Périphérique à 50 km/h: et ce n'est qu'un début!
Le périphérique parisien sera limité à 50 km/h à l’issue des Jeux Olympiques, et la mesure s’accompagnera d’une réduction du nombre de voies ouvertes à la circulation. Problème : cet axe attire plus d’un million d’usagers chaque jour, et structure à ce titre toute la circulation en Ile-de-France. Chaos en vue.
L’annonce de la limitation à 50 km/h du périphérique parisien, qui devrait être effective en septembre 2024 dans le prolongement des Jeux Olympiques, suscite bien des interrogations auprès des automobilistes.
Inauguré en 1973, le boulevard circulaire n’est pas un axe comme les autres. Long de 35 km, il est emprunté par 1,1 million de véhicules chaque jour, et structure à ce titre la circulation dans toute l’Ile-de-France, sachant que 40% des déplacements vont de banlieue à banlieue.
Selon un livre blanc édité par l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), organisme directement lié à la mairie de Paris, les utilisateurs du périphérique sont à 46% des parisiens et à 43% originaires de la petite couronne, qui l’utilisent à 78% pour les trajets domicile-travail.
C’est donc une voie de proximité essentielle, louée pour sa simplicité et les parcours directs qu’elle permet. Cela fait dire à 70% des usagers qu’ils ne pourraient emprunter un autre itinéraire pour leur trajet. Dans ces conditions, on comprend les appréhensions qui se manifestent depuis que la mairie de Paris a fait part de ses projets de réaménagement. Premiers éléments de réponse.
Les JO seront-ils l’enfer des transports que l’on peut redouter ?
Oui. En région parisienne, quelques 185 km de voies seront fermées à la circulation automobile durant l’été, du 1er juillet au 30 septembre. Seuls pourront y accéder des véhicules accrédités (taxis, transports en commun, véhicules transportant des personnes à mobilité réduite, véhicules de secours et de sécurité), et ce de 6 heures à minuit. Une voie du périphérique (de la porte de Sèvres à la porte de Bercy, mais par le nord…) sera réservée aux véhicules évoqués plus haut, et il en ira de même sur l’A1 et l’A13.
De quoi susciter bien des inquiétudes auprès des automobilistes du secteur, d’autant que Clément Beaune, ministre des Transports, a clairement annoncé la couleur lors d’une réunion organisée il y a quelques jours: « la circulation sera hardcore pendant les Jeux Olympiques. »
Ce terme revêt d’autant plus de force qu’il est prononcé par un très policé membre du gouvernement, et résume parfaitement l’inquiétude qui augmente chez les pouvoirs publics, alors même que l’Ile-de-France s’apprête à accueillir 15 millions de personnes supplémentaires durant l’été.
On relève d’ailleurs que le même ministre, interrogé par votre serviteur en juillet dernier sur ce thème, tenait des propos un peu plus rassurants, évoquant simplement « une période de pointe en permanence durant l’été. » Cette évolution sémantique traduit une pression et une inquiétude qui augmentent à mesure que l’échéance approche.
Les transports en commun seront-ils suffisants pour absorber l’afflux de touristes?
Non. Interrogée mercredi 22 novembre dans le cadre de l’émission Quotidien, la maire de Paris Anne Hidalgo a d’ailleurs avoué que la ville n’était « pas prête » en matière de transports pour les événements à venir, en raison notamment d’une fréquence et d’un nombre de trains insuffisants à certains endroits : « « On est quand même dans une difficulté, déjà, dans les transports du quotidien, et on n’arrive pas à rattraper le niveau […] de ponctualité, de confort pour les Parisiennes et les Parisiens ».
Inutile de chercher à déterminer les seuils de responsabilité des uns et des autres dans cette affaire, cela ne changera pas grand-chose hélas. Il importe surtout pour les franciliens de s’organiser au mieux durant la période, en jonglant habilement avec le télétravail ou des congés estivaux aussi lointains que possible de l’Ile-de-France…
Le périphérique va-t-il disparaître à terme?
Sous sa forme actuelle, oui. A l’issue des Jeux la mairie de Paris prévoit de démarrer le processus de transformation du boulevard périphérique, qu’elle souhaite faire passer du statut de « ceinture grise » à celui de « ceinture verte » dans le cadre de son plan climat 2024-2030. «Pouvons-nous avoir encore des autoroutes en cœur de ville? », interroge un élu parisien proche d’Anne Hidalgo...
