assez cher.
« Mais chef, on a oublié les influenceuses mode ». Qu’à cela ne tienne, Renault leur a concocté un levier de vitesse en forme d’étui à rouge à lèvres « so glamour ». Et les retombées ont repris de plus belle.
La mission de prélancement est donc une réussite totale. D'autant que l'auto a déjà enregistré 50 000 commandes. Voilà rassasiés les early adopters, comme on nomme en français dans le texte ceux qui se jettent immédiatement sur un nouveau produit techno.
Reste à réussir le véritable lancement et à transformer un carton médiatique en carton commercial. À Genève, dans les allées du salon, Luca de Meo aurait confié que « si c'est un échec, on va me virer. Et, si c'est un succès, Renault aura un problème de riches ». C’est en riant que le patron a livré cette confidence, mais son rire est de la même couleur que le jaune pop de sa nouvelle auto. Car le pari de la R5 est gigantesque et la pression maximale.
Une auto pas forcément polyvalente
Car la citadine électrique n’avance pas en terrain conquis. La réussite de la R5 première du nom était lié à deux phénomènes : sa ligne épurée et son intérieur pop, ce que la nouvelle reproduit parfaitement, mais aussi son rapport prix / polyvalence. Car, surtout en France, c’était souvent la seule et unique voiture du foyer.
Or, le modèle électrique qui le remplace s’affiche à 25 000 euros en entrée de gamme. Un tarif (relativement) abordable, mais à ce premier niveau, pas question de charge rapide, et pas question non plus de disposer d’une batterie très puissante : la petite ne dépasse pas 70 kW (95 ch), avec une batterie de 40 kWh sans possibilité de charge rapide, ce qui en limite grandement le champ d’action.
Pour la polyvalence, on repassera et il faudra se rabattre sur les versions supérieures, qui devraient frôler les 30 000 euros. On s’éloigne grandement de la citadine à tout faire abordable. Et puis, le temps est plutôt à l’orage pour les autos électriques. Leurs ventes souffrent depuis plusieurs mois, le bonus électrique s’effiloche et le leasing social est en stand by. Quant à l’horizon politique, il risque de s’assombrir pour les autos à batterie en cas de victoire populiste à Bruxelles comme à Washington. Les constructeurs revoient leurs stratégies et même les chinois de Byd et MG lancent des modèles hybrides en Europe.
Des temps difficiles pour l'électrique
Dans cette bataille, la R5 avance en solo, sans possibilité de repli. Car, contrairement à Stellantis et à son patron Carlos Tavares qui mise sur des plateformes mixtes (électriques et thermiques) permettant un revirement vers l’une ou l’autre technologie, de Meo prône le tout électrique pour celle de la R5, et de ses dérivés à venir (la futur R4, l’Alpine A290 ou la Nissan Micra).
C’est donc un coup de poker auquel se livre le patron de Renault et même s’il est épaulé par Daft Punk, dont le morceau Instant crush sert de bande-son au lancement de la R5, il vaudrait mieux que le « coup de foudre » ressenti depuis une semaine se transforme en amour durable.
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