Pour la branche américaine de Stellantis, la rentrée sociale est plus que tendue
Les salariés de Dodge, Jeep et Chrysler, comme ceux de Ford et General Motors réclament des hausses de salaires de 46 %. Entre eux et les directions des groupes, les négociations sont difficiles. Surtout chez Stellantis, accusé par l'UAW de vouloir réduire les congés, la couverture santé et les droits à la retraite.
Hollywood et Detroit, même combat ? Si les scénaristes du temple du cinéma sont déjà en grève depuis quatre mois, les ouvriers de la capitale de l’auto risquent bien de l’être d’ici quelques jours, et ce pour des exigences similaires : une hausse des salaires. Mais en Californie et dans le Michigan, les circonstances qui ont conduit au durcissement, sont d’une autre nature.
C’est que les syndicats des big three (Ford, General Motors et Stellantis), affichent des revendications plutôt exigeantes, en réclamant 32 heures payées 40 et, surtout : une hausse des salaires de 46 %. Une demande totalement utopique ? Pas pour les organisations syndicales qui la compare à d’autres luttes récentes aux États-Unis, puisque le syndicat du groupe de transport et de logistique UPS vient d’obtenir une enveloppe de 30 milliards de dollars pour des hausses de salaires sur cinq ans, et que les pilotes d’American Airlines bénéficient de 40% d’augmentation.
Stellantis dans le viseur
Alors, dans les usines d’assemblages de Ford, Cadillac, Chevrolet, Dodge, Jeep ou Chrysler, on se dit que le moment est venu d’exiger une gratification équivalente. Mais des trois groupes qui tiennent l’auto US, il y en a un qui est plus que les deux autres dans le viseur syndical : le groupe Stellantis. Évidemment, le bénéfice de 23,3 milliards d’euros dégagé l’an passé encourage les syndicats à faire cette demande. Mais après tout, GM va très bien lui aussi, même si son résultat net est légèrement inférieur à celui du groupe franco-italo-américain, puisqu’il n’affiche « que » 14,5 milliards de dollars.
Sauf que les leaders syndicaux de Stellantis ont toujours du mal à digérer les 35 000 licenciements envisagés et en plus, ils lisent la presse et le rapport annuel de leur employeur. Ils savent donc que les marques américaines sont, pour une large part, responsables du fabuleux bénéfice du groupe. Et ils comptent bien en récupérer les subsides.
Mais si les négociations sont plus difficiles chez Stellantis, c’est aussi pour une raison personnelle. L'UAW, le syndicat majoritaire, pour ne pas dire unique, dans l’automobile américaine, est présidé, depuis peu, par Shawn Fain, qui est un ancien salarié de Stellantis et connaît les failles et l'histoire de la maison. En plus, aux États-Unis comme en Europe, le syndicalisme est dépeuplé. Il dépassait les 30 % de salariés adhérents il y a 30 ans, et ne frôle guère que les 10 % maintenant.
Alors Fain veut absolument gagner ce premier combat pour redorer le blason de son organisation et il compte bien remporter une victoire sur son ex-employeur. D’autant que celui-ci est plus réticent à négocier que les deux autres groupes. Le boss de Stellantis en Amérique du Nord, Mark Stewart, a affirmé que les revendications de l'UAW « sont totalement irréalistes » et a soumis une contre-proposition, que Shawn fain s’est empressé d’envoyer à la poubelle devant les caméras des télévisions américaines, en expliquant que « c’était leur place ».
Fain a ajouté que le groupe compte faire un bébé dans le dos à ses salariés en s’attaquant à leur couverture médicale et à leurs retraites (toutes deux privées aux US). Par-dessus le marché, et toujours selon le patron de l’UAW, Stellantis souhaiterait réduire les congés. Autant dire que Shawn Fain et Mark Stewart ne risquent pas de partir en vacances ensemble, même si elles sont écourtées.
L'administration Biden s'en mêle
Cette chaude ambiance à Detroit est parvenue aux oreilles de Washington qui entend bien s’en mêler. D’autant qu’un préavis de grève a été fixé au 14 septembre prochain, dans les trois groupes. Alors Joe Biden a confié le dossier à sa vice-présidente Kamala Harris. À elle de déminer l’affaire, et de se poser en arbitre.
Un arbitrage qui pourrait bien tourner en faveur du syndicat. Car non seulement les élections approchent, et que les démocrates comptent sur une résolution heureuse du conflit pour engranger les voix des ouvriers, mais, de plus, Washington veut mener une politique économique baptisée «Bidenomics ».
Un concept qui entend remettre la croissance en route en s’appuyant sur les couches populaires, les cols-bleus et les employés, majoritaires dans le pays. Autant dire que pour la direction américaine de Stellantis, et même pour ses dirigeants français, confrontés à l’administration américaine et au premier syndicat de l’automobile, la rentrée est plutôt tendue.
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