Objectif des pouvoirs publics: que l’intégralité de l’axe devienne à terme un boulevard comme un autre ou presque, avec juste deux voies dédiées à la circulation automobile (contre 4 à 5 selon les tronçons aujourd’hui), tandis que la troisième serait réservée à la mobilité partagée et aux transports en commun, le tout avec une vitesse limitée à 50 km/h dès le mois de septembre 2024, soit 20 km/h de moins qu’aujourd’hui. Selon toute vraisemblance, la quatrième voie actuelle serait progressivement végétalisée.
Comment fonctionnera la future voie réservée ?
David Belliard, adjoint aux transports à la mairie de Paris, a précisé les choses ainsi : cette voie sera activée de 7h à 10h30 puis de 16h - 20h, et ce du lundi au vendredi. Des losanges lumineux permettront de savoir quand la voie est activée : losanges allumés = voie activée. "Elle pourra être activée et désactivée en temps réel pour prendre en compte l’état de la circulation et réagir en fonction des situations (accidents, congestion, etc.).", précise toutefois la mairie sur son site Internet.
Pourront y accéder les voitures avec 2 personnes ou plus, les personnes en situation de handicap même seules, les taxis même à vide, les VTC en charge, les deux-roues motorisés en circulation interfile, les transports en commun, ainsi que les véhicules de secours. « Des radars spécifiques ont été installés, dits radars de forme (qui repèrent le nombre de personnes dans les véhicules SANS identifier les visages). », ajoute l’élu. « Le risque ? C'est 135 euros d'amende. » La vie est tellement plus simple quand on est conseiller de Paris...
Que pourrait apporter la limitation à 50 km/h ?
Pas grand-chose, il faut le craindre. Selon ses défenseurs, une limitation à 50 km/h aurait pour première vertu de réduire la pollution. Or, un moteur consomme plus sur le troisième rapport à 50 km/h qu’à 70 km/h en 4ème (voire en 5ème avec les mécaniques les plus souples de fonctionnement).
Il est aussi question d’abaisser le niveau sonore du boulevard circulaire, mais cette donnée dépend aussi grandement de la qualité du revêtement routier, très inégale selon les tronçons du périphérique. Les 400 000 riverains installés dans une zone de 400 mètres autour du périphérique ne remarqueront pas une grande différence à terme.
Enfin, les défenseurs de la mesure font miroiter une amélioration de la fluidité du trafic. On pourrait les rejoindre sur ce point, sachant que le différentiel de vitesse entre les véhicules déjà lancés sur les voies et ceux qui y entrent serait plus bas qu’aujourd’hui.
Mais en réduisant de moitié le nombre de voies accessibles aux automobilistes, comment espérer une fluidification du trafic ? On se dirige au contraire vers une thrombose pure et simple avec cette mesure qui, comme toutes celles prises par les pouvoirs publics parisiens ces dernières années, ne vise qu’à une chose : pourrir la vie de l’automobiliste de façon à l’inciter à utiliser les transports en commun. Avec une efficacité qu’il faut bien reconnaître, sachant que le trafic parisien aurait baissé de 35% entre 2011 et 2021 selon les données collectées par les capteurs installés par la mairie.
Reste à déterminer dans quelle mesure la méchante pollution atmosphérique acceptera de contourner Paris une fois ces mesures appliquées, à l’image du célèbre nuage de Tchernobyl qui en 1986 n’avait pas franchi les frontières françaises…
Le réaménagements prévus sont-ils inéluctables ?
Très probablement hélas. Les futures restrictions feront l’objet d’un premier examen au Conseil de Paris en décembre, avant d’être soumises au vote des élus l’année prochaine. Mais il faudra ensuite obtenir l’accord de la préfecture de police de Paris, et c’est in fine le Premier ministre qui reste compétent pour valider - ou non - les limites de vitesse de circulation applicables sur tout type de voie. Mais on voit mal comment le gouvernement pourrait s’opposer à un projet qui inscrit malgré tout dans l’air - vert - du temps.
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